Fraude au bac en Algérie

Il était possible d'éviter la coupure d'Internet

L'accès à Internet a été coupé et les réseaux sociaux ont été bloqués pendant cinq jours cette semaine en Algérie pour combattre la triche pendant les épreuves du baccalauréat, diplôme convoité car porte d'entrée à l'université.
Depuis plusieurs années, les autorités algériennes ont recours à cette mesure radicale qui perturbe sérieusement des activités économiques cruciales et autres, en particulier à l'heure de la crise
sanitaire.
Pourtant, il y a d'autres solutions, explique Younès Grar, consultant en technologie de l'information et de la communication


Libé
Vendredi 18 Septembre 2020

Q : Les autorités algériennes avaient-elles d'autres moyens que de couper l'Internet pour empêcher la fraude au baccalauréat?
R : Les autorités auraient pu éviter le recours à cette solution extrême. Il est inadmissible qu'en 2020 nous soyons obligés d'imprimer les copies d'examens à Alger et de les transporter par avion ou par bus vers les autres wilayas (préfectures). Cela implique des contraintes, des charges et des complications à l'ère du multimédia, de l'Internet et du tout numérique. Les autorités auraient pu prévoir un ordinateur et une imprimante dans chaque centre d'examen et imprimer les sujets le matin même des épreuves. Il y a aussi les brouilleurs qu'on aurait pu installer dans les centres d'examens.

Quel a été l'impact de cette décision sur l'économie du pays ?
Elle nous a contraints à bloquer le pays et son économie. Si les opérateurs de téléphonie mobile par exemple devaient rembourser leurs clients à raison d'un dollar (0,85 EUR) par jour, le tarif quotidien de la connexion en Algérie, ils devraient débourser 150 millions USD (126 M EUR) pour les cinq jours de coupures, de dimanche à jeudi, sachant que le pays compte quelque 30 millions d'abonnés à l'Internet mobile. Il y a des entreprises dont les activités sont basées sur l'Internet comme les compagnies de taxis, l'e-commerce, les formations en ligne, sans oublier les banques. Personne ne peut estimer les pertes exactes mais nous pouvons affirmer que le pays a perdu des centaines de millions de dollars. On évalue les pertes accumulées lors d'une coupure d'Internet à 50 millions de dollars par heure, soit 400 M USD pour les huit heures de coupure quotidienne pendant le bac. Le préjudice pourrait donc atteindre deux milliards USD pour les cinq jours d'examen en Algérie.

Ne faudrait-il pas songer à une refonte globale de cet examen ?
Nous devons revoir la manière de concevoir les examens. Il faut notamment arrêter de mettre en quarantaine pendant deux ou trois mois les enseignants chargés de la préparation des sujets. Il faut surtout ouvrir un débat et faire participer les différents acteurs dans le domaine de la pédagogie, des télécommunications, de la sécurité de l'information et de l'e-learning, l'enseignement à distance. Le ministère de l'Education doit tirer les leçons de cette édition 2020 et envisager des solutions pour le baccalauréat de l'année prochaine, sinon nous allons nous retrouver une nouvelle fois désarmés. En tout cas, il faut absolument éviter de recourir à la coupure d'Internet.

Est-ce que nous sommes obligés d'organiser ce baccalauréat de cette façon là? N'est-il pas temps de prévoir des réformes pour cet examen? Pourquoi ne pas penser, par exemple, à un baccalauréat régional dans chacune des 48 wilayas (préfectures) ?
Il y a d'autres schémas qui ont été adoptés par d'autres pays. Il est temps de se poser cette question et d'essayer de trouver des réponses, même s'il est un peu difficile de reformer l'examen du baccalauréat à court terme

En Tunisie, des familles entières prennent la mer pour l'Europe

"S oit nous mourrons ensemble soit nous réussirons à rallier l'Europe": la famille Houije a vu des proches se noyer dans la périlleuse traversée de la Méditerranée et échoué deux fois à quitter la Tunisie, mais elle reste déterminée à partir clandestinement. Un nombre croissant de familles prend la mer en espérant trouver ailleurs des perspectives qui leur semblent impossibles en Tunisie, où le chômage dépasse les 30% dans certaines régions. "Si j'avais une embarcation, je tenterais à nouveau ma chance avec ma famille!", lance Mabrouka, la mère, qui ne voit "pas d'autre solution" pour survivre et donner une chance à son fils Ahmed, 22 ans, tétraplégique. Dans un quartier populaire de Sfax, ville portuaire du centre de la Tunisie, Mabrouka occupe avec ses enfants, sa soeur et ses neveux une maison rudimentaire au bout d'un chemin défoncé. Pas d'eau courante, un branchement clandestin à l'électricité, quelques tomates, poivrons et trois oeufs pour nourrir les neuf bouches de la maisonnée. Certains jours, ils en sont réduits à manger des escargots. Le père de famille, Raouf, chiffonnier, gagnait à peine de quoi vivre, 20 dinars (7 euros) par jour en ramassant des bouteilles en plastique dans la rue, lorsque le confinement l'a empêché de travailler quatre mois durant. Mabrouka a reçu des autorités régionales une aide de 180 dinars (environ 58 euros), versée une seule fois. Après avoir économisé les menus prêts et aides reçus depuis des années, la famille a tenté de traverser illégalement la Méditerranée en juillet, puis en août, pour rejoindre l'Italie où des connaissances leur ont promis de l'aide. En vain: ils ont été interceptés deux fois par les gardes-côtes tunisiens, et Raouf est actuellement en prison pour émigration illégale mettant en danger un mineur. Leur fille de 12 ans, Eya, qui n'avait jamais vu la mer à 10 km de chez eux, avoue avoir eu "peur". Mais ils ne voient pas d'autre issue pour faire soigner leur aîné, alité chez eux après un accident il y a cinq ans. Ils ont un carnet de santé permettant une prise en charge dans des hôpitaux publics, mais nombre des soins nécessaires ne sont accessibles que dans le privé. Lors de leur première tentative, une vidéo de cette famille en mer avec leur fils et son respirateur au fond de la barque a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux. "Ne me blâmez pas parce que j'ai emmené mes enfants avec moi! Personne ne s'est adressé à nous pour nous aider!", criait Raouf aux gardes-côtes. Le nombre de Tunisiens émigrant clandestinement en Italie, qui avait atteint un record après la révolution de 2011, avec plus de 20.000 arrivées, a ensuite fortement baissé. Mais il est reparti à la hausse depuis 2017. Sur les huit premiers mois de 2020, plus de 8.000 Tunisiens ont atteint l'Italie, selon l'ONU. Si les parents tentaient naguère de dissuader les jeunes de partir, la famille entrave de moins en moins les départs, selon le Forum tunisien pour la défense des droits économiques et sociaux (FTDES). "Petit à petit, encombrée par les difficultés socioéconomiques, la famille ne voit plus d'inconvénient à financer la migration illicite de ses enfants", souligne Romdhane Ben Amor, membre de cette ONG. Un nombre grandissant d'enfants prennent la mer. Cette année, les gardes-côtes ont intercepté 250 mineurs, pour la plupart accompagnés d'au moins un adulte, a indiqué à l'AFP la Garde nationale. Pour le sociologue Foued Ghorbali, il y a "un fait nouveau et remarquable dans l'immigration illégale: elle est devenue un choix familial". Selon lui, cela s'explique en partie par une tentative de limiter les risques d'expulsion: les familles avec enfants ont moins de chances d'être renvoyées en Tunisie. Mais on voit aussi partir des jeunes tout juste mariés. Avec le durcissement des politiques européennes de visas, et la persistance des profonds problèmes économiques et sociaux en Tunisie dix ans après la révolution, l'émigration clandestine vers une Europe vue comme un eldorado est un rêve qui se propage. "Si j'étais à leur place, je ferais la même chose!", martèle Maryam, la soeur de Mabrouka, qui a pourtant perdu son mari et son fils en mer lors d'une traversée clandestine en 2018. "Quelles que soient les conditions, la vie en Italie ne peut être que meilleure qu'en Tunisie!", assure-t-elle.


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