L'ordre mondial se dégrade


Salem AlKetbi
Mercredi 25 Novembre 2020

La plupart des experts et des chercheurs s’accordent à dire que la nouvelle pandémie de la Covid-19 marquera un revirement historique qui séparera l’avant et l’après-coronavirus. Beaucoup se pressent pour démontrer le bien-fondé de cet avis et ses implications. Des analyses ont aussi établi des conceptions sur la forme de l’ordre mondial post-coronavirus, ses structures et ses modes de souveraineté et d’influence. Force est de constater que les preuves et prémices sont légion à indiquer que nous vivons les premiers pas de la transition vers un nouvel ordre mondial. Certaines d’entre elles concernant les incertitudes et les lacunes croissantes entourant ce qu’on appelle le modèle de domination américain, à la fois en raison des événements de la récente élection présidentielle et de l’incapacité à contrôler l’apparition du nouveau coronavirus. D’autres sont liées à l’émergence de nouveaux concurrents, la Chine en tête. Celle-ci continue de grimper à une vitesse record vers la première place mondiale, au plan économique tout d’abord. Selon de nombreux rapports européens publiés récemment, l’économie chinoise se hisse rapidement au premier rang mondial, à un taux de croissance record de 6%. La Chine a entrepris de créer des blocs régionaux et internationaux solides, dont le plus récent est le nouvel accord de partenariat économique régional, qui inclut les pays de l’ANASE, ainsi que l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et la Corée du Sud. Le bloc regroupe environ un tiers de la population mondiale et de la production économique mondiale. Ajoutons à cela l’initiative Ceinture et route («Belt & Road»), qui devrait redessiner la carte du commerce mondial, et nous sommes devant une superpuissance capable de prendre la tête de l’économie mondiale. Le Times l’a récemment souligné, considérant que le leadership de la Chine sur le système de sécurité mondial est désormais une question de temps. Cette reconnaissance s’inscrit dans un contexte où l’on exprime des doutes sur la popularité du modèle chinois à l’échelle mondiale. Par ailleurs, elle reflète une appréhension occidentale de l’ascension accélérée de la Chine au sommet de l’ordre mondial. Bien d’autres choses témoignent des interactions préalables à la prochaine vague de changements dans la structure de l’ordre mondial. Il y en a qui se rapportent au comportement politique de la Chine. Son attitude a relativement changé, révélant ainsi la volonté des dirigeants chinois d’éviter de se précipiter d’entrer en collision avec les Etats-Unis. Mais cela exprime aussi un vif désir de défendre les intérêts stratégiques chinois. D’autres changements se rattachent aux positions occidentales sur l’ordre mondial actuel. Critiquant le Conseil de sécurité de l’ONU, le président français Emmanuel Macron s’est adressé à un magazine parisien en affirmant : «Je suis obligé de constater que le Conseil de sécurité des Nations unies ne produit plus de solutions utiles aujourd’hui». «Les Etats-Unis ne nous respecteront en tant qu’alliés que si nous sommes sérieux avec nous-

mêmes, et si nous sommes souverains avec notre propre défense». A ces propos marquants s’ajoutent les positions antérieures du président Macron pour qui l’OTAN est en «mort cérébrale», et dans lesquelles il appelle à repenser l’Alliance atlantique. Il en va de même pour les positions bien connues des grandes puissances comme la Russie et la Chine sur les pratiques des instances internationales. Tout compte fait, l’insatisfaction à l’égard de l’ordre mondial ne cesse de grandir. Le rythme du changement ne peut que s’accélérer dans un tel état de fait.

Dans les pays arabes, au milieu de ces interactions internationales, on se soucie d’assurer ne serait-ce que peu d’influence sur les équations futures. En vérité, c’est peut-être insaisissable dans un contexte de vulnérabilité sans précédent des institutions d’action collective arabes. 

Mais on doit se rendre compte que les règles d’un nouvel ordre mondial ne se feront pas dans quelques années. Il faudra peut-être une décennie ou deux pour que la stratégie et le leadership de la prochaine ère soient clairs. 

Donc, la balle est toujours dans le camp arabe pour sortir du dédale de problèmes qui guettent nombre de pays et menacent leur présent et leur avenir. On doit saisir les occasions d’influencer le futur ordre mondial.
Par Salem AlKetbi
Politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral


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