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La pêche est l'un des piliers essentiels de l'économie
de la région
Souss-Massa-Drâa. Mais ce secteur doit affronter un certain nombre de problèmes liés à la mise
à niveau,
la modernisation
de la flottille,
la commercialisation du produit de la pêche, la diminution des ressources, les infrastructures, etc. Pour nous en parler, nous avons eu cet entretien avec Abderrahmane Sarroud, président
de la Chambre des Pêches Maritimes de l'Atlantique-Centre
à Agadir.
Libé: Quelle est la place de la région Souss-Massa-Drâa dans le domaine des pêches maritimes ?
Abderrahmane Sarroud : Notre région occupe une place de choix à l'échelle nationale aussi bien au niveau des unités de pêche que celui des captures. En chiffres, cela représente 27% de la flottille nationale et 28% de la production nationale.
Parlons d'abord des infrastructures. Quels sont les problèmes auxquels sont confrontés les professionnels du secteur?
Cela commence dès le débarquement des captures. Il y a un problème de place et une mauvaise organisation des bateaux à quai. Ça, c'est la première chose. Deuxièmement, les infrasrtuctures ne disposent pas de matériel nécessaire pour le débarquement du produit de la pêche. Troisièmement, il y a le problème inhérent aux arrêts biologiques au port d'Agadir. Les bateaux de pêche hauturière travaillent six mois et restent à quai six mois parfois. Donc, ils créent un blocage au port. Ils occupent tous les espaces et ne laissent plus de place aux unités de pêche côtière et artisanales pour travailler.
Et qu'en est-il de la commercialisation ?
Nous avons aussi un problème de commercialisation. Car, comme vous le savez, la pêche hauturière n'a pas de problème de commercialisation parce que c'est elle qui s’en occupe d'une manière directe. Mais les pêches côtière et artisanale sont obligées de passer par les halles. C'est vrai que depuis l'arrivée de la nouvelle directrice, il y a un effort très important qui commence à être fait au niveau de la gestion des halles et de la commercialisation. Mais jusqu'à présent, on n'a pas encore atteint une valorisation optimale du produit halieutique qui devrait être faite à une grande échelle parce que l'ONP ne peut pas, à lui seul, commercialiser toute la production nationale. C'est très compliqué. Donc, nous devons voir comment le faire, en collaboration avec les professionnels de l'ONP pour trouver d'autres marchés aux niveaux national et international et voir comment valoriser nos produits halieutiques. Tous les ans, le prix du gas-oil augmente et par conséquent les coûts de production augmentent également, mais le prix de vente du poisson, lui, reste toujours le même tandis que les ressources diminuent. C'est donc une équation difficile à résoudre. Si on n'arrive pas à valoriser notre produit d'une manière correcte, aussi bien au niveau national qu'international, l'équation ne sera jamais résolue.
Que préconisez-vous alors ?
Il faut développer le circuit national de vente. Il existe dans les grandes villes, mais beaucoup reste à faire au niveau des petites agglomérations et en milieu rural. Il y a toute une chaîne de commercialisation qui reste à développer. L'expérience tentée par la Région Souss-Massa-Drâa à travers la création de marchés pilotes commence à porter ses fruits, mais il y a toute une culture de consommation du poisson à développer chez le citoyen. Il faut donc sensibiliser les gens, on doit leur montrer ce que contient le poisson comme vitamines, etc. Le sens de la communication est très important dans ce domaine. Donc, nous avons cette culture de consommation à développer. Au Maroc, on consomme neuf kilos de poisson par habitant. L'Espagne a atteint, je crois, trente-cinq à quarante kilos, et d'autres pays beaucoup plus. Et nous, on a neuf kilos. On va peut-être passer à dix. L'objectif de la stratégie est d'atteindre 16 kilos d'ici 2020. Il y a donc beaucoup à faire dans ce sens. Lorsque nous parlons consommation, il y a une culture que les gens ne connaissent pas et qui doit être connue à travers la stratégie Halieutis. Mais il faut également sensibiliser les gens quant à la richesse nutritive du poisson. Le poisson est un produit complètement bio. Ce n'est pas comme la viande ou d'autres produits. Il faut donc inciter les gens à consommer du poisson.
Oui, mais comment faire pour que le poisson pêché à Agadir puisse arriver dans de bonnes conditions par exemple à Errachidia?
Je reconnais qu'il y a là un handicap, car effectivement le poison n’est pas commercialisé dans les petites villes et en milieu rural, parce qu'il n'existe pas de chaîne de commercialisation dans ces endroits où le poisson doit arriver dans de bonnes conditions. Des points de vente doivent donc être créés soit par la région, soit par le ministère, afin que le poisson puisse être commercialisé dans les régions les plus reculées du Royaume et qui en sont privées actuellement. C'est ainsi que l'on réduira le nombre d'intermédiaires, et que le poisson arrivera au client à un prix correct. Actuellement, on apporte du poisson dans les halles, il est acheté par six ou sept intermédiaires qui le distribuent. Et il arrive donc chez le consommateur à un prix inabordable. Si en tant que professionnels et producteurs, nous entrons dans ce circuit, le poisson sera distribué directement dans les zones de vente. On aura ainsi éliminé les intermédiaires et le bénéficiaire, à savoir le consommateur, l'achètera beaucoup moins cher.
Vous nous avez parlé des infrastructures et de la commercialisation des produits de la mer. Que pouvez-vous nous dire à propos de la mise à niveau du secteur ?
La mise à niveau du secteur et la modernisation de la flotille sont un problème d'actualité. Il y a tout un programme qu'on est en train de finaliser avec le ministère. On va le finaliser le plus tôt possible pour qu'il soit opérationnel. Ceci est absolument nécessaire car dans le secteur de la pêche, la moyenne d'âge des unités est de plus de 25 ans. Les bateaux sont vétustes. Donc, il faut qu'il y ait un renouvellement de ces unités avec des équipements modernes. C'est notre objectif. Nous devons faire pour la pêche côtière et la pêche hauturière comme ce que nous avons déjà réalisé pour les barques de pêche artisanale.
Venons-en maintenant aux ressources halieutiques elles-mêmes. Quelle est votre vision dans ce domaine ?
Jusqu'à maintenant, nous ne disposons pas de statistiques précises de ces ressources. Cela fait des années que nous demandons que des études approfondies soient menées pour mieux connaître leur état. Certes, il existe des études sur le pélagique et le poulpe, mais il y a plus de quatre-vingts autres espèces dont nous ignorons tout. Par contre, nous savons qu'elles diminuent tous les ans. Où vivent-elles? Combien d'années vivent-elles ?Où se reproduisent-elles? Quelles sont nos réserves pour chaque espèce ? Se reproduisent-elles ou non ? Tout ceci, nous l'ignorons totalement.
Alors, que faut-il faire d'après vous ?
Il faut que l'INRH entreprenne les études en collaboration avec les professionnels, pour que l'on puisse connaître vraiment la situation de ces ressources. Nous disons à l'investisseur: «Venez, vous avez une subvention de 20 ou 30%, allez construire un bateau ». Il va nous répondre alors : « Oui, je vais construire ou moderniser un bateau. Mais je vais pouvoir en profiter pendant combien de temps ? Dix, quinze, vingt, trente ans ? Donc, pour assurer la pérennité, il faut d'abord que nous connaissions tout sur la matière première et donc les ressources halieutiques.
On parle de plus en plus de l'aquaculture au Maroc. Peut-elle constituer une alternative face à la diminution des ressources halieutiques ?
Aujourd'hui, dans le monde entier, il y a des administrations, des gens, des gouvernements qui encouragent l'aquaculture, parce que la diminution de la ressource n'existe pas uniquement au Maroc, mais à travers le monde entier. Elle a commencé en Europe. Ils ont éliminé les bateaux et se sont plutôt concentrés sur l'aquaculture et c'est la même chose en Asie et en Amérique du Nord. Le créneau de l'aquaculture est très porteur. Nous avons déjà commencé à en faire au Maroc. Le Souverain en a d'ailleurs parlé dans le discours du Trône. Celle-ci doit donc requérir toute l'attention des responsables au ministère ainsi que les professionnels. Le Maroc a des niches. Il y a des opportunités à saisir dans ce segment que nous devons développer en coordination avec l'INRH et le ministère des Pêches maritimes.
Et comment comptez-vous vous y prendre?
Premièrement, nous devons cibler les zones. Deuxièmement, établir un programme pour attirer les investisseurs. C'est là le rôle des Chambres : communiquer et attirer les investisseurs pour qu'ils créent des emplois, que la région en profite, et qu'ils puissent bénéficier, à leur tour, de leur investissement dans le secteur. Donc, nous fondons beaucoup d'espoir sur l'aquaculture et le plan Halieutis. La stratégie Halieutis en parle d'ailleurs en détails. Nous devons passer de 60.000 à 200.000 tonnes au moins par an d'ici 2020. Pour réaliser cet objectif, nous devons entamer les études nécessaires sans plus tarder.
Il y a également un problème récurrent, à savoir le contrôle et la pêche illicite. Que pouvez-vous en dire?
-Au niveau du contrôle de l'informel et de la pêche illicite, on a déjà commencé avec l’Union européenne qui a rendu obligatoire la production d'un document l'INN (pêche illicite, non réglementée, non déclarée). Ce formulaire est rempli par le capitaine de pêche en personne. Une fois qu'il l'a rempli, et qu'il enfreint le règlement : pêcher par exemple dans une zone interdite ou avec des engins non règlementaires, on lui applique alors les dispositions du règlement international dans ce domaine. Et cela peut aller du retrait de la licence de pêche à la suspension de travail…. Le Maroc a déjà commencé à l'appliquer en mars dernier et l'administration suit cette opération de très près. Mais le contrôle en mer et à terre est absolument nécessaire.
Vous avez évoqué le repos biologique. Nous aimerions connaître votre point de vue à ce sujet en tant que professionnel et président de la Chambre maritime.
Les bateaux de la pêche hauturière nous créent beaucoup de problèmes au port d'Agadir, et dans le domaine de l'emploi. Les gens quittent le secteur, car ils ne travaillent pas toute l'année. C'est ce qui est d'ailleurs à l'origine du problème de la plupart des sociétés de pêche hauturière qui ont fermé leurs portes parce qu'elles travaillent six mois, arrêtent cinq mois, et ne peuvent donc pas couvrir leurs charges internes (bureau et salaires…). Pour résoudre ce problème, le seul moyen, c'est travailler d'une manière continue. C'est-à-dire qu'il faut au moins travailler dix mois par an. Si nous avons cette possibilité, nous n'aurons pas d'influence sur la ressource, surtout si nous suivons un programme précis. Nous avons déjà proposé un projet dans ce sens. Pour ne pas avoir de problème de diminution, on devrait autoriser les gens qui voudraient quitter le secteur à le faire (100 bateaux). Resteront alors ceux qui voudront continuer, soit 120 à 130 bateaux qui seront alors soumis à des conditions au niveau du filet et des zones de pêche. L'essentiel, c'est qu'ils puissent travailler dix mois par an. Ceci est bénéfique pour les ressources également. Il y a des zones qu'on a fermées il y a six ans, et lorsque les gens sont allés y pêcher cette année, ils n'ont rien trouvé. Pourquoi ? Parce qu'il existe dans la zone où l’on ne pêche plus des prédateurs qui tuent le poulpe et mangent ses œufs. Et nous devrions donc pêcher ces espèces pour qu'elles ne mangent pas les œufs. On doit donc revenir au système de travail normal pour qu'il n'y ait plus d'influence sur les ressources halieutiques. Si on diminue la flottille et que l'on crée de bonnes conditions de travail pour ceux qui veulent travailler au Sud, je pense qu'il n'y aura pas de pression sur les espèces que nous pêchons et qui doivent se reproduire.
Ce sont là les problèmes les plus importants dont souffre le secteur. Je pourrai aussi parler du gas-oil. Mais ce problème, on ne peut le résoudre, à mon avis, qu'à travers la valorisation des produits de la mer. Car l'Etat ne maîtrise pas le prix du gas-oil qui est fixé par les pays producteurs de pétrole et le cours international du brut qui connaît des fluctuations. Certes, l'Etat va le subventionner les deux premières années, mais jusqu'à quand ? Donc, c'est à nous de trouver une alternative.
Quel votre mot de la fin ?
Aujourd'hui, il y a une visibilité dans le secteur. Avant, nous travaillions d'une manière anarchique et à l'aveuglette. Nous ne savions même pas ce qui allait se produire le lendemain. Il y a une stratégie qui a été présentée devant SM le Roi, avec des objectifs clairs et précis à l’horizon 2020. Il faut que professionnels et administration collaborent pour que l'on puisse réaliser les objectifs fixés. Nous n'avons pas de temps à perdre en tergiversations. Il y a des emplois dans ce secteur où il y a aussi de la richesse, et il y en aura toujours. Mais c'est un secteur à risques : le marin sort en mer au péril de sa vie et l'investisseur risque sa vie et son argent en y entrant. On doit donc faire le maximum pour que les deux puissent en vivre dignement.
de la région
Souss-Massa-Drâa. Mais ce secteur doit affronter un certain nombre de problèmes liés à la mise
à niveau,
la modernisation
de la flottille,
la commercialisation du produit de la pêche, la diminution des ressources, les infrastructures, etc. Pour nous en parler, nous avons eu cet entretien avec Abderrahmane Sarroud, président
de la Chambre des Pêches Maritimes de l'Atlantique-Centre
à Agadir.
Libé: Quelle est la place de la région Souss-Massa-Drâa dans le domaine des pêches maritimes ?
Abderrahmane Sarroud : Notre région occupe une place de choix à l'échelle nationale aussi bien au niveau des unités de pêche que celui des captures. En chiffres, cela représente 27% de la flottille nationale et 28% de la production nationale.
Parlons d'abord des infrastructures. Quels sont les problèmes auxquels sont confrontés les professionnels du secteur?
Cela commence dès le débarquement des captures. Il y a un problème de place et une mauvaise organisation des bateaux à quai. Ça, c'est la première chose. Deuxièmement, les infrasrtuctures ne disposent pas de matériel nécessaire pour le débarquement du produit de la pêche. Troisièmement, il y a le problème inhérent aux arrêts biologiques au port d'Agadir. Les bateaux de pêche hauturière travaillent six mois et restent à quai six mois parfois. Donc, ils créent un blocage au port. Ils occupent tous les espaces et ne laissent plus de place aux unités de pêche côtière et artisanales pour travailler.
Et qu'en est-il de la commercialisation ?
Nous avons aussi un problème de commercialisation. Car, comme vous le savez, la pêche hauturière n'a pas de problème de commercialisation parce que c'est elle qui s’en occupe d'une manière directe. Mais les pêches côtière et artisanale sont obligées de passer par les halles. C'est vrai que depuis l'arrivée de la nouvelle directrice, il y a un effort très important qui commence à être fait au niveau de la gestion des halles et de la commercialisation. Mais jusqu'à présent, on n'a pas encore atteint une valorisation optimale du produit halieutique qui devrait être faite à une grande échelle parce que l'ONP ne peut pas, à lui seul, commercialiser toute la production nationale. C'est très compliqué. Donc, nous devons voir comment le faire, en collaboration avec les professionnels de l'ONP pour trouver d'autres marchés aux niveaux national et international et voir comment valoriser nos produits halieutiques. Tous les ans, le prix du gas-oil augmente et par conséquent les coûts de production augmentent également, mais le prix de vente du poisson, lui, reste toujours le même tandis que les ressources diminuent. C'est donc une équation difficile à résoudre. Si on n'arrive pas à valoriser notre produit d'une manière correcte, aussi bien au niveau national qu'international, l'équation ne sera jamais résolue.
Que préconisez-vous alors ?
Il faut développer le circuit national de vente. Il existe dans les grandes villes, mais beaucoup reste à faire au niveau des petites agglomérations et en milieu rural. Il y a toute une chaîne de commercialisation qui reste à développer. L'expérience tentée par la Région Souss-Massa-Drâa à travers la création de marchés pilotes commence à porter ses fruits, mais il y a toute une culture de consommation du poisson à développer chez le citoyen. Il faut donc sensibiliser les gens, on doit leur montrer ce que contient le poisson comme vitamines, etc. Le sens de la communication est très important dans ce domaine. Donc, nous avons cette culture de consommation à développer. Au Maroc, on consomme neuf kilos de poisson par habitant. L'Espagne a atteint, je crois, trente-cinq à quarante kilos, et d'autres pays beaucoup plus. Et nous, on a neuf kilos. On va peut-être passer à dix. L'objectif de la stratégie est d'atteindre 16 kilos d'ici 2020. Il y a donc beaucoup à faire dans ce sens. Lorsque nous parlons consommation, il y a une culture que les gens ne connaissent pas et qui doit être connue à travers la stratégie Halieutis. Mais il faut également sensibiliser les gens quant à la richesse nutritive du poisson. Le poisson est un produit complètement bio. Ce n'est pas comme la viande ou d'autres produits. Il faut donc inciter les gens à consommer du poisson.
Oui, mais comment faire pour que le poisson pêché à Agadir puisse arriver dans de bonnes conditions par exemple à Errachidia?
Je reconnais qu'il y a là un handicap, car effectivement le poison n’est pas commercialisé dans les petites villes et en milieu rural, parce qu'il n'existe pas de chaîne de commercialisation dans ces endroits où le poisson doit arriver dans de bonnes conditions. Des points de vente doivent donc être créés soit par la région, soit par le ministère, afin que le poisson puisse être commercialisé dans les régions les plus reculées du Royaume et qui en sont privées actuellement. C'est ainsi que l'on réduira le nombre d'intermédiaires, et que le poisson arrivera au client à un prix correct. Actuellement, on apporte du poisson dans les halles, il est acheté par six ou sept intermédiaires qui le distribuent. Et il arrive donc chez le consommateur à un prix inabordable. Si en tant que professionnels et producteurs, nous entrons dans ce circuit, le poisson sera distribué directement dans les zones de vente. On aura ainsi éliminé les intermédiaires et le bénéficiaire, à savoir le consommateur, l'achètera beaucoup moins cher.
Vous nous avez parlé des infrastructures et de la commercialisation des produits de la mer. Que pouvez-vous nous dire à propos de la mise à niveau du secteur ?
La mise à niveau du secteur et la modernisation de la flotille sont un problème d'actualité. Il y a tout un programme qu'on est en train de finaliser avec le ministère. On va le finaliser le plus tôt possible pour qu'il soit opérationnel. Ceci est absolument nécessaire car dans le secteur de la pêche, la moyenne d'âge des unités est de plus de 25 ans. Les bateaux sont vétustes. Donc, il faut qu'il y ait un renouvellement de ces unités avec des équipements modernes. C'est notre objectif. Nous devons faire pour la pêche côtière et la pêche hauturière comme ce que nous avons déjà réalisé pour les barques de pêche artisanale.
Venons-en maintenant aux ressources halieutiques elles-mêmes. Quelle est votre vision dans ce domaine ?
Jusqu'à maintenant, nous ne disposons pas de statistiques précises de ces ressources. Cela fait des années que nous demandons que des études approfondies soient menées pour mieux connaître leur état. Certes, il existe des études sur le pélagique et le poulpe, mais il y a plus de quatre-vingts autres espèces dont nous ignorons tout. Par contre, nous savons qu'elles diminuent tous les ans. Où vivent-elles? Combien d'années vivent-elles ?Où se reproduisent-elles? Quelles sont nos réserves pour chaque espèce ? Se reproduisent-elles ou non ? Tout ceci, nous l'ignorons totalement.
Alors, que faut-il faire d'après vous ?
Il faut que l'INRH entreprenne les études en collaboration avec les professionnels, pour que l'on puisse connaître vraiment la situation de ces ressources. Nous disons à l'investisseur: «Venez, vous avez une subvention de 20 ou 30%, allez construire un bateau ». Il va nous répondre alors : « Oui, je vais construire ou moderniser un bateau. Mais je vais pouvoir en profiter pendant combien de temps ? Dix, quinze, vingt, trente ans ? Donc, pour assurer la pérennité, il faut d'abord que nous connaissions tout sur la matière première et donc les ressources halieutiques.
On parle de plus en plus de l'aquaculture au Maroc. Peut-elle constituer une alternative face à la diminution des ressources halieutiques ?
Aujourd'hui, dans le monde entier, il y a des administrations, des gens, des gouvernements qui encouragent l'aquaculture, parce que la diminution de la ressource n'existe pas uniquement au Maroc, mais à travers le monde entier. Elle a commencé en Europe. Ils ont éliminé les bateaux et se sont plutôt concentrés sur l'aquaculture et c'est la même chose en Asie et en Amérique du Nord. Le créneau de l'aquaculture est très porteur. Nous avons déjà commencé à en faire au Maroc. Le Souverain en a d'ailleurs parlé dans le discours du Trône. Celle-ci doit donc requérir toute l'attention des responsables au ministère ainsi que les professionnels. Le Maroc a des niches. Il y a des opportunités à saisir dans ce segment que nous devons développer en coordination avec l'INRH et le ministère des Pêches maritimes.
Et comment comptez-vous vous y prendre?
Premièrement, nous devons cibler les zones. Deuxièmement, établir un programme pour attirer les investisseurs. C'est là le rôle des Chambres : communiquer et attirer les investisseurs pour qu'ils créent des emplois, que la région en profite, et qu'ils puissent bénéficier, à leur tour, de leur investissement dans le secteur. Donc, nous fondons beaucoup d'espoir sur l'aquaculture et le plan Halieutis. La stratégie Halieutis en parle d'ailleurs en détails. Nous devons passer de 60.000 à 200.000 tonnes au moins par an d'ici 2020. Pour réaliser cet objectif, nous devons entamer les études nécessaires sans plus tarder.
Il y a également un problème récurrent, à savoir le contrôle et la pêche illicite. Que pouvez-vous en dire?
-Au niveau du contrôle de l'informel et de la pêche illicite, on a déjà commencé avec l’Union européenne qui a rendu obligatoire la production d'un document l'INN (pêche illicite, non réglementée, non déclarée). Ce formulaire est rempli par le capitaine de pêche en personne. Une fois qu'il l'a rempli, et qu'il enfreint le règlement : pêcher par exemple dans une zone interdite ou avec des engins non règlementaires, on lui applique alors les dispositions du règlement international dans ce domaine. Et cela peut aller du retrait de la licence de pêche à la suspension de travail…. Le Maroc a déjà commencé à l'appliquer en mars dernier et l'administration suit cette opération de très près. Mais le contrôle en mer et à terre est absolument nécessaire.
Vous avez évoqué le repos biologique. Nous aimerions connaître votre point de vue à ce sujet en tant que professionnel et président de la Chambre maritime.
Les bateaux de la pêche hauturière nous créent beaucoup de problèmes au port d'Agadir, et dans le domaine de l'emploi. Les gens quittent le secteur, car ils ne travaillent pas toute l'année. C'est ce qui est d'ailleurs à l'origine du problème de la plupart des sociétés de pêche hauturière qui ont fermé leurs portes parce qu'elles travaillent six mois, arrêtent cinq mois, et ne peuvent donc pas couvrir leurs charges internes (bureau et salaires…). Pour résoudre ce problème, le seul moyen, c'est travailler d'une manière continue. C'est-à-dire qu'il faut au moins travailler dix mois par an. Si nous avons cette possibilité, nous n'aurons pas d'influence sur la ressource, surtout si nous suivons un programme précis. Nous avons déjà proposé un projet dans ce sens. Pour ne pas avoir de problème de diminution, on devrait autoriser les gens qui voudraient quitter le secteur à le faire (100 bateaux). Resteront alors ceux qui voudront continuer, soit 120 à 130 bateaux qui seront alors soumis à des conditions au niveau du filet et des zones de pêche. L'essentiel, c'est qu'ils puissent travailler dix mois par an. Ceci est bénéfique pour les ressources également. Il y a des zones qu'on a fermées il y a six ans, et lorsque les gens sont allés y pêcher cette année, ils n'ont rien trouvé. Pourquoi ? Parce qu'il existe dans la zone où l’on ne pêche plus des prédateurs qui tuent le poulpe et mangent ses œufs. Et nous devrions donc pêcher ces espèces pour qu'elles ne mangent pas les œufs. On doit donc revenir au système de travail normal pour qu'il n'y ait plus d'influence sur les ressources halieutiques. Si on diminue la flottille et que l'on crée de bonnes conditions de travail pour ceux qui veulent travailler au Sud, je pense qu'il n'y aura pas de pression sur les espèces que nous pêchons et qui doivent se reproduire.
Ce sont là les problèmes les plus importants dont souffre le secteur. Je pourrai aussi parler du gas-oil. Mais ce problème, on ne peut le résoudre, à mon avis, qu'à travers la valorisation des produits de la mer. Car l'Etat ne maîtrise pas le prix du gas-oil qui est fixé par les pays producteurs de pétrole et le cours international du brut qui connaît des fluctuations. Certes, l'Etat va le subventionner les deux premières années, mais jusqu'à quand ? Donc, c'est à nous de trouver une alternative.
Quel votre mot de la fin ?
Aujourd'hui, il y a une visibilité dans le secteur. Avant, nous travaillions d'une manière anarchique et à l'aveuglette. Nous ne savions même pas ce qui allait se produire le lendemain. Il y a une stratégie qui a été présentée devant SM le Roi, avec des objectifs clairs et précis à l’horizon 2020. Il faut que professionnels et administration collaborent pour que l'on puisse réaliser les objectifs fixés. Nous n'avons pas de temps à perdre en tergiversations. Il y a des emplois dans ce secteur où il y a aussi de la richesse, et il y en aura toujours. Mais c'est un secteur à risques : le marin sort en mer au péril de sa vie et l'investisseur risque sa vie et son argent en y entrant. On doit donc faire le maximum pour que les deux puissent en vivre dignement.