John Roberts, juge “arbitre” au procès de Trump

Les juges sont comme des arbitres. Les arbitres ne font pas les règles, ils les appliquent


Jeudi 16 Janvier 2020

Le chef de la Cour suprême des Etats-Unis John Roberts s'est toujours posé en "arbitre" au-dessus des querelles partisanes. Il se retrouve aujourd'hui plongé dans l'une des batailles politiques les plus féroces de l'histoire américaine: le procès en destitution de Donald Trump.
A 64 ans, le plus haut magistrat des Etats-Unis s'apprête, comme l'exige la Constitution, à présider le procès au Sénat du président républicain qui ne cesse de dénoncer une "machination" ourdie par son opposition démocrate.
Dans ce climat électrique, ce brillant juriste, toujours courtois, devrait tout faire pour rester au dessus de la mêlée, fidèle à la ligne de conduite qu'il avait décrite en 2005, juste après avoir été nommé à la haute Cour par le républicain George W. Bush.
"Les juges sont comme des arbitres. Les arbitres ne font pas les règles, ils les appliquent", avait-il déclaré aux sénateurs chargés de confirmer sa nomination. Leur rôle est "essentiel" mais "limité", avait-il poursuivi: "Personne ne va à un match pour voir l'arbitre".
Fidèle à cette logique, il a au cours des quinze années suivantes surtout voté avec les autres magistrats conservateurs de la plus haute juridiction des Etats-Unis, contre le mariage homosexuel ou pour restreindre le droit à l'avortement notamment.
Mais il s'est parfois rallié à ses collègues progressistes, apportant par exemple la voix nécessaire pour valider en 2012 la loi emblématique du président démocrate Barack Obama sur l'assurance maladie.
Ce vote lui a attiré les foudres des républicains. "John Roberts s'est révélé un désastre absolu parce qu'il nous a donné l'Obamacare", avait lancé Donald Trump pendant sa campagne. C'est un "cauchemar" !
Le "chief justice" n'avait pas réagi et, en janvier 2017, Donald Trump avait prêté serment devant lui avant d'entrer à la Maison Blanche.
En 2018, à la surprise générale, John Roberts est toutefois sorti de sa réserve pour recadrer Donald Trump qui, une nouvelle fois, avait accusé un magistrat d'être partisan.
"Il n'y a pas de juges pro-Obama, ou de juges pro-Trump, pro-Bush ou pro-Clinton", avait souligné le magistrat dans un communiqué inédit. "Nous avons un ensemble extraordinaire de juges dévoués qui font de leur mieux pour juger équitablement ceux qui comparaissent devant eux".
Pugnace comme à son habitude, Donald Trump avait renchéri: "Je suis désolé, M. le président John Roberts, mais il existe effectivement des +juges pro-Obama+".
Depuis cette passe d'armes, aucun nouvel éclat n'a opposé les deux hommes mais 2020 est un terrain miné.
Dès la fin de cette semaine, John Roberts devrait faire prêter serment aux 100 sénateurs chargés de juger le président. Pendant le procès, il dirigera les débats, lira les questions des sénateurs, fera régner l'ordre si le besoin s'en faisait ressentir.
En théorie, il pourrait aussi autoriser l'audition de témoins ou l'admission de preuves. Son pouvoir est toutefois limité, chacune de ses décisions pouvant être annulée à la majorité simple des sénateurs.
Cette position a minima devrait lui convenir, souligne Frank Bowman sur le site SCOTUSblog. "Quelle que soit son opinion personnelle sur Trump, sa priorité devrait être d'éviter d'avoir l'air partial, pour ne pas mettre en danger sa position sur la neutralité de la justice et la légitimité de la Cour suprême."
En 1999, lors du procès du président démocrate Bill Clinton, son prédécesseur William Rehnquist avait déjà joué sa partition de façon discrète. "Je n'ai rien fait de particulier, mais je l'ai très bien fait", avait-il ensuite plaisanté.
John Roberts ne sera pas tiré d'affaire pour autant. Droits des homosexuels, des immigrés ou encore des femmes à avorter: les neuf sages de la Cour suprême doivent rendre prochainement des décisions très attendues. D'ici juin, ils doivent aussi dire si le président est obligé de révéler ses déclarations d'impôts.
Si John Roberts joue le rôle de pivot dans un de ces dossiers, il risque de déclencher à nouveau la colère de Donald Trump.
Dans un message adressé à ses collègues magistrats pour le nouvel an, il a semblé prêt à assumer. En 2020 comme auparavant, leur a-t-il écrit, "nous avons une obligation de juger sans peur ni faveur".


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