Entretien avec l’artiste plasticienne Rabiaa Echahed : “Ma vie est un périple dans le monde magique des couleurs”


Propos recueillis par Said Ouchen
Vendredi 15 Octobre 2010

Entretien avec l’artiste plasticienne Rabiaa Echahed  : “Ma vie est un périple dans le monde magique des couleurs”
Elle est artiste
peintre et directrice d’une manifestation qui promeut les arts plastiques : «Bassamat ».
Mais elle est surtout connue et reconnue pour ses toiles
glorifiant le cheval. Cette fille de la Chaouia a eu la chance d’accrocher, lors d’une grande manifestation
internationale, ses toiles aux cimaises d’un espace d’art
qui abritait des œuvres de Delacroix vantant le cheval. Depuis, elle est
restée fort
inspirée. Entretien.

Libé : Quelles sont les étapes que vous avez parcourues durant votre carrière professionnelle?

Rabiaa Echahed : Il faut dire que la passion des couleurs m’a accompagnée depuis mon jeune âge. J’ai d’abord commencé par des tentatives artistiques liées à mon entourage, en dépit de conditions matérielles peu favorables à l’époque. Pour y remédier, j’avais eu recours au charbon, ce qui me créait beaucoup de problèmes avec ma famille. Après, ce fut le temps des études académiques. Au début, j’étais influencée par l’école figurative, à travers l’art des portraits, notamment la relation de la femme avec le cheval, symbole de ma région natale de la Chaouia. Cette dualité a marqué mes travaux, et a été le tremplin qui allait me lancer vers l’étape de l’abstrait qui offre à l’artiste de larges horizons d’expression.

Quelles sont les soubassements épistémologiques, culturels et sociaux qui vous ont permis d’incarner la musique dans les arts plastiques ?

Le rapport de la musique aux arts plastiques a été l’objet de spéculations et de contemplations. Les partitions musicales sont une forme de construction de l’image, à travers la conception rythmique et tonique de la partition, au point que le récepteur se représente déjà à l’échelle cognitive une œuvre d’art brossée par des notes et des registres qui remplacent le pinceau et la peinture. Ce dernier subit également le rythme musical, qui ne doit pas connaître de fausses notes, au grand dam du sujet de l’œuvre à peindre. Partant, le rapport musique/arts plastiques est identitaire et ontologique, d’où l’intérêt accordé à ce sujet par les membres du cercle de Puteaux, constitué en 1912. Ce groupe focalisait son attention sur l’idée de contemplation objective  et de similitudes entre les arts plastiques, la musique et les mathématiques.

Quelle est votre évaluation de la scène des arts plastiques au Maroc, en général et de l’expérience féminine en particulier ?

L’expérience plastique marocaine est vraiment authentique, notamment lorsqu’on prend en considération l’art islamique dans sa dimension andalouse. Mais, les observateurs attribuent l’avènement de cette expérience à la création de l’école de Tétouan, dirigée à l’époque par Mariano Bertuchi (1945) et une autre au sud avec en tête un certain Jacques Majorelle (1950). En dépit du caractère colonialiste de ces deux écoles, leur impact reste d’envergure dans la conception de la scène plastique au Maroc. Le conflit identitaire demeurait déterminant et constituait à la fois un facteur de résistance et de libération, ce qu’incarna l’école de Casablanca en 1967, date à laquelle on avait commencé à authentifier les arts plastiques marocains, à travers un retour au patrimoine marocain andalou et amazigh.
Pour ce qui est des expériences des femmes artistes, il y a lieu de souligner qu’elles ont accompagné essentiellement les acquis des femmes durant leur lutte pour la liberté, en tant que condition incontournable pour la création. L’acte de créativité féminin reste ainsi nouveau à l’exception de l’artiste Meryem Amzian (1930) et l’artiste Chaibia Talal, dont l’art était plus proche du grand public. L’expérience marocaine en général connaît une étape précaire, notamment en l’absence d’un mouvement critique efficient et évolutif. 

Quels sont les caractéristiques du marché d’art au Maroc ?

Il est difficile de parler d’un marché d’art au Maroc, au sens connu en Occident. Il y a déjà un manque flagrant de galeries, ce qui entrave la création d’une dynamique d’arts plastiques, dans sa dimension économique. Ceci impacte sérieusement la situation matérielle de l’artiste et affecte son moral. Et dans une société où l’acquisition d’une œuvre d’art répond d’un luxe, la commercialisation dépend grandement des techniques et méthodes de l’artiste lui-même.

Comment évaluez-vous la politique culturelle au Maroc, notamment au niveau des arts plastiques ?

On attend une politique de promotion du ministère, afin qu’il s’acquitte de ses responsabilités. L’on doit aussi remédier à la rareté des galeries et des infrastructures d’accueil à même d’aider tout artiste à surmonter les difficultés et partant à donner le goût de l’art. 


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