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L'existence de l'ennemi est théorique: la parade est en tout cas déjà prête.
Les parlementaires français ont par exemple récemment dû se pencher sur le sujet du dopage génétique lors de l'examen de la loi olympique adoptée le 12 avril. L'article 4 de la loi prévoit désormais la possibilité pour le laboratoire de l'Agence française antidopage (AFLD) basé à Châtenay-Malabry d'effectuer des tests génétiques notamment pendant les prochains JO de Paris en 2024, afin de pouvoir déceler une éventuelle manipulation génétique.
Cette menace, prise en compte depuis 2002 par l'Agence mondiale antidopage (AMA), plane de plus en plus sur le sport mondial, notamment en raison des avancées scientifiques en génétique favorisées par l'arrivée des vaccins à ARN messager pour lutter contre le Covid.
Le dopage génétique se définit par un détournement de la thérapie génique qui consiste à introduire du matériel génétique dans des cellules "pour soigner une maladie", explique notamment l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Sur les effets recherchés, il ne se démarque pas du dopage dit classique qui, la plupart du temps, en détournant l'usage de médicaments déjà existants, cherche à augmenter la masse musculaire, ou bien renforcer l'endurance respiratoire.
Des athlètes capables par exemple de simuler la production endogène de l'EPO (érythropoétine), ou de produire naturellement des hormones de croissance, fausseraient considérablement le jeu.
"C'est une menace avérée, un vrai sujet à surveiller. Il y a eu un effet d'accélération ces dernières années avec des mises en oeuvre pratiques en thérapie génique qui ont rendu ces techniques plus accessibles", assure Jérémy Roubin, secrétaire général de l'AFLD.
"On peut tout à fait imaginer que des délégations sportives souhaitent mettre en oeuvre du dopage génétique avec un accord plus ou moins explicite de leurs athlètes. Il y a malheureusement un historique dans le dopage qui nous invite à la prudence", assure-t-il.
Une hypothèse qui soulève toutefois quelques doutes.
"Il y a 15 ans, nous avons réussi à coder de l'EPO sur une souris, on a envoyé le gène de l'EPO dans le tissu musculaire qui s'est mis à en produire", raconte à l'AFP le professeur Bruno Pitard, directeur de recherches au CNRS. Une découverte qui avait d'ailleurs intrigué et intéressé "pas mal de gens, intéressés par le vélo et qui m'avaient écrit, beaucoup de Belgique", se souvient Bruno Pitard.
Pour ce spécialiste de génétique,"qui travaille depuis 30 ans dans ce domaine", cette manipulation "est hyper complexe", et lui ne l'a jamais testée sur l'homme.
"C'est assez simple de détourner l'usage d'un médicament existant. Mais là, notre +médicament+ génétique, il n'est ni agréé par les agences réglementaires du médicament, ni produit en grande quantité, il n'a pas subi les tests cliniques sur l'homme. Selon moi, on est très loin d'un usage dopant", assure-t-il.
"La thérapie génique que l'on maîtrise aujourd'hui, si vous n'avez pas l'infrastructure scientifique et industrielle, pour l'instant, vous ne pouvez pas le faire. On parle de milliards d'euros. Ou alors il faut une industrie d'Etat", estime Gérard Dine, professeur en biotechnologie.
Un avis que ne partage pas Olivier Rabin, le directeur scientifique de l'agence mondiale antidopage (AMA). "J'ai des éléments tangibles pour penser que ce n'est pas seulement de la théorie", assure-t-il à l'AFP.
"Est-ce que nous avons la preuve d'un dopage génétique chez les athlètes? La réponse est non. Il y a parfois eu des pistes qu'on a suivies mais qui nous ont amenés vers des produits classiques. Mais on voit arriver des produits, des comportements (...) des "bio-hackers" qui s'intéressent beaucoup à cette technique génétique qui vont même jusqu'à en produire dans leurs garages", selon lui.
"Les choses se sont extrêmement démocratisées. On le sait, il y a des gens qui font ces manipulations, et cela peut très bien un jour être des athlètes", assure-t-il.
Il y a aussi la question de la capacité de ces tests antidopage à déceler de telles manipulations génétiques, tests dont disposent l'International Testing Agency (ITA) et qui, selon Olivier Rabin, sont fiables et efficaces.
Une affirmation qui laisse là encore perplexe le professeur Bruno Pitard: "Distinguer par exemple la signature de l'EPO, son origine, c'est très difficile, très subtil de voir si l'EPO est produite par le muscle ou par les reins. Ce serait très technique", estime-t-il.