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Le républicain Mitch McConnell cultive l'accent rustique du Kentucky. La démocrate Nancy Pelosi a un ton posé. Quasiment octogénaires tous les deux, ils ont la peau durcie des élus rompus aux alternances du Congrès, où se joue l'avenir de Donald Trump. Lui dirige le Sénat, elle la Chambre des représentants. Deux enceintes du Capitole qui s'apprêtent à vivre des moments antagonistes historiques pour incriminer ou disculper le 45e président des Etats-Unis. Même si les dés semblent déjà jetés, l'intensité s'annonce dramatique. Et le couple McConnell/Pelosi interprètera sous les projecteurs une partition évoquant un duel plutôt qu'un duo. A 77 ans, Mitch McConnell a d'ores et déjà promis de se coordonner «en tous points avec l'avocat de la Maison Blanche» quand s'ouvrira, probablement en janvier, le procès en destitution de Trump. «Il n'y aura aucune différence entre la position du président et la nôtre dans la manière de gérer ça», a-t-il assuré pour couper court à tout suspense sur d'éventuelles défections dans les rangs républicains. Elu et réélu sans discontinuer depuis 1984 dans cet Etat pauvre et rural du centre des Etats-Unis, il dirige depuis 2015 la majorité républicaine à la Chambre haute. Avec sa tête ronde et son double menton, ses adversaires le comparent souvent à une tortue. Mais c'est un animal politique à sang froid, doté d'un sens aigu de la stratégie. Mitch McConnell «est passé maître dans l'art de manoeuvrer dans la procédure législative et sa manière de l'utiliser pour arriver à ses fins est remarquable», juge Jennifer Lawless, professeure de sciences politiques à l'Université de Virginie. Elle rappelle notamment l'obstruction systématique de la majorité républicaine au Sénat à partir de 2015 qui a empoisonné la dernière année de mandat de Barack Obama. Depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, il suit la même logique partisane. Il affirme dans son autobiographie («The long game») valoir sa longévité aux batailles qu'il a livrées dans sa jeunesse: contre la polio et contre les enfants qui le harcelaient à l'école. «Dans le travail que j'ai choisi, la clé est le compromis mais j'en suis venu à penser que certaines fois, je dois montrer la combativité que mes parents m'ont inculquée», dit-il. Pour Mitch McConnell, «il y a peu d'enjeu» dans ce procès où il faudrait que 20 sénateurs républicains fassent défection pour condamner Trump, estime Lawless. Pour Nancy Pelosi, 79 ans, il en va autrement. La chef de la majorité démocrate à la Chambre des représentants était réticente à lancer une procédure de destitution qu'elle savait impopulaire auprès de l'opinion après la longue enquête sur l'ingérence de la Russie en 2016. Mais elle a été convaincue que «les actes du président jusqu'à ce jour ont violé la Constitution» après la diffusion de la conversation entre Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky. Féroce opposante à Donald Trump, qui le lui rend bien à coups d'insultes et de sobriquets, Nancy Pelosi affirme que les faits établis par la commission d'enquête de la Chambre sont «irréfutables». «Personne n'est audessus des lois» et le président «rendra des comptes», assure-t-elle. Bercée par la politique depuis l'enfance - son père et l'un de ses frères ont été maires de Baltimore, sa ville natale - elle rejoint les rangs démocrates à San Francisco en 1987. Modérée dans un bastion de la gauche américaine, cette petite femme hyper-active, toujours tirée à quatre épingles, assure que sa capacité à «prendre des coups» a fait sa réussite. Fine tacticienne, elle devient la première présidente de la Chambre basse du Congrès (2007-2011). En 2019, elle redevient «Madam Speaker» - troisième personnage de l'Etat - après la large victoire des démocrates aux élections parlementaires, qui consacrent une nouvelle génération issue de l'aile gauche du parti. Nancy Pelosi «a un flair politique» qui lui permet de contrôler un groupe parlementaire très diversifié, souligne Jennifer Lawless. Mercredi, lors du vote qui devrait approuver la mise en accusation («impeachment») du président, elle sera jugée sur sa «capacité à convaincre une majorité écrasante» de démocrates élus dans des circonscriptions à tendance républicaine, selon Jennifer Lawless. Elle rappelle les premières réticences de Nancy Pelosi, inquiète d'une mobilisation renforcée des partisans de Donald Trump qui pourrait finalement coûter aux démocrates la présidentielle et les législatives de novembre 2020. On saura dans onze mois si son flair politique était aussi aiguisé.