En Roumanie, les artisans roms se mettent au goût du jour


Par Mihaela RODINA (AFP)
Mercredi 7 Septembre 2011

“Je suis fier de mon travail et heureux que mes produits soient appréciés”, dit Vasile Anusca, vannier comme son père et ses ancêtres. Comme lui, des centaines de Roms roumains bénéficient d'un projet qui tente d'adapter au goût du jour leurs métiers traditionnels.
Devant sa maison en torchis de Mironeasa (nord-est de la Roumanie), entouré de quelques-uns de ses 13 enfants, il prépare soigneusement les rameaux d'osier qui seront transformés avec dextérité en corbeille à fruits par l’un de ses neveux.
“Ce métier ne nous rapporte pas beaucoup mais au moins nous a permis de nourrir la famille”, intervient son frère, Viorel Anusca, 51 ans, et lui-même père de onze enfants.
Jadis, munis qui d'un énorme sac rempli de cuillers en bois, qui d'un tas de paniers pour récolter les épis de maïs, les frères Anusca sillonnaient la région pour troquer leurs produits contre des pommes de terre ou des haricots.
Mais désormais, grâce au projet “Romano Cher” (la Maison des Roms) mis en place par une société de conseil, KCMC, les objets de bois ou de vannerie de nombreux autres artisans Roms peuvent être vendus, notamment via l'Internet (http://www.mestesukar.ro ), aux quatre coins du monde.
L'hiver dernier déjà, des “kits bonhomme de neige” (comprenant nez, yeux, boutons en bois plus balai) fabriqués par des Roms de Peris (sud) se sont vendus comme des petits pains à Bruxelles.
Et une robe créée de petites plaquettes d'aluminium perforées par des orfèvres du sud du pays sera prochainement présentée lors de défilés de mode à Bucarest et Paris.
Les Anusca ont reçu une formation de trois mois pour apprendre de nouvelles techniques et fabriquent aujourd'hui jouets et plateaux en bois, et meubles en osier.
Dans ce village tapi contre une colline verdoyante, dont la plupart des 3.000 habitants se consacrent à l'agriculture de subsistance ou travaillent comme journaliers, une trentaine de Roms ont rejoint ce programme, espérant que leur savoir-faire les aidera à échapper à la pauvreté qui caractérise leur communauté.
Seuls 27% des Roms roumains en âge de travailler ont un emploi stable, selon une étude réalisée pour la fondation Soros.
 
Le chaînon manquant
 
“Il s'agit d'un projet d'économie sociale qui vise à assurer des revenus constants aux personnes qui y participent, mais aussi à améliorer la vie de la communauté, en créant par exemple des écoles maternelles”, a déclaré à l'AFP Luis Turcitu, le responsable local de Romano Cher.
Un deuxième volet prévoit l'organisation d'ateliers itinérants pour permettre au public de voir les artisans Roms au travail et même de s'essayer à créer un bracelet ou à battre un fer à cheval.
Comme Cristina, mère de deux fillettes qui s'appliquent à tresser une corbeille dans une tente érigée à Vama Veche, station balnéaire au bord de la mer Noire: “Il est bien cet atelier, car on découvre un côté des Roms qui tranche avec l'image négative qu'en donnent généralement les médias”, observe-t-elle.
Bénéficiant de cinq millions d'euros de fonds structurels de l'Union européenne, ce projet “vise à créer le chaînon manquant entre le savoir-faire des Roms et la demande du marché”, explique Mircea Nanca, directeur de communication de KCMC.
Et alors que d'autres programmes prônent la reconversion comme moyen d'insertion sociale, “Romano Cher veut intégrer les Roms en revalorisant leurs occupations traditionnelles”, ajoute-t-il, insistant sur le “lien étroit entre métier et identité culturelle” dans cette communauté.
Les Roms sont ainsi vanniers, ferronniers, chaudronniers, menuisiers ou musiciens de père en fils et les membres des différents groupes ne se mêlent que très rarement.
Selon M. Nanca, une trentaine de “coopératives d'artisans” seront mises en place à travers le pays d'ici début 2013 et un millier de Roms suivront des cours pour perfectionner leur savoir-faire.
“Ce projet sera une réussite si, au-delà des paroles, les gens avec lesquels on travaille sentent que leur vie s'est améliorée et si la perception des Roumains à l'égard des métiers et de la culture des Roms change un tant soit peu”, dit-il.
La minorité rom de Roumanie compte officiellement 535.000 membres, mais selon les ONG ils seraient en fait quelque 2 millions dans un pays de 22 millions d'habitants. 


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