Impacts socioéconomiques des politiques de résorption des bidonvilles

Une étude de l’ONDH sur« l’inclusion  des ménages démunis par le logement»


Mardi 2 Février 2016

«L’évaluation des politiques publiques de l’habitat ne peut se limiter aux seuls résultats techniques et financiers. Elle doit également permettre d’apprécier les changements socioéconomiques que ces politiques ont induits auprès des populations bénéficiaires», a estimé l’Observatoire national du développement humain (ONDH) dans une étude aux conclusions édifiantes. L’étude, «L’inclusion  des ménages  démunis par le logement», évalue les effets des politiques de résorption des bidonvilles sur l’évolution des conditions et niveaux de vie des ménages initialement ciblés, de leur mobilité et de leur accès aux services sociaux de base, indique l’ONDH. Les politiques d’habitat social et de lutte contre l’habitat insalubre au Maroc s’inscrivent depuis juillet 2004 dans le cadre du programme «Villes sans bidonvilles» (VSB), a d’emblée rappelé l’ONDH soulignant que celui-ci «accuse aujourd’hui un certain retard et semble marquer le pas». Quand bien même ce programme a marqué une rupture importante avec les interventions du passé en matière de promotion de l’habitat social et de résorption des déficits cumulés, «les échéances initialement fixées pour la résorption de l’ensemble des bidonvilles urbains n’ont pas pu être tenues», soutient-il. Ainsi et pour mieux apprécier les changements socioéconomiques que des différentes politiques publiques de l’habitat ont induits auprès des populations bénéficiaires, l’ONDH a mené des enquêtes sur une douzaine de sites d’accueil des ménages des bidonvilles ayant fait l’objet d’opérations de résorption. Ils sont situés dans six villes, à savoir Casablanca (Wifaq, Hay Mohammadi et Maalam Abdellah), Agadir (Sidi Youssef et Hay Mohammadi), Tétouan (Nakkata), Fès (Dhar El Mahraz et Al Moustakbal), Salé (Saïd Hajji et Oued Eddahab) et Marrakech (Al Hanna et Guennoun). Selon les résultats de l’enquête, la taille moyenne des ménages, après leur déménagement, a enregistré une hausse de près de 7% en moyenne à 4,6 personnes ; les opérations de résorption des bidonvilles ont favorisé la constitution de ménages de 2 à 3 personnes. Le déménagement vers les sites d’accueil s’est traduit par une sensible dégradation de la situation de l’emploi des populations concernées, ce qui les exposerait à des risques de précarisation. Par ailleurs, l’enquête montre que le nombre d’actifs occupés reste faible, même s’il a progressé de 6%, passant de 29,66 à 31,3% ; le nombre de personnes en situation de chômage a grimpé de 69%, passant de 8,7 à 14,7% ; la situation des chefs de ménage dans l’emploi a enregistré une évolution défavorable avec leur déménagement ainsi qu’une amélioration globale du niveau  d’éducation. Sur ce point, il est constaté que les difficultés économiques et financières incitent certains ménages à réduire les dépenses liées à la scolarité des enfants. Concernant les conditions d’habitat, il ressort que les programmes de résorption ont tous impactés positivement les conditions de logement de la population. Les résultats montrent aussi que la part des ménages propriétaires  est passée de 87% avant la résorption à 93% après, les relations de bon voisinage finissent par s’instaurer même si des difficultés de cohabitation peuvent surgir ; la facilité d’accès aux infrastructures de base, aux équipements socio-collectifs et à des réseaux de transport. «Néanmoins, l’accès formel à l’eau et à l’électricité oblige les ménages à personne en charge de nouvelles dépenses qui peuvent affecter leur budget», note l’ONDH ajoutant que le déplacement hors du bidonville a affecté la mobilité intra-urbaine et l’accès aux transports des ménages concernés. Tandis que le l’utilisation des transports en commun marque encore le pas dans les nouveaux quartiers de relogement. Sur un autres registre, l’enquête a montré qu’en quittant le bidonville, les ménages  relogés/recasés sont confrontés à de nouvelles dépenses, estimant que le risque pour ces ménages de tomber dans le surendettement et la pauvreté est bien réel. L’enquête assure toutefois une amélioration des revenus des ménages en comparaison avec leur situation antérieure : baisse considérable de 29% de la part des ménages dont les dépenses mensuelles de consommation ne dépassent pas 1.700DH. «Ceux dont les dépenses mensuelles varient entre 1.700 et 2.500 DH représentent 35,5% contre 27,1% avant leur déménagement alors que ceux dont les dépenses sont supérieures à 2.500 DH représentent 34,5% contre 11,9% auparavant». Face aux nouvelles dépenses, l’enquête montre qu’en absence d’une amélioration significative de leur pouvoir d’achat et de leur situation professionnelle, les chefs de ménage utilisent différentes stratégies financières pour couvrir leurs dépenses additionnelles. Au niveau des programmes de résorption des bidonvilles, l’étude fait ressortir que ceux-ci continuent de souffrir d’un certain nombre de faiblesses qui affectent leurs performances, bien qu’ils aient impacté positivement les conditions d’habitat des populations pauvres et vulnérables résidant en milieu urbain. L’ONDH cite, à titre d’exemples, la non-maîtrise du recensement des populations bidonvilloises; la non-intégration des populations à faible revenu qui continuent de trouver refuge dans les autres composantes de l’habitat insalubre; la prévalence du phénomène de glissement dans les opérations de recasement; le caractère faiblement incitatif des dispositifs contractuels mis en place dans le cadre du programmeVSB  ainsi que les retards d’apurement du foncier par l’opérateur public et l’absence d’intégration dans le programme VSB des noyaux de bidonvilles situés dans les zones périphériques. L’insuffisance de la concertation entre l’opérateur public et les populations  bidonvilloises sur les modalités et le calendrier des opérations, la difficulté des acteurs locaux à transférer les communautés bidonvilloises tout comme l’absence de portage institutionnel des démarches d’accompagnement social sont autant d’autres points noirs que souligne cette enquête. Afin de poursuivre la résorption des bidonvilles, l’ONDH recommande l’amélioration du portage institutionnel et de la gouvernance des programmes publics d’habitat, en particulier les programmes de résorption des bidonvilles et de lutte contre l’habitat insalubre ; l’accroissement de l’offre foncière et la promotion d’un urbanisme d’intégration urbaine et de mixité sociale ; l’adaptation de la production de logements aux ménages à revenus faibles et limités ; le renforcement de la dimension inclusive dans les programmes de résorption des bidonvilles et de lutte contre l’habitat insalubre ; l’intégration desdits programmes dans le cadre de la politique de la ville ainsi que la mise en place d’un système de veille de l’intégration sociale et urbaine des opérations de résorption des bidonvilles, entre autres. Quoi qu’il en soit, l’ONDH assure que «les résultats de cette étude pourraient  alimenter les réflexions et démarches en cours pour assurer une relance du programme VSB et développer ses mécanismes intégrateurs à même d’assurer la convergence des actions des différents acteurs aux niveaux national et local». Alain Bouithy


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