L’homme, le journaliste, le militant, le martyr

Commémoration du 47ème anniversaire de la disparition d’Omar Benjelloun


Libé
Vendredi 16 Décembre 2022

L’assassinat d’Omar Benjelloun, martyr de la liberté, de la démocratie et du socialisme fut un acte terroriste, planifié par ceux qui ont fait du meurtre sous couvert de la religion, une idéologie. Des personnes ignorantes, endoctrinées par la haine et le prosélytisme, ont été les instruments de ce crime odieux avec la complicité des services de sécurité de l’époque, obsédés par les moyens d’endiguer l’avancée de la pensée ittihadie, notamment après le succès des travaux du Congrès extraordinaire de janvier 1975.

Au cours de ces assises historiques, l’USFP avait adopté, dans des circonstances difficiles, la voie de la clarté idéologique et du militantisme démocratique et ouvert sur l’avenir. Le parti avait, par ailleurs, érigé la récupération de l’intégrité territoriale au rang de préoccupation majeure, transcendant ainsi les petits calculs. L’assassinat d’Omar Benjelloun par les intégristes de la Chabiba Islamya avait été froidement planifié et exécuté en vue de porter un coup dur à l’USFP.

En mettant un terme à la vie d’un leader politique, les hérauts de l’obscurantisme croyaient pouvoir ébranler le parti des forces populaires, ses valeurs, ses principes et son action. Il n’en fut rien puisque l’USFP n’a jamais dévié de sa voie et que sa détermination n’est sortie que plus grande et plus aguerrie de cette épreuve. Deux menaces de mort ont précédé ce crime odieux sous forme de colis piégés. Le premier, destiné au martyr Omar Benjelloun, n’a pas explosé et le second adressé, le même jour, à son compagnon de lutte Mohamed Elyazghi, a explosé au visage de ce dernier. Non satisfaites de cet attentat, les forces de la réaction ont programmé et entraîné leurs nervis pour commettre leur forfaiture de manière directe sur la personne d’Omar Benjelloun.

47 années sont passées depuis que ce dernier, que Dieu ait son âme, est tombé, ensanglanté, devant le seuil de sa maison à Casablanca, le 18 décembre 1975. Mais ses enseignements et son souvenir sont toujours vivaces dans la mémoire des militants et militantes ittihadis et également dans la mémoire de toutes les forces de gauche et de l’ensemble du peuple marocain.

Le regretté fut, en effet, un militant brillant dans nombre de domaines. C’était aussi un journaliste audacieux qui n’hésitait jamais à dénoncer l’injustice et à propager la pensée démocratique socialiste et les valeurs de la modernité tout en veillant à exercer sa mission avec professionnalisme en tant que responsable des journaux Al Moharrir et Palestine.

A côté d’Omar le journaliste, Omar l’avocat compétent et courageux défendait le droit. Dans un cas comme dans l’autre, il le faisait avec courage et abnégation, joignant la pensée à l’action et se dépensant sans compter. Ce fut le parfait exemple de l’intellectuel organique. Toutes ces qualités l’avaient doté d’un charisme qui puisait sa pérennité de sa modestie et de son humanisme et en même temps de son autodidaxie et de sa flamme militante qui ne faisait que se renforcer dans les moments les plus critiques. Il fut donc et demeurera à jamais l’exemple du parfait militant qui ne recule devant aucun sacrifice pour que le Maroc puisse profiter à tous les Marocains.
 
Un crime odieux
 
Casablanca, le 18 décembre 1975. Il est 15h et nous sommes à proximité du 91, rue Camille Desmoulins (devenue Boulevard Al Massira Al Khadra), la célèbre avenue commerçante de la ville blanche. Un homme, la quarantaine, quitte sa petite villa et se dirige vers sa voiture, une R16 blanche. Deux inconnus l’attendent et l’abordent sans crier gare. Les deux assaillants, qui ont bien planifié leur coup, sortent en une fraction de seconde un arsenal d’armes artisanales: un couteau, un tournevis, une manivelle, etc. Une pluie de frappes d’une rare violence s’abat sur leur interlocuteur. Il prend un premier coup à la poitrine, un deuxième au dos et un troisième à la tête, qui lui sera fatal. Il est à terre, inerte et git dans une mare de sang. Mort. La victime s’appelle Omar Benjelloun. Cet idéologue, syndicaliste, ingénieur, avocat et journaliste, est l’un des acteurs politiques de tout premier plan dans ce Maroc agité des années de plomb. Ce 18 décembre 1975, le Maroc vient tout simplement d’assister à l’assassinat politique le plus crapuleux et barbare qui soit.

Omar Benjelloun, fier fils de l’Oriental et militant au long cours, n’est plus. Alors, qui était-il vraiment ? Un fils du peuple, un vrai. Né en 1934 à Berguent, un village niché dans l’Oriental, près d’Oujda, il s’acharne dans ses études et devient l’un des premiers ingénieurs marocains en télécommunications formés en France, avec, en parallèle, un diplôme en droit. De retour au pays, son étoile brille dans le ciel du parti des forces populaires, principale formation d’opposition. Il sillonne le pays pour mobiliser les masses, quand il n’est pas en prison.

Et c’est précisément derrière les barreaux qu’il couche noir sur blanc ses idées pour le renouveau du parti. Résultat : le rapport idéologique qu’il présente lui-même devant le Congrès extraordinaire de janvier 1975 porte sa signature et celle de Mohamed Abed El Jabri, le “philosophe” du parti et l’un de ses principaux idéologues. Travailleur infatigable, Omar Benjelloun est aussi un journaliste qui dirige d’une main de maître Al Moharrir, le quotidien du parti, à l’époque le journal le plus influent du pays. Son action politique infatigable et l’audace de sa chronique Bissaraha (En toute vérité) dérangent pas mal de monde. Il est ainsi devenu l’homme à abattre. Mais ses assassins pouvaient-ils en faire de même pour sa pensée ? Loin s’en faut.
 
L’intégrisme voulait assassiner les valeurs démocratiques en devenir
 
Une bande terroriste drapée des oripeaux d’une religiosité fanatique a porté atteinte à la vie du grand leader ittihadi Omar Benjelloun, qui est tombé assassiné devant sa maison. Les commanditaires de cet acte sanguinaire qui a été le premier assassinat terroriste barbare commis au nom de la religion, de l’histoire politique moderne du Maroc, ne visaient pas l’élimination physique d’un leader politique juste qui ne recule devant rien pour défendre la justice. Ils visaient aussi et principalement l’élimination des valeurs à la défense desquelles le martyr avait consacré sa vie: les valeurs de démocratie, de modernité et la construction d’une société nouvelle. N’ayant jamais accepté les grandes valeurs du regretté, ni son rayonnement intellectuel, ils avaient planifié son élimination physique, croyant que leur obscurantisme pourrait faire disparaître l’idéal auquel il avait consacré sa vie. Omar Benjelloun avait, en effet, choisi, sa vie durant, la voie de la lutte démocratique à l’intérieur de la patrie, supportant avec courage et noblesse l’emprisonnement et la condamnation à mort. Et quand les ennemis de la démocratie ont désespéré de le détourner du choix démocratique, ils lui ont envoyé un colis piégé. Ayant échappé à cet attentat odieux, il a été éliminé physiquement comme l’ont décidé ses ravisseurs.

Les militantes et militants doivent se remémorer la leçon de démocratie qu’inspire le parcours du martyr Omar, qui a cru en la démocratie en tant que théorie et pratique, au point de sacrifier sa vie pour elle. Et de la même manière qu’Omar était convaincu que la voie de l’action militante authentique, ne peut être que celle de la démocratie, cette démocratie politique, économique, sociale et culturelle, globale, il a associé conformément aux principes de notre parti, la démocratie à la libération dans le cadre de notre cause de l’intégrité territoriale. Il affrontait les séparatistes dans tous les forums à l’extérieur du Maroc, avec les valeurs du militant démocrate unificateur exceptionnel.

Il est allé à La Haye suivre les séances de traitement du dossier du Sahara marocain devant la Cour internationale de justice. Ses correspondances de La Haye publiées par le quotidien interdit “Al Moharrir”, sont le témoignage de cette noblesse patriotique. Les contributions éclairées à la préparation du rapport idéologique de 1975 ont montré aussi ce visage rayonnant d’Omar le musulman démocrate et socialiste. Le musulman authentique imprégné de valeurs, de justice, d’égalité demeure convaincu avant tout cela, des valeurs du pardon et de la tolérance, y compris vis-à-vis de ses bourreaux. La fidélité au souvenir d’Omar Benjelloun exige donc que les militants de l’USFP puissent continuer à cultiver l’esprit de camaraderie fondé sur l’éthique, la démocratie, la capacité d’écoute vis-à-vis des citoyens, l’action en profondeur dans la société, la valorisation de l’effort intellectuel et culturel ainsi que le renouvellement des moyens d’action et leur consolidation.
 
Une œuvre immortelle

Le meurtre d’Omar Benjelloun, que Dieu ait son âme, était un coup dur pour l'USFP. Un crime qui a mis un terme à la vie d'un grand leader politique ittihadi. En dépit de la gravité de cette catastrophe, l'USFP est resté fidèle aux résolutions du Congrès extraordinaire de 1975. Ses idées et ses principes, qui sont bien entendu ceux de son parti, ne se sont pas éteints. Son souvenir est toujours vivace dans la mémoire des militants et militantes ittihadis et également dans la mémoire de la gauche et de l’ensemble du peuple marocain.

Tout jeune encore, Omar Benjelloun a œuvré pour l'unification des rangs de la gauche. Aujourd'hui, l'USFP poursuit la réalisation de cette mission historique qui a pour ambition, l'édification d'un grand parti socialiste démocratique ouvert à tous ceux qui partagent ses valeurs et ses choix.

La commémoration de l’anniversaire du martyr Omar Benjelloun doit être une opportunité pour nous inspirer des leçons de sa pensée et de son passé militant. Il fut un militant ferme et brillant dans nombre de domaines différents, devenus un seul terrain pour un long combat de l'homme pour l'Homme. L'Homme, en même temps, un moyen et une fin pour tout projet de développement économique, social, culturel ou politique.


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