Le duo France-Côte d’Ivoire, un symbole attractif pour les terroristes


Par Mickael Eloge Guey Etudiant en droit public, Lyon. Article publié en collaboration avec Libre Afrique
Lundi 4 Avril 2016

Le dimanche 13 mars 2016, la station balnéaire de Grand-Bassam en Côte d’Ivoire a subi un attentat terroriste revendiqué par l’organisation terroriste Al-Mourabitoune affiliée à Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Le bilan de cet attentat est lourd avec 19 morts à déplorer. La Côte d’ivoire avait jusqu’ici été épargnée par les organisations terroristes qui opèrent au sud du sahel contrairement à certains de ses voisins. Quels enseignements peut-on tirer de ce changement de stratégie d’Al-Qaïda? D’abord, le ciblage de la Côte d’Ivoire dans le cadre de ces attentats s’inscrit dans la volonté des organisations djihadistes de frapper indirectement la France à travers ses ressortissants, et ses intérêts. En effet, la plage de Grand-Bassam est très fréquentée par les expatriés dont le plus grand nombre est ressortissant de la France, et surtout que certains des hôtels attaqués appartiennent à des français. Par ailleurs, rappelons que Grand-Bassam se trouve à une quarantaine de kilomètres du 43ème BIMA qui est la base militaire française en Côte d’Ivoire. Ces attentats ont causé la mort de quatre ressortissants français. Ceci n’est pas un hasard quand on se rappelle que la France est engagée dans la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélienne. Elle dirige l’opération Barkhane, lancée le 1er août 2014 en remplacement des opérations serval et épervier, qui s’étend aux territoires des pays de la bande sahélo saharienne (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad). Cette opération ainsi que celles qu’elle a remplacées a causé d’importantes pertes matérielles et humaines aux organisations terroristes telles que AQMI, Ansar-Dine et Al Mourabitoune. C’est d’ailleurs cette dernière organisation qui a revendiqué l’attentat de Grand-Bassam, qui constitue, dit-elle «une vengeance» pour ses frères tués par la France. Pour rappel, l’opération Barkhane a permis la découverte puis la confiscation ou la destruction d’un nombre important d’armements et munitions des jihadistes mais également la neutralisation de centaines des combattants des différentes organisations terroristes.
Ensuite, ces attentats ont visé la Côte d’Ivoire parce que les jihadistes la considèrent comme un allié de la France du fait de sa participation à la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo sahélienne. En effet, elle n’est pas membre de l’opération Barkhane, mais elle participe à la lutte contre les organisations terroristes au Mali au sein de la MINUSMA et abrite une base militaire française. Par ailleurs, la Côte d’Ivoire avait extradé en septembre 2015 des jihadistes impliqués dans des attaques au Mali. Ainsi, viser la Côte d’Ivoire constitue un «avertissement» qui doit l’amener à «se retirer d’une alliance satanique» d’avec la France.
Enfin, si d’aucuns pensent que l’attentat à Grand-Bassam était une simple attaque par procuration, comment expliquer que Al Mourabitoune n’aient pas envoyé exclusivement ses propres combattants pour exécuter l’opération ? L’organisation terroriste Al Mourabitoune aurait pu envoyer des combattants étrangers à Grand-Bassam, mais selon les sources jihadistes, le commando ayant attaqué n’était pas composé uniquement de non ivoiriens. Cela nous amène à nous interroger sur le pourquoi de l’implication d’Ivoiriens dans cette attaque, surtout quand on sait qu’il s’agit de jeunes. Comment l’organisation Al-Mourabitoune a réussi à recruter en Côte d’Ivoire ?
Dans la revendication de l’attaque, le groupe terroriste présente les tueurs comme étant pour «deux des peuhls» et le troisième «un local», on peut comprendre par là un Ivoirien. Les pays qui constituent des zones d’influences des jihadistes en Afrique subsaharienne se caractérisent par d’importants territoires sur lesquels les Etats n’ont aucune sinon très peu d’autorité et dans lesquels les organisations jihadistes ont pu prospérer et recruter plusieurs membres. L’incapacité de l’Etat ivoirien à assurer un contrôle effectif de la totalité de son territoire explique pourquoi une organisation terroriste a pu s’y implanter. Par ailleurs, certains Ivoiriens ont pu rejoindre les rangs de ces organisations, pour des raisons aussi variées les unes que les autres et que l’on retrouve chez tous les néo-terroristes telles que l’exclusion économique, sociale et politique. En effet, la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, des milliers de jeunes diplômés n’arrivent pas à obtenir un premier emploi, le SMIG ne permet pas de vivre décemment. Ce terreau est très favorable à la manipulation idéologique et au recrutement par des organisations terroristes qui arrivent, dans certains cas, à convaincre des personnes si peu attachées à la vie qu’elles préfèrent mourir en tant que «martyr» de leur lutte. La manipulation idéologique de jeunes exclus explique, mais ne justifie pas, pourquoi ces derniers se retournent contre leur pays.
En définitive, il est important de préciser que cette analyse tente de comprendre les ressorts du terrorisme qui n’est pas qu’une violence innée, mais une réaction à quelque chose. Ne dit-on pas que «pour empêcher la croissance d’un arbre, il faut le couper, mais pour ne plus jamais le voir pousser, il faut lui ôter toutes ses racines?». A travers la guerre contre le terrorisme, on joue le rôle du bucheron, mais, la lutte contre la pauvreté, les inégalités, les exclusions toutes formes confondues, ôtera toutes racines à cet arbre destructeur qu’est le terrorisme.



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