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"On s'est débarrassé d'un dictateur pour en voir apparaître 10.000 à sa place", se révolte Fatma al-Zawi, une habitante de Tripoli en faisant allusion aux seigneurs de guerre et à leurs milices qui font la loi dans le pays depuis 2011.
Comme cette mère de famille quadragénaire, la plupart des Libyens semblent peu enthousiastes pour fêter l'anniversaire de la révolution. Les autorités ont pourtant prévu un programme d'activités sportives et culturelles sur la place des martyrs à Tripoli.
Il s'agit de célébrer la révolte déclenchée le 17 février 2011 dans la foulée du Printemps arabe, et qui s'était transformée en conflit meurtrier ayant conduit à la chute du régime de Mouammar Kadhafi, huit mois plus tard.
Dans la capitale comme ailleurs, la vie quotidienne est devenue une épreuve avec les pénuries d'électricité, de carburant et d'eau, la crise des liquidités et la dévaluation sans précédent de la monnaie nationale, mais aussi les violences.
Les autorités se montrent incapables d'assurer les services de base car elles sont paralysées depuis six ans par les luttes d'influence sans merci entre tribus, courants politiques ou idéologies.
"Les protagonistes n'ont pas compris qu'aucun courant idéologique ou clan politique ou tribal ne pouvait gouverner le pays tout seul après Kadhafi", explique Rachid Khechana, directeur du Centre maghrébin d'études sur la Libye (CMEL) basé à Tunis. "Le pays n'était pas prêt à une compétition démocratique 'classique'".
En l'absence de forces de sécurité régulières, ce riche pays pétrolier aux frontières poreuses est devenu un carrefour de contrebande d'armes et surtout de trafic lucratif de migrants d'Afrique subsaharienne qui tentent la périlleuse traversée de la Méditerranée pour rejoindre l'Europe.
Profitant du chaos, les jihadistes -notamment ceux du groupe Etat islamique (EI)- ont fait de l'immense territoire libyen un de leurs repaires, même s'ils ont perdu en décembre leur bastion de Syrte.
Prévue par un accord signé en décembre 2015 sous l'égide de l'ONU au Maroc, la formation d'un gouvernement d'union nationale (GNA), avait ravivé un peu l'espoir de voir rétablir la stabilité.
Mais depuis son installation à Tripoli en mars 2016, cet exécutif ne fait pas toujours l'unanimité et n'arrive même pas à asseoir son autorité sur la capitale, qui est sous la coupe de dizaines de milices dont les allégeances et les zones de contrôle sont mouvantes.
Le GNA dirigé par Fayez al-Sarraj fait face surtout à l'hostilité de l'autorité rivale installée dans l'est du pays, où une grande partie de la région est contrôlée par les forces du maréchal controversé Khalifa Haftar.
Ignoré par l'accord du Maroc, ce militaire septuagénaire, originaire de Cyrénaïque, s'est imposé comme un interlocuteur incontournable après s'être emparé des terminaux d'où s'exporte la majorité du pétrole libyen.
Bête noire des islamistes, M. Haftar est accusé par ses rivaux de vouloir établir une nouvelle dictature militaire et suscite la méfiance des pays occidentaux. Mais son rapprochement avec la Russie et le soutien de pays arabes comme l'Egypte et les Emirats arabes unis, ont poussé la communauté internationale à revoir ses positions.
Des discussions sont ainsi en cours pour revoir l'accord, en particulier concernant le rôle futur du maréchal, selon le médiateur de l'ONU Martin Kobler.
Dans ce cadre, MM. Sarraj et Haftar devaient se rencontrer au Caire cette semaine. Mais des experts se disent déjà sceptiques.
"Cela fait six ans que la communauté internationale s'évertue à imposer un gouvernement démocratique et uni alors qu'il n'existe aucune base sur laquelle un tel exécutif peut reposer", constate Federica Saini Fasanotti, de la Brookings Institution basé à Washington.
Selon elle, les Libyens doivent faire des "choix difficiles" car "leurs divisions sont le coeur même du problème". Mais "les acteurs internationaux semblent exacerber ces divisions", regrette-t-elle.
Déclarant ne pas s'attendre à "un règlement politique décisif en 2017", Claudia Gazzini, de Crisis Group, estime que la priorité doit être le rétablissement de l'économie, très dépendante de l'or noir. "Le risque d'une nouvelle détérioration de l'économie est bien réel malgré la hausse de la production pétrolière" ces derniers mois, prévient cette experte.