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"Je suis fatigué de me lever chaque jour en pensant à la politique. Lorsque le président Erdogan ne sera plus là, les jeunes pourront se concentrer sur leurs examens et s'exprimer librement", prophétise-t-il.
Comme Emre, 5,2 millions de primo-votants ayant grandi sous l'ère Erdogan, soit 8% environ de l'électorat, sont appelés aux urnes mi-mai.
"C'est par vous que le printemps arrivera", a lancé Kemal Kiliçdaroglu, le chef du CHP (social-démocrate) et candidat d'une alliance de six partis d'opposition, à des jeunes réunis mi-avril à Ankara.
Selon un récent sondage, seuls 20% des 18-25 ans voteront pour le président turc et son parti aux élections présidentielle et législatives du 14 mai, considérées comme les plus périlleuses pour M. Erdogan depuis son accession au pouvoir en 2003.
A l'approche du double scrutin, MM. Erdogan et Kiliçdaroglu, âgés respectivement de 69 et 74 ans, rivalisent de promesses pour séduire la génération Z (taxe supprimée sur l'achat des téléphones portables, forfait internet gratuit, carte jeunes, etc.). D'autant qu'un troisième homme, Muharrem Ince, cherche à se poser en candidat de la jeunesse.
"Le vote Erdogan est moindre chez les jeunes. Les primo-votants sont plus modernes et moins religieux que l'électeur moyen et plus de la moitié sont insatisfaits de la vie qu'ils mènent", résume Erman Bakirci, chercheur à l'institut de sondages Konda.
Dans le quartier populaire de Kasimpasa, à Istanbul, les jeunes expriment volontiers leur ras-le-bol. C'est pourtant là que le chef de l'Etat a grandi.
"Erdogan doit partir ! Tous mes voisins voteront pour lui mais pas moi!", lâche Gökhan Çelik, 19 ans, en survêtement vert sous deux drapeaux blancs suspendus frappés du visage du président turc.
Firat Yurdayigit, un employé de 21 ans dans le textile, reproche à M. Erdogan d'avoir construit un troisième aéroport à Istanbul "plutôt que de s'occuper des gens".
"Je vais voter Muharrem Ince. Mais peu importe qui est élu, ce sera toujours mieux qu'Erdogan", prophétise-t-il.
Son ami Bilal Büyükler, 24 ans, glissera quant à lui un bulletin Erdogan, tout en reconnaissant que le chef de l'Etat est "en partie responsable" des 50% d'inflation et de l'effondrement de la livre turque.
"Je ne trouve pas de travail à cause des réfugiés syriens et je ne peux pas me marier, ça coûte trop cher. Mais je ne vois aucune alternative", dit-il, une longue balafre sur la joue gauche.
"Je ne peux pas voter pour Kiliçdaroglu à cause de la religion. Il a marché sur un tapis de prière avec ses chaussures !", explique le jeune homme, citant une récente bévue du candidat, exploitée par le président sortant et la presse progouvernementale.
Kemal Kiliçdaroglu a pourtant pris soin de gommer l'image très laïque de son parti, longtemps un repoussoir pour les électeurs conservateurs.
Le candidat a même proposé une loi garantissant le port du foulard, une manière de séduire les jeunes femmes conservatrices, historiquement acquises à M. Erdogan, qui a permis aux étudiantes voilées d'aller à l'université.
"Monsieur Kemal ne vous laissera jamais perdre vos acquis", a promis fin mars M. Kiliçdaroglu dans un appel aux jeunes femmes conservatrices.
Son parti s'est aussi allié à trois formations de la mouvance islamo-conservatrice, "un message de réconciliation à destination de l'électorat religieux qui devrait avoir un effet" dans les urnes, prédit Seda Demiralp, maître de conférences en sciences politiques à l'université Isik d'Istanbul.
Sevgi, 20 ans, vit dans le quartier d'Eyüp, l'un des plus conservateurs d'Istanbul. Elle votera le 14 mai mais ne veut pas "mélanger politique et religion". Elle est surtout inquiète de l'état de l'économie.
"Erdogan est le principal obstacle à mes rêves", lâche la jeune femme, longs cheveux noirs bouclés, contrainte de travailler pour financer de futures études de stylisme.
Son petit ami l'interrompt, énumérant les succès à mettre au crédit d'Erdogan.
Elle secoue la tête : "Même s'il était un bon président, il ne devrait pas pouvoir gouverner aussi longtemps".