Classes moyennes marocaines: Caractéristiques, évolution et facteurs d’élargissement


L
Samedi 9 Mai 2009

Classes moyennes marocaines: Caractéristiques, évolution et facteurs d’élargissement
Une première étude est désormais disponible sur le concept des classes moyennes au Maroc. Elle aurait peut-être été réalisée sur commande et orientée, mais constitue du moins, une référence pour les concepteurs des politiques publiques, les chercheurs et les analystes. Cette étude dont les résultats ont été dévoilés, mercredi 6 mai 2007 à Rabat, a été réalisée par les statisticiens du Haut Commissariat au Plan (HCP). Elle a été élaborée, selon  Ahmed Lahlimi Alami, haut commissaire au Plan,  suite au discours Royal du 30 juillet 2008.L’étude ambitionne, donc, de définir les classes moyennes et d’analyser ses caractéristiques socio-économiques et son évolution historique.
« Les efforts fournis par le Haut Commissariat au Plan permettant, dans les meilleurs délais, la réalisation, l’exploitation et l’analyse des données de l’enquête sur les « revenus et les niveaux de vie 2007 », avec l’espoir de contribuer, dans les limites de ses attributions, à la concrétisation de l’action nationale pour la mise en œuvre des orientations Royales», pour rependre Ahmed Lahlimi. Dans sa démarche, le HCP a favorisé, selon son 1er responsable, la définition statistique des classes moyennes au Maroc en recourant aussi bien à l’auto-identification sociale des chefs de ménage qu’à l’approche basée sur les critères objectifs de revenu et de niveau de vie. La première renseigne, dit-on, sur le vécu, par la population,  de son statut social..
Pour ce qui est de la deuxième approche, se base sur le partage statistique de la richesse nationale entre les différentes catégories sociales. Elle permet de donner une base objective à un consensus sur la place des classes moyennes dans la distribution sociale des revenus, l’identification de leur  segmentation et l’analyse aussi bien de leurs caractéristiques socio-économiques que de leur évolution. Il convient, à cet égard, de relever que les  seules informations disponibles à la fois sur les revenus et les niveaux de vie des ménages sont celles que procure « l’enquête sur les revenus et les niveaux de vie des ménages » réalisée par le HCP en 2007. De ce fait, le profil des classes moyennes en termes de dimension démographique, de caractéristiques socio-économiques et de conditions de vie, est celui que présentent ces classes en 2007.  L’évolution de ce profil, en revanche, se réfère aux seules données sur les niveaux de vie qui sont disponibles sur une longue période grâce aux différentes enquêtes sur « les niveaux de vie et la consommation des ménages » réalisées par le HCP entre 1985 et 2007.
p Profil selon
l’auto-déclaration des ménages
Elles représentent 55,8% de la population, contre 39,4% pour les catégories sociales modestes. Les classes moyennes regroupent, d’après l’étude, 17,2 millions d’habitants : 10,1 millions d’urbains et 7,1 millions de ruraux. Elles regroupent aussi plus de 58% de la population urbaine et près de 53% de la population rurale. Par rapport à l’ensemble des ménages, ces mêmes classes contribuent pour 66,0% des revenus, 65,5% des dépenses de consommation et 72,0% de l’épargne.
Cette approche est, cependant, limitée. Les résultats issus de cette approche sont manifestement biaisés par le facteur culturel : la valeur du juste milieu si caractéristique de la culture dominante tend aussi bien des riches que des pauvres à s’identifier à la moyenne. C’est ainsi que parmi les 20% les plus riches, 75% se considèrent moyens et parmi les 20% les plus pauvres, cette proportion est de 37%.
p L’approche économique
Cette approche situe les classes moyennes dans la fourchette centrale de la distribution sociale des revenus ou des dépenses de consommation. En raison de l’inégalité de la distribution des revenus et des dépenses de consommation, le recours à la moyenne n’est pas approprié parce que les limites des classes moyennes s’en trouvent biaisées sous l’influence des valeurs extrêmes. Aussi le recours à la valeur médiane, qui répartit les ménages en deux groupes de même effectif, est-il le plus usité parce qu’il permet de corriger cette influence des valeurs extrêmes. C’est la méthode adoptée, dans toutes les approches statistiques pour fixer les bornes des fourchettes où se situent les classes sociales. S’agissant du Maroc, la fourchette retenue pour la délimitation des classes moyennes se situe entre une borne inférieure fixée à 0,75 fois la médiane des revenus ou des dépenses ; cette option restrictive exclut les ménages pauvres,  vulnérables et une partie des ménages se situant au-delà du seuil de vulnérabilité. Il s’agit, en deuxième lieu, d’une borne supérieure fixée à 2,5 fois la médiane, ce qui correspond à une option délibérément extensive.
p Le critère du revenu
Ce profil se limitera aux classes moyennes définies selon le critère du revenu. Le critère des niveaux de vie, en raison de la disparité relative entre revenus et dépenses de consommation, en donne une dimension démographique légèrement plus grande sans toutefois, en modifier les structures. Aussi, comme mentionné auparavant, le recours à ce critère sera-t-il plus approprié dans la partie consacrée à l’évolution, depuis 1985, des conditions de vie des classes moyennes. Cet aspect sera intégré dans la deuxième partie d’analyse de classes moyennes prévue prochainement par le HCP dans le cadre d’une conférence-débat.
Lors de la présentation faite à Rabat, Ahmed Lahlimi a souligné qu’en ce qui concerne le poids démographique, les classes moyennes regroupent 53% de la population, contre 34% pour la classe modeste et 13% pour la classe aisée. Elles comptent 16,3 millions de personnes dont 62,9% en milieu urbain. Parmi les populations urbaines 59% appartiennent aux classes moyennes contre 45% pour les  populations rurales.
p Les sources
socioprofessionnelles
Font partie des classes moyennes, d’après l’enquête du HCP, 63% des « employés, artisans et ouvriers qualifiés des métiers de l’artisanat» (contre 10,9% dans la classe aisée et 26,1% dans la classe modeste) ; 58,6% des « rentiers, retraités et inactifs » (contre 14,7% et 26,7% dans les deux autres classes, respectivement) ; 56,3% des « cadres moyens, commerçants et intermédiaires financiers » (contre 31,1% et 12,6%, respectivement) ; 48,6% des « ouvriers agricoles et non agricoles » (contre 3,0% et 48,4%, respectivement) ; 40,2% des «exploitants agricoles » (contre 6,6% et 53,2%, respectivement) et19,5% des « cadres supérieurs et professions libérales » (contre 76,5% et 4,0%, respectivement).
L’enquête relève que ce sont les catégories socioprofessionnelles de niveau de formation et de qualification intermédiaire qui alimentent le plus la dimension des classes moyennes. La disparité aussi bien de leurs niveaux de revenu que de leurs conditions de vie contribue à l’hétérogénéité socioprofessionnelle de la classe moyenne.
p Poids économique
en termes de revenu
et de consommation
Les classes moyennes représentent 44% dans les revenus des ménages et  49% dans les dépenses de consommation de ces derniers.  Elles disposent par ménage et par mois  d’un revenu moyen de 4402 DH en milieu urbain et de 4219 DH en milieu rural.
Les sources de leur revenu sont constituées par  le salariat pour 44,5% (urbain : 52,7%, rural : 27,7%) ; les entreprises individuelles agricoles et non agricoles pour 30,3% (urbain : 19,3%, rural : 53,2%) ; les transferts pour 13,3% (urbain : 13,8%, rural : 12,2%) et les rentes pour 9,4% (urbain : 11,4%, rural 5,2%).    
Leurs dépenses de consommation sont consacrées pour près des deux tiers à l’alimentation et l’habitat, contre trois quarts pour la classe modeste et moins de la moitié pour les classes aisées ; 9%  aux dépenses de « transport et communication » contre 19% pour la classe aisée et 5% pour la classe modeste.
p L’endettement
des classes moyennes : niveaux, objets et sources
La proportion des ménages endettés parmi les classes moyennes atteint 31% contre 37,5% des ménages aisés et 27,3% des ménages modestes. Elle est de 26,8% dans la catégorie inférieure, 30% dans la catégorie intermédiaire et 34,8% dans la catégorie supérieure.
L’endettement des classes moyennes se décompose  en crédits à la consommation courante dans 59% des cas contre 71,2% des cas dans les catégories inférieures, 55,8% dans la catégorie intermédiaire, 54,6% dans la catégorie supérieure.  Les crédits immobiliers  sont aussi l’autre forme d’endettement dans 25,1% des cas contre 16% des cas dans la catégorie inférieure, 26,7% dans la catégorie intermédiaire et 29,3% dans la catégorie supérieure.
Globalement, le recours aux crédits à la consommation est surtout le fait des catégories inférieures,  alors que les crédits d’équipement et immobilier bénéficient plutôt aux catégories intermédiaires et supérieures.


Hétérogénéité
En termes de revenu moyen par ménage et par mois, 28% des classes moyennes constituent la catégorie supérieure avec un revenu dépassant la moyenne nationale  (5308 DH) ; 42% constituent la catégorie intermédiaire avec un revenu situé entre la médiane et la moyenne nationales et 30% constituent la catégorie inférieure avec un revenu inférieur à la médiane nationale (3500 DH).
En termes de structure socioprofessionnelle, 29,4% d’employés, de conducteurs d’installation, d’artisans et d’ouvriers qualifiés des métiers de l’artisanat dont 42% dans la catégorie intermédiaire et 28% dans la catégorie supérieure ; 26% de rentiers, retraités et inactifs dont 27% dans la catégorie inférieure et 32% dans la catégorie supérieure; 16,2% d’exploitants agricoles dont 35% sont dans la catégorie inférieure et 21% dans la catégorie supérieure ; 16,1% d’ouvriers dont 38% dans la catégorie inférieure et 18% dans la catégorie supérieure ; 11,5% de cadres moyens, commerçants et intermédiaires financiers dont 23% appartiennent à la catégorie inférieure, le reste étant également partagé entre les deux autres catégories  et enfin 0,8% de cadres supérieurs et professions libérales dont les trois quarts appartiennent à la catégorie supérieure des classes moyennes.
De surcroît, les classes moyennes représentent 52% de la population active occupée et 58% de l’emploi salarié qualifié. C’est aussi 44% de l’emploi dans le secteur primaire, 61% dans le secondaire et 59% dans le  tertiaire.
Elles connaissent un taux de chômage de 14,6%, contre 10,9% pour les ménages modestes et 10,4% pour les ménages aisés ;  22% en milieu urbain (contre 24% et 12,6% respectivement) et 5% en milieu rural   (contre 5,8% et 2,8% respectivement).


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