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« Libé » a rencontré
le Dr Abderraquib Merbouha, médecin pneumologue,
à l’hôpital provincial Hassan II de Khouribga et
président de la Ligue marocaine contre la tuberculose, section de Khouribga. Entretien
Libé : Vous avez mené plusieurs campagnes de sensibilisation ces dernières semaines contre le tabagisme, notamment, dans plusieurs établissements scolaires. Pouvez-vous nous donner un bref aperçu sur les objectifs et le bilan de cette campagne ?
Dr Merbouha : Avec le concours des bureaux des activités parascolaires des établissements scolaires, on a mené plusieurs campagnes de sensibilisation aux dangers de la cigarette, ces dernières semaines, dans certains lycées et collèges, tels que : Ibn Yassine, Ibn Khaldoun, Al Khanssa et Al Massira. Je crois que l’intérêt que portent les élèves, les enseignants, voire les parents à ces campagnes et aux activités de l’Association, est manifeste, surtout que la section de Khouribga qui vient d’être créée, il y a quelques mois, semble remplir déjà son devoir du moins pour ce début.
Le tabagisme est devenu, actuellement, une véritable épidémie. Qu’en pensez-vous?
Le tabagisme prend aujourd’hui la dimension d’une véritable épidémie dont les conséquences médico-sociales sont dramatiques. Il est de coutume que chaque année le monde célèbre, le 30 mai, la Journée mondiale contre le tabagisme. Nous considérons que notre population qui est jeune est fortement exposée aux méfaits du tabagisme. L’enquête épidémiologique sur le tabagisme, que le ministère de la Santé publique avait menée, récemment, sur tout le territoire national, a révélé que le taux des fumeurs parmi les personnes âgées de plus de 20 ans est de 13,8%, dont plus de 31% des hommes et quelque 1% des femmes. Pour les moins de 20 ans, les chiffres sont beaucoup plus inquiétants et plus alarmants avec une large proportion des fumeurs en milieu scolaire comptant plus de 21% des lycéens, dont 4,5% des filles, ce qui constitue pour notre Association une bonne raison de cibler les jeunes et d’agir surtout en milieu scolaire. Ce qui est encore grave, c’est que la cigarette est considérée comme une porte ouverte à l’expérience des drogues pour les jeunes fumeurs. Sur le 1,1 milliard de personnes qui fument dans le monde, dont 200 millions de femmes, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 4 millions les décès liés au tabac qui surviennent chaque année (500.000 décès concernent les femmes). Le tabagisme est en fait un comportement entretenu et amplifié par une composante essentielle à savoir l’accoutumance et qui est due à une substance toxique (la nicotine). En plus de son effet d’excitation instantané sur le cerveau, la nicotine a un pouvoir de spasme sur les vaisseaux et qui se trouve parmi 4.000 autres produits dont une cinquantaine réputée fortement cancérigène. Ces produits sont responsables de 90% des cancers du poumon, sans oublier le cancer de la sphère ORL, particulièrement, des lèvres et de la langue, les autres cancers, notamment, digestif, vésical, impuissance sexuelle, hémiplégie et dont l’origine est en partie tabagique ne laisse plus de doute.
Le tabac n’est pas seulement synonyme de cancer, mais aussi responsable de 22 autres maladies non moins dangereuses ,notamment, respiratoires telles que les bronchites chroniques qui rendent ces individus essoufflés, tousseurs et cracheurs en permanence et qui évoluent, si le malade persiste à fumer, vers des formes de bronchites chroniques, dites obstructives dont l’issue est l’insuffisance respiratoire avec un périmètre d’activité de plus en plus limité et qui nécessite le plus souvent de l’oxygène en permanence. L’atteinte cardiovasculaire est un autre volet inquiétant où le tabac concourt rapidement au rétrécissement des petits vaisseaux avec d’autres facteurs (diabète, cholestérol ….). Il est responsable plus, fréquemment, d’infarctus du myocarde et dont l’issue peut être fatale. Au niveau périphérique, l’atteinte des artères induit ce qu’on appelle les artériopathies et qui peuvent amener jusqu’à l’amputation des orteils et des doigts, voire plus grave, encore, au niveau du membre atteint par la gangrène.
Le tabagisme a-t-il un impact néfaste sur l’économie du pays ?
Certainement, l’individu en activité, dès qu’il tombe malade, commence à s’absenter et accuse plusieurs journées, voire des mois d’inactivité ; alors, automatiquement, l’activité économique est ralentie. On cherche à soigner le malade. Les soins demandent des dépenses plus importantes, surtout, si le patient est atteint d’une maladie chronique causée par le tabac.
Quelles sont les mesures qui vous semblent efficaces pour endiguer ce fléau?
Le tabagisme est un problème qui concerne tout le monde : la famille, les éducateurs ... mais, aussi les pouvoirs publics qui doivent veiller à l’application de la loi antitabac dans les espaces publics. Les ONG doivent aussi s’impliquer et s’acquitter de leurs responsabilités en touchant des populations cibles, en l’occurrence, les jeunes, la pierre angulaire de cette lutte antitabac. Les médias qui ont un grand rôle à jouer doivent coiffer toutes ces actions et informer continuellement la population des dangers du tabac. Bref, ce qui est primordial et plus important, c’est d’interdire la vente des cigarettes aux plus vulnérables de la population, en l’occurrence les enfants et les adolescents. »