Farhad Darya, le «Elvis afghan», chante pour les femmes et son pays


AFP
Jeudi 1 Décembre 2011

Farhad Darya, le «Elvis afghan», chante pour les femmes et son pays
Surnommé «le Elvis afghan» par certains médias occidentaux, Farhad Darya est probablement le seul homme capable, en Afghanistan, l’un des pays les plus conservateurs et patriarcaux du monde, de transformer un auditoire de femmes voilées en foule hurlante.
Le chanteur est une idole en Afghanistan, notamment chez les femmes, qui ont encore peu de droits, dix ans après la chute du régime ultra-rigoriste des talibans qui avaient totalement interdit la musique.
Une popularité palpable lors d’un récent concert réservé à la gent féminine donné par la star à Kaboul, même si les «fans» sont restées fort sages si l’on se réfère à n’importe quel événement similaire ailleurs dans le monde.
Par crainte d’une attaque des insurgés talibans, ce concert était placé sous haute sécurité et l’assistance composée de plusieurs centaines de privilégiées ayant bénéficié d’invitations distribuées par des ONG et des administrations.
En Afghanistan, il est indécent pour une femme de danser devant un homme.
De l’étudiante à la mère de famille quadra ou quinquagénaire, les femmes du public ont dû se contenter de se balancer timidement sur leurs chaises en agitant les mains.
Mais elles ne se sont pas privées de crier à pleins poumons, l’une d’elle risquant un «on t’aime!» qu’entendent à l’envi les rocks stars du monde entier, mais quasi-subversif dans un pays où la sexualité féminine est un sujet totalement tabou, même à Kaboul, considérée comme la ville la plus libérale.
Ce concert de Farhad Darya, ambassadeur de bonne volonté de l’ONU, visait surtout à attirer l’attention sur une campagne contre les violences contre les femmes, dans le cadre de la Journée internationale du 25 novembre.
Il a expliqué à l’AFP espérer que l’événement fasse prendre conscience que la vie des femmes afghanes ne se résume pas à «la burqa, la cuisine et les souffrances».
Risque d’attentat
Car, a-t-il souligné, la musique en Afghanistan est plus qu’un simple divertissement. «Les gens dans la politique, au gouvernement, sont incapables d’apporter quoi que ce soit» en Afghanistan, explique le chanteur aux 35 albums, âgé de 49 ans, cheveux noirs et yeux bleus perçants.
«Même les gens bien, compétents, ils se perdent dans le système (...) Ce que les gens espèrent entendre d’un homme politique ou d’un dirigeant, ici, ils ne l’entendent pas. Donc ils se tournent vers les artistes», poursuit-il.
«Ici, les gens attendent énormément d’un artiste. Un musicien, un chanteur est capable de délivrer les messages les plus importants et ils peuvent être entendus largement».
Ses chansons, aux sonorités traditionnelles afghanes teintées de rock, sont d’ailleurs fortement empreintée de politique et d’appel à la paix.
«Je suis la voix de mon pauvre peuple/Je suis un vieux rubab (sorte de luth) chantant des chansons tristes à mes amis», dit son titre «Kabul Jaan» (Kaboul bien-aimée) qui fut la première chanson diffusée à la radio afghane après le départ des talibans du pouvoir fin 2001.
Si le chanteur s’est exilé en 1990 et vit désormais aux Etats-Unis, il passe une bonne partie de son temps en Afghanistan, malgré les risques et les menaces.
L’an dernier, après l’un de ses concerts à Hérat, la grande ville de l’ouest du pays, 13 fans ont été blessés à l’extérieur de la salle par une bombe. Elle a explosé près de la porte par laquelle il était censé sortir, a-t-il expliqué.
«Je connais les risques, tout le monde connaît ces risques, mais j’essaie de ne pas parader entouré de sécurité» pour ne pas avoir l’air d’avoir «peur des gens», explique-t-il, «je préfère travailler avec les gens du coin pour me sentir en sécurité, plutôt que d’être entouré d’hommes en armes».
L’Afghanistan a fait de réels progrès au cours de la dernière décennie mais, estime-t-il, il est trop tôt pour connaître son avenir après le départ prévu de l’ensemble des troupes de combat de l’Otan fin 2014.
«La chose la plus importante c’est que les Afghans se prennent désormais en charge, parce qu’ils ont besoin de croire en eux-mêmes».
«Ma musique peut avoir cet impact. C’est un outil, je peux aider les gens à vivre ici, alors pourquoi m’en priver»?


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