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La mort est une faucheuse et elle prend parfois par surprise. Vendredi soir, Mokhtar nous a pris par surprise, rendant son dernier souffle, sur un lit d'hôpital. Comment croire que la vie cessait dans un incroyable point final ? Comment penser aussi que Mokhtar n'allait plus écrire et que nous n'allions plus le lire sur les colonnes d'Al Ittihad Al Ichtiraki? Comment aussi se résigner au fait de ne plus le croiser, toujours vêtu de noir, dans les conférences de presse, les colloques et autres séminaires de Rabat.J'ai connu Mokhtar Zyani, il y a quelques années déjà, au détour de l'actualité politique marocaine. Il faisait partie, comme il avait coutume d'en rire, des arabophones sur terre. La capacité de ce journaliste politique à adhérer au parti d'en rire m'a toujours étonnée. Au lendemain des attentats du 16 mai, à Casablanca, il avait été empêché par quelques flics zélés d'accéder à la grande marche de Casa sous prétexte qu'il portait la barbe. En ces temps troubles, on avait décrété dans notre beau pays que toute barbe était forcément suspecte. Il a eu beau brandir sa carte de presse, scander haut et fort qu'il exerçait dans un journal de gauche, porte-parole de l'USFP, Mokhtar Zyani ne couvrira pas la marche de « Touche pas à mon pays ». Plus tard, il en parlera avec le sourire, riant de sa barbe désormais célèbre dont il ne se départira jamais, comme si elle était un signe distinctif et de résistance contre la bêtise policière. « Je suis devenu un crypto-islamo-ittihadi ! », blaguait-il. Et même au PJD, on en riait. « Tu nous rejoins quand, Mokhtar ? », répétait Abdelilah Benkirane avant de commencer une conférence de presse à laquelle Mokhtar Zyani était présent, toujours assis au premier rang.
Mokhtar était de tous les événements. Il avait fait sien l'adage journalistique selon lequel il n'y avait pas de petits sujets, seulement de petits ou grands journalistes. Derrière sa barbe et son sourire, l'humilité de cet homme du Nord était perceptible. Le journaliste ne s'était jamais pris pour une star, lui à qui les hommes politiques se confiaient régulièrement dans de longues et instructives interviews publiées par « Al Ittihad Al ichtiraki ». Journaliste de l'alternance, il en avait connu les arcanes et les résistances. Mokhtar vouait un culte à « Si » Abderrahmane, comme il l'appelait et rêvait d'une USFP d'avant. Avant quoi, lui demandait-on ? On recevait son légendaire sourire en guise de réponse.
Il était aussi de tous les procès de journalistes. Pas question pour lui d'accepter que des journalistes soient jetés en prison au nom du code pénal. Pas question non plus, disait-il, que la déontologie et l'éthique soient bafouées et que la rumeur, la seule rumeur, soit élevée au rang de l'information. Mokhtar Zyani préférait ce journalisme pas trop sexy aux yeux de certains, loin de tout sensationnalisme et au plus près de l'information et de la religion du fait. « Je suis peut-être dépassé. Je n'aurai jamais de scoop. C'est ainsi que je fonctionne et ce n'est pas maintenant que je changerai ».
Derrière le professionnel, se cachait aussi le père de famille au cœur grand « comme ça ». Il y a deux ans, la naissance de sa petite dernière l'avait comblé de bonheur et cet été, il disait toute sa fierté de voir son fils arriver à l'université
Ce samedi matin, à la porte de la maison de Mokhtar Zyani, dans le quartier de Bettana à Salé, une petite fille éperdue de douleur. Elle a 12-13 ans, et ses petites camarades n'en finissent pas de la consoler. C'est Aya, la fille de Mokhtar et c'est fou ce qu'elle lui ressemble.
Ce samedi matin aussi, très nombreux ont été les journalistes qui ont suivi le cortège funèbre de Mokhtar Zyani. La prière du mort a été dite à la Mosquée Palestine, à quelques encablures de la Fondation Bouabid. Jusqu'au bout, l'actualité aura accompagné Mokhtar.