En Amérique latine, la difficile quête d'oxygène pour les malades du Covid


Libé
Vendredi 5 Février 2021

En Amérique latine, la difficile quête d'oxygène pour les malades du Covid
D' immenses files d'attente, des familles prêtes à payer des prix exorbitants : dans plusieurs pays d'Amérique latine la quête d'oxygène pour les malades du Covid-19 est devenue une course contre la montre en pleine deuxième vague de la pandémie. Les mêmes scènes se répètent, sous le soleil brûlant de la ville brésilienne de Manaus ou par les froides nuits de la périphérie de Lima : des milliers de personnes à la recherche du précieux gaz pour venir en aide à leurs proches contaminés. "Mon père a la Covid-19, il a 50 ans, il a besoin d'oxygène", explique à l'AFP Yamil Antonio Suca, qui attend depuis plus de 24h devant une usine de la banlieue de la capitale péruvienne pour faire remplir la bonbonne qu'il a amenée avec lui. D'autres patientent déjà depuis deux ou trois jours.

Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), environ un malade du Covid-19 sur cinq nécessite une assistance en oxygène pour respirer. Mais dans les pays pauvres ou à revenus intermédiaires, trouver de l'oxygène peut être un véritable défi, souligne l'ONG Path, basée aux EtatsUnis, qui a créé un outil interactif permettant d'évaluer les besoins quotidiens en oxygène par pays pour répondre aux nécessités des malades du Covid-19. Mercredi, le Brésil, 212 millions d'habitants, apparaissait ainsi en rouge, avec plus de 2,3 millions de mètres cube nécessaires, suivi du Mexique et de la Colombie en orange, puis de l'Argentine et du Pérou en jaune. L'Afrique, l'Asie et l'Europe de l'est sont également concernées, selon l'ONG. Au Brésil, deuxième pays le plus endeuillé de la planète avec 228.000 morts, la deuxième vague a durement frappé l'Etat d'Amazonas. Mijanvier, la demande quotidienne en oxygène avoisinait les 76.000 m3, alors que les usines ne pouvaient assurer la fourniture que de 28.200 m3. A Manaus, capitale de l'Etat et seule ville à disposer d'une unité de soins intensifs, des dizaines de personnes sont mortes faute d'oxygène. Pour tenter de faire face, les autorités ont dû transférer des patients vers d'autres Etats, organiser l'envoi d'oxygène, et ont même bénéficié de donations du Venezuela, pays voisin pourtant en crise profonde.

Au Pérou, pays de 33 millions d'habitants, où la pandémie a mis en évidence la grande précarité du système de santé fragilisé depuis des décennies par un sous-investissement chronique, les pénuries d'oxygène se sont fait sentir dès la première vague, en parallèle au manque criant de lits en réanimation. La deuxième vague fait se répéter le scénario, avec des prix pour l'oxygène qui ont connu à certains endroits des hausses de 300%, même si le gouvernement et des entreprises privées ont fait construire en toute hâte des usines de production pour tenter d'améliorer la situation. Au Mexique, troisième pays le plus touché au monde avec plus de 161.000 morts pour 125 millions d'habitants et qui connaît une deuxième vague particulièrement virulente, la demande en oxygène a connu une hausse de 700% entre le 20 décembre et le 20 janvier, selon les autorités. "Il y a suffisamment d'oxygène, mais manquent des réservoirs" de stockage, précise à l'AFP Jesus Montaño, porte-parole du Bureau fédéral des consommateurs (Profeco). Les prix ont connu une hausse de 5 à 7% entre août et fin janvier, assure-t-il. Mais la situation est tout autre sur le marché noir : des Mexicains font état de prix autour de 32.000 pesos (1.585 dollars) pour un réservoir de 6.000 litres, soit trois fois le prix normal.

Au Nicaragua, où plus d'un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté, un "réservoir peut coûter entre 1.000 et 1.500 dollars. Cela a généré une mortalité plus élevée car tout le monde n'a pas les moyens de s'approvisionner", explique à l'AFP Roger Pasquier, président de l'Association nicaraguayenne des anesthésistes. Mais pour l'Organisation panaméricaine de la Santé (OPS), il est difficile de parler d'une situation d'urgence généralisée en Amérique latine. "On ne peut pas parler d'une crise de l'oxygène au niveau régional", explique à l'AFP Sylvain Aldighieri, un haut responsable de l'organisation, même s'il reconnaît que "certains pays ont été confrontés à des défis importants au cours des derniers mois". L'OPS a d'ailleurs organisé l'envoi d'oxygène supplémentaire dans diverses régions, notamment à Manaus, et fourni à une vingtaine de pays des concentrateurs d'oxygène qui alimentent les patients à partir de l'air ambiant.


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