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le sommet qui a réuni le Maroc et l'Union européenne est un
événement politique majeur. C'est la
première fois, dit-il, que l'Europe des 27 engage un dialogue politique avec le Royaume.
Cet économiste de gauche, membre
dirigeant de l'USFP, n'hésite pas à parler de couronnement d'un processus lancé en 1969. Aujourd'hui, le statut avancé du Maroc avec l'UE jette les bases d'un
nouveau partenariat, fondé sur une ancienne revendication qui
n'a pas prise une ride: moins que l'adhésion mais plus que
l'association. Mais attention, prévient cet ancien ministre, un tel statut n'est que le début d'une nouvelle étape. Il faut
dynamiser ce qui reste à faire au Maroc
en jetant notamment les bases d'une
nouvelle génération de réformes.
Libé: Un sommet Union européenne-Maroc s'est tenu la semaine dernière en Espagne. Dans quelle mesure une telle rencontre constitue-t-elle un événement d'autant que c'est l'Espagne qui préside l'UE ?
Habib El Malki : Le sommet de Grenade est un événement politique important qui a une portée symbolique de taille parce qu'il s'inscrit dans un contexte euro-méditerranéen particulier marqué par la volonté exprimée par l'Union européenne de jeter les bases d'un nouveau modèle de partenariat. C'est aussi le premier pas quant à la mise en oeuvre du statut avancé accordé au Maroc en 2008. C'est bien le couronnement d'un processus lancé en 1969.
Justement, est-ce que ce processus a été long, fastidieux, sinueux ?
Il a été long et compliqué. Le premier accord commercial entre le Maroc et l'Europe des 6, à l'époque du marché commun, a été conclu en 1969. Au fur et à mesure que l'Europe s'élargissait et que le Maroc avançait à travers des réformes politiques et économiques, une nouvelle situation a été créée. Il faut noter dans ce processus un tournant important, celui de l'accord de Barcelone en 1995-96, puis l'accord d'association conclu avec le Maroc en 2000. Et ce processus qui a commencé avec l'Europe des 6 continue avec l'Europe des 27 en 2008, et ce à travers l'octroi du statut avancé.
Il faut souligner que plusieurs facteurs sont à l'origine de cette nouvelle donne. D'une part, nous assistons à la volonté de stabiliser une partie de la Méditerranée qui reste un espace fortement secoué par des conflits et des guerres, notamment au Proche-Orient. D'autre part, il s'agit de réduire les retombées d'une mondialisation déferlante et renforcer l'ancrage méditerranéen des partenaires traditionnels de l'Europe. Un autre facteur me semble important, celui de la création de l'Union pour la Méditerranée qui est un dessin politique aux contours encore vagues…
Une Union pour la Méditerranée que tout le monde a déjà condamnée à mort !
Une condamnation un peu rapide. L'UPM est un grand dessin politique mais sans stratégie politique à l'appui. Le statut avancé peut être un modèle de partenariat stratégique privilégié qui peut véritablement contribuer à donner un contenu à l'Union pour la Méditerranée.
Ce sommet UE-Maroc a été, expliquez-vous, le couronnement d'un long processus. Est-ce à dire que c'est une manière de reconnaître les avancées réalisées par le Maroc ? Et que lui reste-t-il encore à faire aujourd'hui ?
C'est une consécration d'étape du processus de réformes entamé au Maroc depuis des décennies et particulièrement les dix dernières années. Je pense précisément au domaine politique, à l'élargissement des libertés, au respect des droits humains, aux acquis relatifs au statut de la femme, aux droits de l'enfance, à l'amélioration même relative du climat des affaires, à la modernisation de l'économie à travers de grands chantiers d'infrastructure ou encore ce qui est en cours en matière d'environnement. Tous ces éléments font que le Maroc a pu jeter les bases d'un nouveau modèle de partenariat qui concrétise la revendication ancienne de Rabat, c'est-à-dire moins que l'adhésion mais plus que l'association.
Par rapport précisément au statut avancé du Maroc avec l'Union européenne, est-ce que la question du Sahara ne risque pas d'être traînée comme un boulet ?
La particularité de ce qui s'est passé à Grenade, c'est qu'il s'agit du premier sommet où il y a eu un dialogue politique. C'est donc un sommet politique même s'il y avait à l'ordre du jour d'autres points relevant des autres volets du partenariat. Le dialogue politique est justement l'une des innovations du statut avancé. Il y aura une régularité dans la tenue de tels sommets politiques qui se dérouleront de manière alternative rive nord et rive sud, au Maroc. Dans cette optique, tous les problèmes liés à la stabilité et à la paix en Méditerranée ont été abordés à Grenade, y compris la question nationale. Le Maroc a réaffirmé sa volonté de maintenir le dialogue sur la base de son projet d'autonomie interne. C'est un processus qui a changé le climat à l'échelle régionale et internationale. Nous assistons de plus en plus à une perception positive sinon à une adhésion de la part de beaucoup de nos partenaires européens. Les deux parties, c'est-à-dire l'UE et le Maroc, ont affirmé leur volonté de faire jouer à l'ONU le rôle qui est le sien pour trouver une solution définitive à ce conflit artificiel.
Quels sont selon vous les résultats de ce sommet Maroc-Union européenne ? Et que faut-il attendre de l'après-Grenade ? Quel est l'agenda ?
Il faut revenir au discours Royal lu par le premier ministre et qui est un discours programme d'une grande densité. C'est un discours qui précise les perspectives d'un partenariat stratégique, privilégié. Les éléments contenus dans le discours royal ont été repris largement dans la déclaration finale en mettant l'accent sur la nécessité de doter le statut avancé des moyens institutionnels et financiers nécessaires pour que cette nouvelle étape dans nos rapports avec l'Europe puisse déboucher sur des résultats tangibles. L'accent a été mis sur l'économie du savoir, les nouvelles technologies, les énergies renouvelables, l'environnement. Je voudrais relever que les parties ont également insisté sur la dimension humaine dans la gestion des flux migratoires. Si la responsabilité est partagée, il est primordial de définir une relation immigration et développement.
Aujourd'hui que le Maroc a tenu un sommet politique avec l'Union européenne, n'y a-t-il pas crainte de voir les pouvoirs publics marocains affirmer que le Royaume a franchi le gué et que la mise à niveau institutionnelle, politique, économique est désormais achevée ?
Le statut avancé est le début d'une nouvelle étape. Pour dynamiser ce qui nous reste à faire, il convient d'approfondir les réformes et de jeter les bases d'une nouvelle génération de réformes. A titre d'exemple, il est important pour le Maroc de définir une stratégie nationale de convergence avec les pays européens dans les domaines de la justice pour améliorer le climat des affaires, des normes de production, de consommation. Une telle stratégie est indispensable si le Maroc veut aller plus loin à travers une intégration plus poussée de son économie dans l'espace économique européen. Une telle stratégie nationale serait pilotée par un comité représentant le gouvernement, les opérateurs économiques et la société civile.
A travers ce sommet U.E -Maroc qui inaugure un fort rapprochement du Royaume avec l'Europe sur fond d'un partenariat solide, une amélioration des relations passionnelles maroco-espagnoles est-elle désormais possible ? Est-ce que le sommet de Grenade peut préfigurer d'un changement des relations bilatérales entre les deux Royaumes ?
Le fait que le premier sommet politique Maroc-Union européenne se tienne en Espagne, à Grenade, revêt une signification politique et une portée symbolique importantes. Les rapports maroco-espagnols sont bons parce que déterminés par des fondamentaux telle que la proximité et le bon voisinage… Certains contentieux liés à l'Histoire trouveront leur solution dans cette dynamique d'approfondissement des relations Maroc-UE, à travers le binôme Maroc-Espagne.
Adhésion aux valeurs de la démocratie
L’Union européenne et le Maroc ont exprimé leur volonté de construire leur partenariat en matière de relations extérieures sur l’adhésion aux valeurs communes de démocratie, d’Etat de droit et des droits de l’Homme. Dans la déclaration conjointe, les deux parties affirment que cette «volonté et ambition communes témoignent de la convergence de vues existant entre l’UE et le Maroc pour répondre aux nombreux défis régionaux et globaux».
Le Maroc et l’UE soulignent que ce sommet s’inscrit dans le cadre d’une démarche ambitieuse visant à approfondir les relations entre les deux rives de la Méditerranée afin de faire de cette région «une zone de stabilité, de paix et de prospérité partagée».
Les deux parties réitèrent ainsi leur engagement à consolider la stabilité et la prospérité dans la zone euro-méditerranéenne et à y promouvoir les valeurs de concertation, de solidarité et de complémentarité, en particulier dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée (UPM), ajoute la déclaration.
Dans ce sens, le Maroc et l’UE saluent la contribution active de l’Assemblée parlementaire Euro-méditerranéenne (APEM) et de la Fondation Anna Lindh pour le dialogue des cultures au partenariat euro-méditerranéen, et se félicitent de la création de l’Assemblée Régionale et Locale euro-méditerranéenne (ARLEM).
En matière de migration, les deux parties conviennent de renforcer les mécanismes de coopération entre les pays d’origine, de transit et de destination, à travers la poursuite du dialogue et l’appui au processus de renforcement des capacités des parties concernées en matière de lutte contre l’immigration illégale, la promotion de la migration régulière, l’optimisation de la contribution des migrants au développement et le traitement des causes profondes de ce phénomène.
Une telle approche globale et équilibrée des questions de migration, incluant aussi une coopération pour le retour et la réadmission des migrants en situation irrégulière, est considéré, aux termes de la déclaration, comme un élément fondamental du partenariat entre l’UE et le Maroc.
Concernant les impacts négatifs de la crise économique et financière, L’UE et le Maroc expriment leur engagement à prendre de manière coordonnée des mesures efficaces dans le domaine des politiques économiques et financières afin de rétablir la confiance dans les marchés, dans la ligne des engagements internationaux, et sur la base des orientations du G20.