Giuseppe Conte, “le Monsieur Nobody”, passé de l'ombre à la lumière

A sa nomination, Conte s'était présenté comme "l'avocat du peuple", mais il a rarement eu l'occasion de plaider


Jeudi 22 Août 2019

Giuseppe Conte, “le Monsieur Nobody”, passé de l'ombre à la lumière
Giuseppe Conte - un avocat inconnu propulsé l'an dernier à la tête d'un gouvernement populiste italien par ses deux hommes forts - a annoncé mardi avec force sa démission tout en s'en prenant au chef de La Ligue Matteo Salvini.
Dans un discours clef au Sénat ressemblant à un "règlement de comptes", le très discret professeur d'université a qualifié "d'irresponsable" son ministre de l'Intérieur et vice-Premier ministre qui a fait voler en éclats la coalition au pouvoir le 8 août.
Il a poursuivi "ses propres intérêts et ceux de son parti", a fait "courir de graves risques à notre pays", a attaqué Giuseppe Conte. "Faire voter les citoyens est l'essence de la démocratie mais leur demander de voter tous les ans est irresponsable", a-t-il assené.
Juste avant ce discours, Luigi Di Maio, son autre vice-Premier ministre et chef du Mouvement cinq étoiles (anti-système), lui avait lancé un hommage marqué dans une lettre ouverte: "Tu es une perle rare, un serviteur de la Nation que l'Italie ne peut pas perdre".
Le dirigeant de 55 ans avait habitué les Italiens à un langage terne et ampoulé, mais il s'est montré plus incisif depuis le début de la crise. Il avait surpris en attaquant M. Salvini la semaine dernière dans une lettre ouverte sur sa "focalisation obsessionnelle" sur le thème de l'immigration.
Avant le coup de théâtre au Sénat, des manifestants ont déployé une banderole "Conte, l'Italie t'aime" en hommage à un Premier ministre passé en 12 jours du statut de "Monsieur Nobody à Mister Conte", selon la formule de l'ancien journaliste politique Aldo Garzia.
Proche du Mouvement 5 étoiles (M5S, anti-système), après avoir voté toute sa vie à gauche, il avait été présenté avant les élections législatives comme leur possible ministre de la Fonction publique.
C'est finalement à la tête du gouvernement qu'il avait été propulsé, quasiment du jour au lendemain.
Parti un matin pour donner ses cours à l'université de Florence, il avait prêté serment le lendemain et représentait l'Italie à la table du G7 au Canada une semaine plus tard.
Un tout nouvel univers pour cet homme né en 1964 à Volturara Appula, un village de 500 habitants dans les Pouilles (sud de l'Italie), qui a grandi auprès d'un père secrétaire communal et d'une mère maîtresse d'école à San Giovanni Rotondo, la ville de Padre Pio, le saint le plus révéré d'Italie.
A sa nomination, il s'était présenté comme "l'avocat du peuple", mais il a rarement eu l'occasion de plaider.
En février, une caméra indiscrète avait surpris une conversation privée en marge des discussions de Davos dans laquelle il expliquait à la chancelière allemande Angela Merkel son désarroi face au peu d'espace que Matteo Salvini, vice-Premier ministre, laissait à ses alliés, dont l'autre vice-Premier ministre, Luigi Di Maïo, le chef de file du Mouvement 5 Etoiles.
"Ma force c'est que quand je dis +maintenant on arrête+, ils ne se battent pas", avait-il cependant assuré à Angela Merkel.
Avec la campagne pour les européennes de mai, et le renversement du rapport de force qui en a découlé entre la Ligue et le M5S, le fossé s'est creusé entre les deux alliés.
Giuseppe Conte a bien tenté parfois de s'imposer, prenant à son compte les discussions avec Bruxelles, exigeant la démission d'un sous-secrétaire d'Etat de la Ligue soupçonné de corruption, ou mettant fin tout récemment à la polémique sur le projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin que les M5S refusent.
L'homme à la mise toujours impeccable a toujours affirmé que ce poste serait son unique incursion dans la vie politique et qu'il reprendrait sa vie professionnelle.
Reste que son nom se murmure pour le poste de commissaire européen italien, qui constituerait une prestigieuse porte de sortie pour cet avocat.
Lui qui a fait de brillantes études de droit à la Villa Nazareth, une université catholique pour étudiants défavorisés à Rome, a enseigné le droit privé en Sardaigne, à Rome, à Florence et à Malte.
Il a aussi été membre du Conseil d'administration de l'Agence spatiale italienne, consultant juridique de la Chambre de commerce de Rome et membre du comité de surveillance de plusieurs compagnies d'assurances en faillite.
Séparé de son épouse, il a un fils de 11 ans avec lequel il partage une passion pour le football.


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