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"Nous devons être motivés": pour des jeunes Japonais, étudier l'énergie atomique et devenir ingénieur ou chercheur dans ce secteur s'apparente à un choix de vie à contre-courant, depuis le traumatisme national provoqué par l'accident de Fukushima en 2011.
Le gouvernement nippon veut désormais relancer le nucléaire pour de bon, envisageant notamment de construire des réacteurs de nouvelle génération, pour réduire l'extrême dépendance de l'archipel aux énergies fossiles importées et ses importantes émissions de CO2.
Ce projet politiquement sensible est aussi un défi en termes de ressources humaines, alors que le nombre d'étudiants dans les sciences nucléaires au Japon a baissé de plus de 25% entre 2011 et 2021, selon des chiffres du ministère de l'Education.
Très variables d'une année à l'autre et concernant quelques centaines d'étudiants à peine, ces données sont à relativiser, estime Kota Kawai, président d'un réseau japonais de jeunes professionnels du nucléaire.
"Même après l'accident de Fukushima, des étudiants se sont intéressés à la façon de surmonter ces grandes difficultés. Beaucoup se sont intéressés au domaine du démantèlement (de réacteurs, NDLR)", selon ce chercheur en sûreté nucléaire.
"Le problème, c'est qu'il y a peu de gens (au Japon) qui savent comment construire de nouvelles centrales nucléaires" à présent, prévient M. Kawai, interrogé fin novembre par l'AFP en marge du International Youth Nuclear Congress (IYNC).
Ce forum d'échanges entre étudiants et jeunes professionnels du nucléaire du monde entier était organisé pour la première fois au Japon et - comme un symbole - dans le département de Fukushima, à Koriyama (nord-est).
Dans la culture japonaise, il n'est pas de bon ton de se mettre en avant et d'exprimer sa "fierté", quel que soit son métier, rappelle M. Kawai, co-président du IYNC de Koriyama.
Mais en tant que jeunes professionnels du nucléaire, "nous devons être motivés, dire ce que nous pensons, ce que nous faisons".
Chisato, 28 ans, a étudié la chimie et la radiobiologie. Après avoir travaillé de 2017 à 2020 chez Tepco, l'opérateur de la centrale accidentée de Fukushima Daiichi, elle occupe désormais un poste à l'étranger.
La catastrophe de Fukushima a été "le point de départ" de son intérêt pour le nucléaire quand elle était encore lycéenne, raconte-t-elle à l'AFP, préférant taire son nom de famille.
"Après l'accident, il y avait tellement d'informations confuses dans les médias, comme par exemple sur le niveau des radiations à Fukushima (...). Cela générait beaucoup d'anxiété chez les gens. Donc j'ai voulu connaître toute l'histoire, les faits, de manière neutre".
Ce désastre n'a pas fait de victimes sur le coup, mais a entraîné l'évacuation de quelque 100.000 habitants des environs. En 2018, l'Etat japonais a reconnu un mort dû aux radiations, un employé de la centrale nucléaire.
Chisato se souvient aussi de sa "stupéfaction" durant son entretien d'embauche chez Tepco quand on lui a demandé si ses parents approuvaient qu'elle rejoigne cette entreprise, dont la réputation a sombré après la catastrophe.
Elle a appris ensuite que des personnes sur le point d'être recrutées par Tepco retiraient parfois leur candidature au dernier moment après avoir été dissuadées par leurs familles.
Ses propres parents s'inquiétaient aussi qu'elle aille travailler à Fukushima Daiichi. "Je leur ai expliqué que cela n'allait pas affecter ma santé", raconte Chisato.
"Mes parents et mes amis n'ont jamais critiqué mon choix professionnel", déclare Hikari, 28 ans également, chercheuse dans le nucléaire au sein d'un grand conglomérat industriel japonais et qui préfère elle aussi garder l'anonymat.
Mais Hikari a dû batailler "pendant des années" avec son mari antinucléaire: "Il a fini par respecter ma décision parce qu'il a compris à quel point j'étais engagée dans mon travail".
Kyohei Yoshinaga, 30 ans, chercheur dans les technologies électriques et énergétiques au sein du think tank japonais Mitsubishi Research Institute, est entré à l'université l'année même de la catastrophe de Fukushima.