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Fils de chauffeur de taxi beyrouthin, Claude Lemand n'était pas destiné à devenir l'un des collectionneurs d'artistes contemporains arabes en vue: aujourd'hui il vient d'offrir sa collection de 1.300 oeuvres à l'Institut du monde arabe (IMA) à Paris, en hommage à la capitale française mais aussi à l'art sans frontière.
A 73 ans, ce petit homme aux cheveux gris attachés par un catogan, regard mobile et sensible, raconte comment il lui était "devenu impératif de réaliser cette donation, tant qu'on a la tête claire".
"Nous voulions voir se réaliser le rêve d'un espace muséal permanent où la collection est inaliénable", dit Claude Lemand.
"Nous", c'est aussi son épouse France avec laquelle il partage sa longue aventure. Sa donation, dont le contrat a été signé le 24 octobre avec le président de l'IMA et ancien ministre français de la Culture Jack Lang, est "la donation Claude et France Lemand".
De l'Irak au Maghreb, il a fait connaître des artistes modernes et contemporains d'une grande variété comme l'Algérien Abdallah Benanteur, le Syrien Youssef Abdelké, l'Irakien Dia Al-Azzawi, l'Américano-libanaise Etel Adnan, les Libanais Shafic Abboud et Mohammad Al-Rawas...
"J'ai été adopté par Paris et la France! Il n'y a que la France où, quand une oeuvre entre dans un musée non-privé, il est totalement interdit qu'elle soit vendue, cédée". "Les Parisiens ont toujours acheté quelle que soit l'origine des artistes", pointe-t-il aussi.
Claude Lemand refusera absolument de dévoiler l'appartenance confessionnelle de sa famille. Car ce communautarisme a contrecarré "le dialogue des cultures" au Pays du Cèdre et son propre destin, dit-il.
Ses grands-parents sont morts de faim en 1916/17. Son père, illettré, était chauffeur de taxi. Mais sa mère, orpheline d'origine syrienne, a acquis une culture très vaste chez les religieuses. C'est elle qui a envoyé le jeune Claude à l'école privée.
Il a travaillé tout en étudiant la linguistique. "Une force irrépressible. La nuit, l'été, j'allais lire sous les lampadaires du boulevard".
En 1975, la guerre civile éclate, et, un jour de décembre, il est enlevé. "Heureusement, on s'est servi de moi comme monnaie d'échange. J'ai négocié tout seul. J'ai vu la mort de près, senti les gens en armes qui s'énervaient".
Libéré le soir même, il ne "le dit à personne, pour éviter la vengeance". Une semaine après, il est blessé par des éclats de mortier. Il part bientôt à San Francisco puis s'installe en France. Il ne reviendra plus au Liban et acquerra la nationalité française.
Ce "poumon de liberté" qu'était le Liban a été balayé par "le sentiment d'appartenance communautaire", dit-il. "Il n'y a pas une seule communauté libanaise qui ait été propre. Elles se sont toutes vendues à un moment aux puissances les plus offrantes", accuse-t-il.
Accompagné de son épouse orthophoniste, le voilà envoyé par le ministère français des Affaires étrangères comme professeur de littérature comparée à Khartoum puis au Caire. "J'ai fait traduire 'Désert' de Le Clézio", s'enorgueillit-il. Des années fastes où il fait ses premières acquisitions, avec sa femme, petite-fille de l'écrivain, résistant et collectionneur Claude Aveline.
C'est en octobre 1988, après avoir démissionné de la fonction publique, que ce travailleur acharné ouvre une galerie rue Littré, dans le coeur de Paris. Collectionner passionnément, il ne fera plus que cela, "monomaniaque".
Le succès du marché de l'art est alors "extraordinaire". "Je demande à mes artistes d'être fidèles à ma galerie. En contrepartie, nous leur achetons régulièrement beaucoup d'oeuvres", raconte-t-il.
Après les attentats du 11 septembre 2001, il continue à défendre ses artistes d'origine arabe quand les collectionneurs américains désertent les galeries parisiennes.
En 2008, avec la montée en puissance de Dubaï, les nouveaux grands musées du monde arabe viennent le trouver pour négocier l'achat ou le prêt d'œuvres.
Mais ces artistes, insiste-t-il, "ne doivent pas être prisonniers du passé". "Ce n'est pas parce qu'un artiste est né dans un pays musulman qu'il est obligé d'obéir à des règlements étrangers à l'art".
Claude Lemand déplore aussi que "dans certains pays arabes, les musées dorment et les œuvres ne sont pas exposées". Les émirs du Golfe devraient "ouvrir des centres d'art dans les principales capitales, pour faire circuler les œuvres".
A 73 ans, ce petit homme aux cheveux gris attachés par un catogan, regard mobile et sensible, raconte comment il lui était "devenu impératif de réaliser cette donation, tant qu'on a la tête claire".
"Nous voulions voir se réaliser le rêve d'un espace muséal permanent où la collection est inaliénable", dit Claude Lemand.
"Nous", c'est aussi son épouse France avec laquelle il partage sa longue aventure. Sa donation, dont le contrat a été signé le 24 octobre avec le président de l'IMA et ancien ministre français de la Culture Jack Lang, est "la donation Claude et France Lemand".
De l'Irak au Maghreb, il a fait connaître des artistes modernes et contemporains d'une grande variété comme l'Algérien Abdallah Benanteur, le Syrien Youssef Abdelké, l'Irakien Dia Al-Azzawi, l'Américano-libanaise Etel Adnan, les Libanais Shafic Abboud et Mohammad Al-Rawas...
"J'ai été adopté par Paris et la France! Il n'y a que la France où, quand une oeuvre entre dans un musée non-privé, il est totalement interdit qu'elle soit vendue, cédée". "Les Parisiens ont toujours acheté quelle que soit l'origine des artistes", pointe-t-il aussi.
Claude Lemand refusera absolument de dévoiler l'appartenance confessionnelle de sa famille. Car ce communautarisme a contrecarré "le dialogue des cultures" au Pays du Cèdre et son propre destin, dit-il.
Ses grands-parents sont morts de faim en 1916/17. Son père, illettré, était chauffeur de taxi. Mais sa mère, orpheline d'origine syrienne, a acquis une culture très vaste chez les religieuses. C'est elle qui a envoyé le jeune Claude à l'école privée.
Il a travaillé tout en étudiant la linguistique. "Une force irrépressible. La nuit, l'été, j'allais lire sous les lampadaires du boulevard".
En 1975, la guerre civile éclate, et, un jour de décembre, il est enlevé. "Heureusement, on s'est servi de moi comme monnaie d'échange. J'ai négocié tout seul. J'ai vu la mort de près, senti les gens en armes qui s'énervaient".
Libéré le soir même, il ne "le dit à personne, pour éviter la vengeance". Une semaine après, il est blessé par des éclats de mortier. Il part bientôt à San Francisco puis s'installe en France. Il ne reviendra plus au Liban et acquerra la nationalité française.
Ce "poumon de liberté" qu'était le Liban a été balayé par "le sentiment d'appartenance communautaire", dit-il. "Il n'y a pas une seule communauté libanaise qui ait été propre. Elles se sont toutes vendues à un moment aux puissances les plus offrantes", accuse-t-il.
Accompagné de son épouse orthophoniste, le voilà envoyé par le ministère français des Affaires étrangères comme professeur de littérature comparée à Khartoum puis au Caire. "J'ai fait traduire 'Désert' de Le Clézio", s'enorgueillit-il. Des années fastes où il fait ses premières acquisitions, avec sa femme, petite-fille de l'écrivain, résistant et collectionneur Claude Aveline.
C'est en octobre 1988, après avoir démissionné de la fonction publique, que ce travailleur acharné ouvre une galerie rue Littré, dans le coeur de Paris. Collectionner passionnément, il ne fera plus que cela, "monomaniaque".
Le succès du marché de l'art est alors "extraordinaire". "Je demande à mes artistes d'être fidèles à ma galerie. En contrepartie, nous leur achetons régulièrement beaucoup d'oeuvres", raconte-t-il.
Après les attentats du 11 septembre 2001, il continue à défendre ses artistes d'origine arabe quand les collectionneurs américains désertent les galeries parisiennes.
En 2008, avec la montée en puissance de Dubaï, les nouveaux grands musées du monde arabe viennent le trouver pour négocier l'achat ou le prêt d'œuvres.
Mais ces artistes, insiste-t-il, "ne doivent pas être prisonniers du passé". "Ce n'est pas parce qu'un artiste est né dans un pays musulman qu'il est obligé d'obéir à des règlements étrangers à l'art".
Claude Lemand déplore aussi que "dans certains pays arabes, les musées dorment et les œuvres ne sont pas exposées". Les émirs du Golfe devraient "ouvrir des centres d'art dans les principales capitales, pour faire circuler les œuvres".