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Cette présidentielle américaine 2024 voit se mesurer deux personnalités radicalement opposées, que près de deux décennies séparent.
D'un côté, l'actuelle vice-présidente démocrate, qui en juillet a remplacé au pied levé le président vieillissant Joe Biden. Kamala Harris, 60 ans, peut devenir mardi la première femme à diriger la première puissance économique et militaire de la planète.
De l'autre, l'ancien président républicain Donald Trump, 78 ans, auteur d'un retour politique spectaculaire après avoir quitté la Maison Blanche en 2021 dans un contexte chaotique, avoir réchappé à deux procédures de destitution et avoir été condamné en justice.
Emaillée de coups de théâtre inimaginables, au premier rang desquels deux tentatives d'assassinat du septuagénaire, cette campagne qui s'achève a également été marquée par toutes les surenchères dans un pays fracturé.
Chacun des deux rivaux se dit confiant dans sa victoire. Mais, en réalité, la compétition est tellement serrée que quelques dizaines de milliers de voix seulement pourraient décider de l'issue du scrutin.
Ces suffrages sont à arracher dans sept Etats-pivots bien identifiés, que les deux prétendants à la Maison Blanche sillonnent sans dételer depuis des mois, y dépensant des centaines de millions de dollars.
De ces sept Etats, celui qui offre le plus de grands électeurs est la Pennsylvanie. Les Etats-Unis, pays fédéral, ont en effet un système de suffrage universel indirect, couronnant le candidat parvenu à rassembler une majorité des 538 grands électeurs, soit au moins 270.
C'est donc logiquement en Pennsylvanie que Kamala Harris et Donald Trump jettent lundi leurs dernières forces, dans une fin de campagne tendue et anxiogène.
La vice-présidente, ancienne procureure puis sénatrice de Californie, née d'un père jamaïcain et d'une mère indienne, se rendra notamment à Scranton, ville natale de Joe Biden, puis dans les deux principales villes de l'Etat, Pittsburgh et Philadelphie.
A cette dernière étape, elle devrait y recevoir le soutien d'Oprah Winfrey, Lady Gaga et Ricky Martin, après avoir obtenu celui d'une ribambelle d'autres vedettes comme Bruce Springsteen, Jennifer Lopez ou la superstar du basket LeBron James.
Après un premier meeting à Raleigh en Caroline du Nord, Donald Trump met, lui, le cap lundi sur Reading et Pittsburgh en Pennsylvanie, avant de terminer sa journée marathon à Grand Rapids dans le Michigan.
Autant de lieux où l'ancien magnat de l'immobilier va dépeindre un pays dérivant à vau-l'eau, envahi par des millions d'immigrés clandestins criminels, en faillite économique et morale sous l'influence d'"ennemis de l'intérieur".
Le républicain a récemment durci sa rhétorique, usant de termes insultants pour désigner son adversaire, qui en réaction le dépeint en "fasciste", animé par la vengeance et sa soif de "pouvoir sans limites".
Près de 80 millions d'Américains, dont Kamala Harris, ont déjà voté de façon anticipée, sur 244 millions d'électeurs.
La présidentielle génère autant de suspense sur le résultat du scrutin que sur l'après-scrutin, Donald Trump, qui n'a jamais reconnu sa défaite en 2020 et dont les partisans ont pris d'assaut le Capitole le 6 janvier 2021, ayant déjà commencé à remettre en question l'intégrité des opérations de vote.
Les deux camps ont d'ores et déjà engagé des dizaines d'actions en justice, tandis que deux Américains sur trois redoutent une éruption de violence dans le sillage du 5 novembre.
Et si Kamala Harris et Donald Trump échouaient chacun à atteindre la majorité nécessaire de grands électeurs pour remporter la Maison Blanche? Cette hypothèse, à faire s'arracher les cheveux ou saisir d'angoisse des Américains déjà fort inquiets, est théoriquement possible.
Selon la Constitution, il reviendrait alors au Congrès de désigner le 47e président des Etats-Unis. Plus précisément, à la Chambre des représentants nouvellement élue, le Sénat se retrouvant lui chargé de désigner le futur vice-président.
Ce rare cas de figure se produirait si les deux candidats arrivent à égalité mardi en nombre de grands électeurs, 269 à 269. Plusieurs scénarios de vote aboutissent à ce partage parfait du collège électoral, qui compte 538 membres devant désigner ultérieurement le président.
Par exemple si la démocrate sort victorieuse dans le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie et que le républicain remporte la Géorgie, l'Arizona, le Nevada, la Caroline du Nord et une circonscription penchant à gauche dans le Nebraska.
Jamais dans l'histoire américaine moderne cela ne s'est produit.
Il faut remonter à la présidentielle de 1800, qui opposa Thomas Jefferson (Parti républicain-démocrate) à John Adams (Parti fédéraliste), pour retrouver une égalité dans le nombre de grands électeurs.
De façon notable, cette égalité ne concerna pas Adams mais les deux candidats républicains-démocrates, Thomas Jefferson et Aaron Burr, qui obtinrent chacun 73 voix. L'élection fut donc déclarée nulle et la Chambre des représentants eut à les départager, élisant finalement Jefferson au terme de... 36 tours de scrutin.
Cette situation complexe a conduit à l'adoption en 1804 du 12e amendement de la Constitution des Etats-Unis, qui en complète l'article 2 et détaille la procédure en cas d'absence de majorité au sein du collège électoral.
Concrètement, comment se passerait ce vote à la Chambre, à la date du 6 janvier 2025?
"Chaque Etat, quelle que soit sa population, a un droit de vote", précise le Congressional Research Service.
En d'autres mots, l'élection ne se fait pas par chaque représentant, mais par délégation majoritaire dans chaque Etat: le petit Idaho (républicain) a une voix avec ses deux représentants, tout comme l'immense Californie (démocrate) malgré ses 52 élus.
La fédération américaine comptant 50 Etats, la nouvelle majorité à atteindre serait donc de 26 votes. Et les républicains sont favoris pour conserver cette majorité qu'ils détiennent actuellement.
Il est facile d'imaginer combien un tel processus historique électriserait un pays déjà à cran, où des millions d'habitants sont convaincus que le scrutin ultra-serré est déjà entaché d'irrégularités.
Quelques dizaines de personnes sont étendues les yeux fermés pendant que retentit un gong, dans un studio de yoga de Virginie. Préoccupées par l'élection de mardi, comme beaucoup d'Américains, elles sont venues chercher là un peu de tranquillité d'esprit.
Les candidats à la Maison Blanche, Donald Trump et Kamala Harris, ont dramatisé l'enjeu pour leurs électeurs, les implorant de protéger la nation d'une issue tragique si l'adversaire venait à l'emporter.
Après une campagne où les invectives ont volé, le pays est à cran. Fatigués ou sur les nerfs, beaucoup de gens attendent avec impatience la conclusion d'une élection que les sondages annoncent extrêmement serrée.
"J'ai l'impression de ne rien y pouvoir. Il y a un niveau plancher de stress", explique Cheryl Stevens, 55 ans, après cette séance de yoga et méditation samedi à Reston, destinée à se libérer du stress des élections.
"Que se passera-t-il si nous devons à nouveau vivre ça?", demande-t-elle en évoquant la possibilité d'un nouveau mandat de Donald Trump.
Supportrice de la vice-présidente Kamala Harris, elle se dit tellement angoissée par l'élection qu'elle dort seulement quatre heures par nuit et se retrouve dans un état d'anxiété permanente.
Les dizaines de millions d'électeurs américains doivent choisir entre l'ex-président républicain, qui n'a jamais reconnu sa défaite en 2020, et la démocrate, qui pourrait devenir la première femme présidente du pays.
Deux Amériques s'opposent et ce fossé a créé des conflits entre époux, amis et parents, tout en étant une réelle source d'inquiétude pour beaucoup.
"Les Américains se sentent de plus en plus stressés par la politique", affirme un article sur le site de l'Organisation psychologique américaine (APA).
"Ca a été une campagne tumultueuse, avec des tentatives d'assassinat, un changement de candidat de dernière minute (ndlr: Mme Harris a tardivement remplacé le président sortant Joe Biden, qui a renoncé à se présenter), des débats dramatiques et des batailles judiciaires."
Selon une étude de l'APA publiée en octobre, 69% des adultes américains considèrent que l'élection leur cause du stress.
Un chiffre encore plus élevé qu'en 2020 (68%), quand le pays sortait du mandat agité de M. Trump, la pandémie de Covid faisait des ravages et les manifestations pour la justice sociale se multipliaient.
C'est aussi bien plus que les 52% rapportés en 2016, avant que le milliardaire ne créé la surprise et soit élu devant Hillary Clinton.
Exploitant agricole et producteur de marijuana, Joe Upcavage figurait parmi des partisans de M. Trump réunis samedi à Salem, en Virginie, à quatre heures et un monde d'écart de Reston, ville solidement démocrate.
"On est martelé à droite et à gauche par les médias et toutes les fausses conneries. Vous ne pouvez rien dire sur les réseaux sociaux sans que ce soit qualifié de faux", fait-il valoir.
"Dans ma ville natale, Levittown, en Pennsylvanie, il y a tout un tas de fraudes électorales, et tout le monde là-bas est sur les nerfs parce que c'est le bazar complet, un désastre absolu", ajoute-t-il.
"Notre manière de déstresser, c'est de s'en tenir à ce qu'on sait faire: s'occuper des poulets et couper du bois", souligne M. Upcavage.
A l'approche du scrutin, une multitude d'articles en ligne offrent des conseils sur la manière de gérer le stress, via des exercices de respiration ou en évitant de regarder les réseaux sociaux avant d'aller se coucher.
"Nous avons tous des niveaux de tolérance différents. Ca peut conduire à tout voir de manière catastrophique, à envisager le scénario du pire", a déclaré à ABC News Susan Albers, une psychologue de la Cleveland Clinic.
Dans la salle de yoga de Reston, Reggie Hubbard presse ses élèves de prendre soin d'eux.
"Je suis content que vous soyez tous venus pour être avec des étrangers plutôt que déprimer devant vos écrans", dit-il en déclenchant des rires dans l'assistance.
"On est tous dans la même barque, qu'on le veuille ou non. Alors pourquoi ne pas essayer d'aimer ça", ajoute-t-il.
Ce sentiment de cohésion sera toutefois mis à l'épreuve mardi, quand les Américains devront, quoi qu'il se passe, se faire à l'idée qu'une moitié du pays est en désaccord avec le résultat.
Le curieux système électoral américain
Donald Trump vainqueur sur Hillary Clinton en 2016 malgré près de trois millions de voix de moins, George W. Bush élu en 2000 contre Al Gore qui avait pourtant recueilli près de 500.000 votes en plus: la présidentielle américaine repose sur un système très particulier.
Au coeur de ce scrutin indirect: les grands électeurs du collège électoral. Dans ces deux exemples, la victoire a priori surprenante des candidats républicains s'explique par le fait qu'ils avaient dépassé les 270 votes de grands électeurs nécessaires pour ouvrir les portes de la Maison Blanche.
Quelques clés d'explication du scrutin qui oppose mardi Donald Trump à Kamala Harris.
Le système date de la Constitution de 1787, qui fixe les règles de l'élection présidentielle selon un suffrage universel indirect à un tour.
Les pères fondateurs y voyaient un compromis entre une élection du président au suffrage universel direct et une élection par le Congrès, considérée comme trop peu démocratique.
Des centaines de propositions d'amendements visant à modifier ou à supprimer le collège électoral ont été soumises au Congrès au fil des décennies et des victoires choc, mais aucune n'a abouti.
Ils sont 538 au total. Pour la plupart élus et responsables locaux de leur parti, leurs noms n'apparaissent pas sur les bulletins de vote et ils sont dans leur écrasante majorité inconnus du grand public.
Chaque Etat a autant de grands électeurs que d'élus à la Chambre des représentants (nombre déterminé en fonction de la population) et au Sénat (deux par Etat).
La Californie en a par exemple 55 et le Texas 38. Le Vermont, l'Alaska, le Wyoming et le Delaware n'en ont que trois.
Le candidat qui remporte la majorité des voix dans un Etat rafle tous les grands électeurs de cet Etat, sauf dans le Nebraska et le Maine qui répartissent leurs grands électeurs à la proportionnelle.
En novembre 2016, Donald Trump avait emporté 306 grands électeurs. Des millions d'Américains avaient appelé à lui faire barrage. Mais seuls deux grands électeurs du Texas avaient fait défection, lui donnant 304 votes.
Cette situation n'était pas inédite. Cinq présidents américains, en tout, ont perdu le vote populaire mais remporté l'élection. John Quincy Adams a été le premier, en 1824 contre Andrew Jackson.
La fameuse élection de 2000 avait donné lieu à un imbroglio épique en Floride entre George W. Bush et le démocrate Al Gore. Ce dernier avait remporté plus de voix dans le pays, mais le républicain avait engrangé 271 votes au collège électoral.
Rien dans la Constitution n'oblige les grands électeurs à voter d'une manière ou d'une autre.
Si certains Etats les obligent à respecter le vote populaire, les "électeurs infidèles" ne s'exposaient jusque-là la plupart du temps qu'à une simple amende. Mais en juillet 2020, la Cour suprême a jugé que ces grands électeurs "déloyaux" pouvaient être sanctionnés s'ils s'affranchissaient du choix des citoyens.
Entre 1796 et 2016, il y a eu 180 votes de grands électeurs contraires aux attentes lors des élections présidentielles. Ils n'ont jamais altéré le résultat final sur l'identité du locataire de la Maison Blanche.
Les grands électeurs se retrouveront mi-décembre dans leur Etat. Le 6 janvier 2025, à l'issue du décompte officiel des votes, le Congrès annoncera solennellement le nom du président ou de la présidente. Mais le résultat sera connu bien avant.
Tout semble opposer les deux candidats à l'élection présidentielle américaine de mardi. Mais quels sont les enjeux politiques de cette campagne décrite comme historique?
Après trois années de forte inflation, le pouvoir d'achat est un sujet de préoccupation majeur pour de nombreux Américains.
Donald Trump, qui avait comme président réduit le taux d'imposition des plus riches et des entreprises, a promis des droits de douane de "plus de 10%" sur toutes les importations, ce qui lui permettra de financer une large baisse d'impôts.
Le candidat républicain s'est aussi engagé à faire des Etats-Unis "la capitale mondiale du bitcoin et des cryptomonnaies".
De son côté, la démocrate Kamala Harris se présente comme la candidate des classes moyennes et veut créer une "économie des possibles". Si elle a repris certains engagements de Joe Biden sur la taxation des grandes fortunes, elle les a tempérés.
Elle promet un crédit d'impôt à la naissance, une aide à l'accession à la propriété immobilière et un coup de pouce à la création d'entreprise.
Pour Donald Trump, la question de la frontière est le "sujet numéro 1". C'est aussi le plus sensible de la campagne: sous la présidence Biden, le pays a connu un pic d'entrées illégales.
Le républicain, qui avait fait campagne en 2016 en promettant de construire un mur le long de la frontière mexicaine, est allé beaucoup plus loin cette fois-ci promettant la plus grosse opération d'expulsion de migrants clandestins de l'histoire des Etats-Unis.
"Une invasion", "des hordes", "ils empoisonnent le sang de l'Amérique": sa rhétorique xénophobe et déshumanisante sur les migrants revient en boucle dans ses discours.
De son côté, Kamala Harris, sur la défensive sur ce sujet, a expliqué qu'elle aurait une politique de fermeté, en estimant qu'il fallait des "conséquences" pour les personnes entrant de manière illégale.
Elle a soutenu un projet de net durcissement de la politique migratoire de Joe Biden, prévoyant notamment d'investir dans des barrières physiques.
L'enjeu pourrait inciter des citoyens traditionnellement moins politisés à se rendre aux urnes, notamment des femmes, ce qui pourrait avantager les démocrates. Car en parallèle de la présidentielle, des référendums sont organisés sur le sujet dans dix Etats.
Il s'agit de la première présidentielle depuis que la Cour suprême, remaniée par Donald Trump, est revenue sur la protection fédérale de l'avortement en révoquant en juin 2022 l'arrêt Roe v. Wade. Depuis au moins 20 Etats ont mis en place des restrictions partielles ou totales à l'interruption volontaire de grossesse.
Aux avant-postes sur cette question, Kamala Harris en a fait un élément central de sa vice-présidence et de sa campagne. Elle tient son rival pour responsable de la situation actuelle qu'elle décrit comme "horrible et déchirante".
Elle veut une loi fédérale, qui reprendrait les dispositions de l'arrêt Roe v. Wade.
A l'inverse, Donald Trump louvoie sur cette question. Il se dit fier d'avoir remis entre les mains des Etats cette question grâce à la décision de la Cour suprême mais a déclaré que certains "étaient allés trop loin".
Il a promis que son administration serait "formidable pour les femmes" mais certains craignent, après des propos ambigus de sa part, qu'il utilise son pouvoir présidentiel pour limiter l'accès aux médicaments utilisés dans les avortements médicamenteux.
Avec une campagne qui se déroule alors que les guerres au Proche-Orient et en Ukraine font rage, les positions de deux candidats sont scrutées à la loupe par certains groupes d'électeurs.
Le républicain, qui estime que l'Amérique n'a jamais été aussi peu respectée dans le monde, ne cesse de dire qu'il réglerait les conflits sans attendre. Mais il n'explique jamais comment.
Il dénonce les montants pharamineux débloqués par Washington pour Kiev depuis 2022.
A l'inverse, Kamala Harris a promis qu'elle se tiendrait "fermement aux côtés de l'Ukraine" et ne ferait pas "ami-ami avec les dictateurs", contrairement à son rival.
S'ils ont tous les deux apporté leur appui à Israël qui a le "droit de se défendre", la vice-présidence a tenté de balancer son discours insistant aussi sur la souffrance des Palestiniens.
Les Etats-Unis sont le deuxième plus gros émetteur mondial de gaz à effet de serre, derrière la Chine, mais le sujet n'a que peu été abordé par les candidats, qui ont des vues diamétralement opposées.
Donald Trump, climato-sceptique, a promis de revenir sur les subventions aux énergies renouvelables et aux véhicules électriques. L'ancien président a également prévu de "forer à tout va" et de sortir à nouveau de l'Accord de Paris.
Kamala Harris s'engage à "poursuivre et développer le leadership international des Etats-Unis sur le climat".
Vice-présidente, elle avait soutenu le grand plan de transition énergétique de Joe Biden, le "Inflation Reduction Act".
Et tant que sénatrice de Californie, elle a soutenu le "Green New Deal", résolution appelant à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre.
Ou comment Harris mise sur le vote secret des femmes
"Ce qui se passe dans l'isoloir reste dans l'isoloir." Dans le sprint final de la campagne électorale aux Etats-Unis, elle en fait du bruit, cette publicité mettant en scène une femme qui vote pour Kamala Harris en cachette de son trumpiste de mari.
Dans ce clip de 30 secondes, auquel l'actrice Julia Roberts prête sa voix, un couple arrive au bureau de vote. Leurs casquettes brodées de symboles patriotiques laissent penser que voilà deux partisans de l'ancien président républicain Donald Trump.
Mais l'épouse coche la case "Kamala Harris", après avoir échangé un regard complice avec une autre femme, par-dessus le paravent de carton qui dissimule chaque station de vote.
"Personne n'en saura rien", dit la voix off, avant que le mari ne demande: "Tu as fait le bon choix?" et que son épouse ne réponde: "Bien sûr chéri".
Cette publicité financée par un groupe religieux a suscité la fureur du camp adverse.
Donald Trump a critiqué un spot "stupide", et demandé: "Pouvez-vous imaginer une femme qui ne dit pas à son mari pour qui elle vote?".
Sur la chaîne Fox News, prisée des conservateurs, un présentateur vedette a lancé que si sa compagne votait en cachette pour Kamala Harris, "ce serait comme si elle (le) trompait", alors que l'ancien patron de la Chambre des représentants Newt Gingrich a jugé que cette vidéo illustrait la "corruption" morale du camp démocrate.
Le Lincoln Project, un groupe fondé par des conservateurs modérés, a diffusé un spot similaire montrant deux hommes, à la mise bourgeoise, qui assurent avec de petits sourires satisfaits que leurs épouses voteront pour Donald Trump. Puis la caméra montre que les deux femmes votent pour la candidate démocrate.
Ces vidéos, et la réaction furieuse des trumpistes, illustrent deux caractéristiques de cette campagne.
D'abord, que Donald Trump et Kamala Harris se battent vraiment pour la moindre voix dans la course présidentielle peut-être la plus indécise que les Etats-Unis aient jamais connue.
Ensuite, que la candidate démocrate mise à fond sur la mobilisation des femmes dans une course ultra-serrée qui pourrait voir les électrices et les électeurs diverger comme jamais.
Selon le dernier pointage rendu public par la chaîne NBC, Kamala Harris a une avance de 16 points dans les intentions de vote des femmes, et Donald Trump de 18 points dans les intentions de vote des hommes.
Cet écart cumulé ou "gender gap" de 34 points, du jamais vu, témoigne de l'importance très forte dans la campagne du droit à l'avortement, remis en cause dans une vingtaine d'Etats conservateurs avec la bénédiction de la Cour suprême, et que la candidate démocrate défend vigoureusement.
De manière plus générale, l'élection voit s'affronter "une vision traditionnelle et patriarcale de la masculinité", portée par un Donald Trump qui se présente en "protecteur" des femmes, et une Kamala Harris dont le message "est moins aligné sur les rôles stéréotypés ou traditionnels", explique Kelly Dittmar, professeure de sciences politiques à l'université Rutgers.
L'ancienne parlementaire républicaine Liz Cheney, ralliée à Kamala Harris, a misé ouvertement sur le vote "secret" pour la démocrate.
"Il va y avoir un certain nombre de femmes et d'hommes qui vont aller aux urnes et voter en conscience et voter pour la vice-présidente Harris. Ils ne le diront jamais publiquement mais les résultats parleront d'eux-mêmes", a assuré la fille de l'ancien vice-président de George W. Bush, Dick Cheney.
"Si vous êtes une femme qui vit avec des hommes qui ne vous écoutent pas ou n'attachent pas d'importance à votre opinion, rappelez-vous que votre vote est une affaire privée. Peu importe les opinions politiques de votre partenaire, le choix vous appartient", a aussi dit récemment l'ancienne Première dame Michelle Obama.
La quête du vote "secret" par le camp Harris ne s'arrête pas aux femmes. Le groupe ayant financé la publicité narrée par Julia Roberts en a diffusé une autre, mettant cette fois en scène un électeur qui choisit la vice-présidente sans en dire un mot à ses copains trumpistes, avec pour narrateur une autre star, George Clooney.
Candidats, Etats clés, financements... à deux jours du scrutin présidentiel américain qui viendra clôturer une campagne acrimonieuse, voici quelques chiffres sur ce rendez-vous très attendu:
Deux candidats font campagne en 2024: le républicain et ancien président Donald Trump et la démocrate et vice-présidente Kamala Harris.
Des candidats tiers tentent régulièrement de se lancer dans la course, sans réussir à briser le monopole des deux principaux partis. Cette année, il y aura notamment l'écologiste Jill Stein ou l'universitaire Cornel West, dont les scores s'annoncent très minimes.
Le président américain est élu pour un mandat de quatre ans. Il ne peut effectuer qu'un maximum de deux mandats, consécutifs ou non.
Si Kamala Harris est élue mardi, elle pourrait donc se représenter en 2028, contrairement à Donald Trump s'il était élu.
Le scrutin est prévu ce 5 novembre. Il se déroule traditionnellement le mardi suivant le premier lundi de ce mois.
Les sept "swing states", Etats "clés" ou "pivots" en français, sont les clés de l'élection car ils ne penchent pas clairement pour un parti ou un autre.
Du Michigan à l'Arizona en passant par le Nevada, le Wisconsin, la Pennsylvanie, la Géorgie et la Caroline du Nord, Donald Trump et Kamala Harris y concentrent leurs derniers efforts pour arracher la victoire.
Dans une élection extrêmement serrée, la présidence risque de se jouer à quelques dizaines de milliers de voix près.
Au-delà de la présidentielle, les Américains vont également voter pour renouveler le Congrès: 34 sièges de sénateurs (sur 100) et les 435 sièges de la Chambre des représentants sont en jeu.
A la chambre haute, les sénateurs sont élus pour six ans. Les républicains espèrent bien inverser la courte majorité démocrate.
Les représentants effectuent un mandat de deux ans. Les démocrates espèrent reconquérir cette chambre, actuellement à majorité républicaine.
Dans un scrutin au suffrage universel indirect: les Américains votent pour 538 grands électeurs, qui désignent ensuite le président. Pour être élu, le candidat doit obtenir la voix de 270 grands électeurs.
Chaque Etat a un nombre de grands électeurs différent. Il est calculé en additionnant le nombre de sénateurs (deux par Etat) au nombre d'élus à la Chambre des représentants, qui varie en fonction de la population de l'Etat.
Environ 244 millions d'Américains pourront voter, selon le Bipartisan Policy Center.
Les élections de mi-mandat de 2018 et 2022, ainsi que la présidentielle de 2020, ont enregistré les taux de participation les plus élevés pour des élections de ce type depuis des décennies, selon le Pew Research Center.
Par exemple, "environ deux tiers" des électeurs ont voté en 2020, soit "le taux le plus élevé pour toute élection nationale depuis 1900", selon la même source.
Plus de 75 millions d'Américains ont voté en avance pour le scrutin de 2024, selon le décompte samedi de l'Université de Floride.
Un peu partout aux Etats-Unis, les électeurs peuvent voter par correspondance, ou physiquement de manière anticipée, avant le jour de l'élection mardi 5 novembre.