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Depuis neuf ans, ce chauffeur de taxi conduit ce véhicule emblématique de la période soviétique dans les rues d'Addis Abeba, la capitale éthiopienne.
Mais cette année, les autorités ont décidé de bannir l'importation de véhicules thermiques.
Et la récente dévaluation de la monnaie, le birr, a renchéri le coût de l'importation des pièces détachées, nécessaires pour continuer de faire tourner ces véhicules, pour certains vieux d'une quarantaine d'années.
"Ce modèle date de 1987, je n'ai que trois ou quatre ans de plus", sourit Teshafun Assefa, en tapant sur la carrosserie écaillée.
Le levier de vitesse est récalcitrant, les sièges sont troués et hors d'âge et le véhicule peine à dépasser les 40 km/h dans les montées.
Ces voitures peintes en bleue, rapidement reconnaissables dans les longues avenues ou les venelles d'Addis Abeba, ont connu leurs heures de gloire dans les années 1970 et 1980, lorsque l'Ethiopie, gigantesque pays d'Afrique de l'Est, était dirigée par le Derg, un régime militaire d'inspiration marxiste qui a noué des relations avec l'Union soviétique.
Et pour beaucoup, les jours des vieux modèles de Lada sont comptés.
"Pour réparer le moteur, il faudrait que je débourse entre 40.000 et 50.000 birr (entre 300 et 375 euros)", pour une voiture qui ne vaut aujourd'hui plus qu'environ 65.000 birr (490 euros), calcule Tesfahun Assefa, qui ne gagne qu'environ 500 birr (moins de quatre euros) par jour, après avoir déduit le coût de l'essence et de l'entretien.
Les autorités ont poussé ces dernières années les chauffeurs de véhicules anciens à les changer.
Mais pour Tesfahun Assefa, c'est hors de portée. "Certains de mes amis qui en avaient les moyens ont remplacé leur voiture, mais ceux comme moi qui n'en ont pas doivent s'en remettre à Dieu".
Dans le quartier Kechene Medhane Alem, dans le nord d'Addis Abeba, Tamiru Melaku, mécanicien, est penché sur le moteur poussiéreux d'une Lada. Ici, pas de garage, les réparations sont faites à l'extérieur, le long de la route.
"Malheureusement, les voitures Lada ne dureront peut-être pas encore 10 ans dans les rues, et peut-être même pas une seule année", souligne l'homme de 50 ans en bleu de travail, également président d'une amicale des Lada.
Tout en donnant de grands coups de maillets pour retirer une pièce défectueuse, il se dit "profondément triste de cette situation".
"L'une des principales raisons de la disparition de ces voitures est le manque de pièces de rechange (...) Pour réparer cette voiture, nous récupérons des composants de véhicules démontés, car les pièces neuves ne sont tout simplement pas disponibles", raconte-t-il.
Pour Yizengaw Yitayih, expert au sein du ministère des Transports et de la Logistique, qui précise "ne pas avoir de chiffres précis", "le nombre de Lada en circulation dans la capitale est en diminution depuis plusieurs années".
"Il devient de plus en plus difficile de se procurer des pièces détachées", explique-t-il notamment, tout en soulignant que "cela est une bonne chose, car ces véhicules sont remplacés par d'autres plus récents et moins polluants, comme des voitures électriques".
Autrefois utilisées pour le transport de personnes, les Lada sont aujourd'hui surtout employées pour le transport de marchandises.
Près d'un marché à Sidist Kilo, des dizaines de Lada sont stationnées en attendant les clients.
Mulugesa Hibdo Biramo vient d'acheter pommes de terre, tomates et agrumes qu'il a répartis entre le toit et le coffre d'une Lada.
Ces véhicules, qui "disparaissent petit à petit de la ville", ont "un rôle important pour transporter des biens, car certains services comme Ride (l'équivalent de Uber en Ethiopie, ndlr) ne le proposent pas", souligne-t-il.
Le marchand de 34 ans, qui s'apprête à parcourir une dizaine de kilomètres dans le véhicule aux suspensions usées, pense que les Lada auront bientôt disparu des rues d'Addis Abeba. Mais il y voit le signe d'une "transformation" nécessaire.