Bénin : la bonne gouvernance en danger


Par Alan Akakpo Responsable d’IMANI Francophone – Bénin Article publié en collaboration avec le think tank ghanéen Imani
Lundi 17 Août 2015

En mai 2015, le gouvernement des Pays-Bas a suspendu sa coopération bilatérale avec le Bénin suite à un acte de prévarication impliquant le ministère de l’Energie, des Recherches pétrolières et minières, de l’Eau et du Développement des énergies renouvelables dont Barthélémy Kassa avait la charge. Dans cette affaire de mauvaise gouvernance où 2,6 milliards FCFA ont été détournés  et des responsables à divers niveaux ont trempé, cinq pratiques de mauvaise gouvernance économique et politique ont été relevées.

L’Assemblée nationale 
manque de proactivité
L’Assemblée nationale du Bénin a pour missions essentielles de voter les lois et de contrôler l’action du gouvernement. Malheureusement, celle du Bénin est clairement réactive. Les multiples demandes d’explication des parlementaires sont apparues «après la mort» c’est-à-dire après la suspension de la coopération hollandaise. En effet, conformément aux dispositions des articles 111, et 113 de la Constitution, les parlementaires béninois ont le plein pouvoir d’interpeller les membres du gouvernement lorsque des rumeurs de mauvaise gestion leur parviennent. Dans cette affaire, l’Assemblée nationale a brillé par son silence avant de réagir suite aux injonctions du partenaire hollandais. Pourtant, pour l’exercice 2015 par exemple, 360 millions FCFA sont dédiés aux enquêtes et contrôles parlementaires pour permettre au Parlement d’être performant. Il y a eu une pléthore de scandales sous le Président Yayi Boni à tel point où l’on peut s’interroger sur le nombre de députés qui connaissent réellement leur travail.

Irrespect de l’autonomie 
des institutions
Après la publication du rapport d’audit par le cabinet en charge, la responsabilité de conduire les procédures incombent désormais aux pouvoirs judiciaire et législatif. Pourtant, entre provocation de l’Assemblée nationale par recours de communiqués publics, et des recours à la presse, le Président Yayi Boni n’a pas manqué de s’immiscer dans la gestion de cette affaire. Il semble un peu tard pour entretenir une image publique qui a malheureusement été ternie par bon nombre de scandales économiques et de corruption en neuf ans de gestion du pays.

Gaspillages de fonds
Le cabinet d’audit international Kroll a été recruté sur accord du Bénin et des Pays-Bas pour effectuer l’audit. L’ardoise des travaux du cabinet d’audit s’élèverait à plus de 700 millions FCFA. Pour un pays en voie de développement, c’est de la mauvaise gestion financière et du gaspillage indécent dans la mesure où des institutions autonomes telles que la Cour suprême et la Brigade économique et financière existent pour effectuer les mêmes tâches. Plus d’un demi-milliard de FCFA (c’est-à-dire 27% de la somme initialement détournée) aurait donc pu être économisé.

Mensonges publics
L’ancien ministre de l’Economie et des Finances du Bénin, Komi Koutché est monté au créneau à l’époque pour signifier à l’opinion publique que le gouvernement n’était pas au courant du rapport d’audit qui incriminait le gouvernement béninois. Ceci a suscité la réaction de l’ambassade des Pays-Bas qui a sorti un second communiqué qui discrédita définitivement le gouvernement béninois et son ministre dans ce dossier. Sous d’autres cieux, ce mensonge public aurait été suffisamment grave pour impliquer le limogeage du ministre Komi Koutché. Il apparaît évident que les standards du Bénin sont bas en la matière vu que ce ministre fut récompensé par un poste de ministre d’Etat chargé de l’Economie, des Finances et des Programmes de dénationalisation.

Des dispositions 
institutionnelles inadaptées
L’immunité parlementaire est un principe formidable. Il permet de protéger les membres de l’Assemblée nationale dans la mission dont le peuple les a investis. Cependant, plusieurs autorités politiques ont pu jouer à un véritable jeu de cache-cache avec le deuxième pouvoir constitutionnel du pays. La Constitution du Bénin permet aux ministres de participer aux élections législatives et se repositionner dans les arènes du pouvoir exécutif, démissionner du gouvernement après des affaires de prévarication pour se réfugier au Parlement. Ces jeux politiques ne sont pas fondamentalement mauvais dans un Etat de droit et la pratique est possible dans d’autres pays. Cependant, pour un pays dont les mécanismes de contrôle de l’action publique sont en berne et où l’impunité règne, il faudra songer à des ajustements constitutionnels pour induire une meilleure discipline politique et civique. Autrement, des ministres continueront de s’appeler « Honorable » (titre donné aux parlementaires) après leur démission pour cause de mauvaise gestion.

Les solutions
De façon progressive, le Bénin devra mettre l’accent sur une coopération économique gagnant-gagnant avec les partenaires bilatéraux pour réduire les effets pervers de la corruption inhérente au système de l’aide publique. Il faudra également que l’Assemblée nationale béninoise soit plus dynamique et proactive dans sa tâche de contrôle de l’action gouvernementale et de la prévention des actes de mauvaise gouvernance. La société civile doit également jouer son rôle de veille et s’organiser pour amener les élus parlementaires à rendre compte au peuple.
 


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