El Hassan Al Baghdadi: Pour un changement au sein de la société

 Pour le président de
l’Association MLCTD, 
Hassan Al Baghdadi les firmes de tabac utilisent une communication manipulatoire et une
information qui prête
à confusion.

Libé : De par votre implication dans la lutte contre le tabagisme, quelle appréciation faites-vous de l'état des lieux ? Estimez-vous que vos efforts sont fructueux (diminution du fléau) notamment parmi les plus jeunes ?

El Hassan Al Baghdadi : S’agissant de  l’état des lieux, il est sans doute très alarmant et ce, en se référant à des indicateurs témoignant directement ou indirectement des conséquences néfastes du tabagisme vis-à-vis de la qualité de vie du fumeur, de sa famille et son environnement, à savoir la déperdition et l’échec scolaire, le taux d’atteinte par le cancer, les crimes, les dislocations familiales…. Notre bataille tend essentiellement à conduire un changement au sein de la société permettant l’ajustement et la rectification d’un ensemble de charges culturelles et sociales construites le long  d’un siècle autour du tabac. On considère celui-ci à titre d’exemple comme une affaire personnelle qui concerne uniquement le fumeur, alors que pour les jeunes, c’est un passeport vers l’âge adulte. A cette occasion, je peux vous confirmer que nous avons pu empêcher, à travers l’image et le témoignage, un nombre important d’enfants et de jeunes de consommer la première cigarette et nous avons pu aussi aider d’autres à cesser de fumer. Seulement nos efforts, vu les moyens dont nous disposons, restent loin de faire face à toutes les entrées dans le giron des fumeurs chaque jour.

Récemment, le prix des cigarettes a augmenté ostensiblement. D'après vous, est-ce un moyen dissuasif?

D’abord, il faut reconnaître que le tabac est un fléau très complexe et multidimensionnel qui nécessite d’être contrecarré par l’élaboration d’une stratégie globale associant un ensemble d’approches et d’acteurs, le prix à lui seul ne peut entraîner une diminution. Cette diminution en nombre de cigarettes consommées n’influencera en aucun cas l’augmentation du nombre de fumeurs. Les techniques de fabrication et de marketing pratiquées pour la production et la vente du tabac sont très sophistiquées. Des spécialistes de toutes disciplines sont investis pour persuader les fumeurs, notamment les enfants et les femmes. Les firmes de tabac utilisent le lobbying moyennant une communication manipulatoire et une information qui prête à confusion puis à l’influence des décideurs du pouvoir public. A travers le chantier que notre association a ouvert, nous ambitionnons d’inciter les acteurs de la société civile et les responsables des services publics à assumer leur responsabilité historique face à un fléau qui menace notre projet sociétal tout entier et l’avenir des jeunes générations.

Selon vous, que devraient entreprendre les pouvoirs publics afin de faire respecter la loi antitabac? Des propositions?

Avant d’entreprendre la moindre mesure, les pouvoirs publics doivent avoir la volonté politique nécessaire et suffisante pour prendre ces mesures. Une volonté qui doit être concrétisée par une étude transparente permettant d’évaluer exactement les pertes engendrées par la consommation de tabac en termes de capital matériel et immatériel, direct et indirect, ensuite les comparer aux gains résultant de la commercialisation du tabac. Cette comparaison donnera sûrement aux décideurs et aux Marocains une image sur les réalités relatives à ce sujet. C’est à ce moment-là que l’engagement sera plus fort de la part de toutes les parties prenantes et l’application de la loi sur l’interdiction du tabac verra le jour et sortira de la salle de réanimation.
Propos recueillis