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Appel solennel à la préservation des fondements démocratiques de la nation
Dès le début de son intervention, Abderrahim Chahid n'a pas caché son mécontentement. Il a déploré la persistance des pressions gouvernementales sur l'opposition politique et parlementaire, dénonçant ainsi une violation flagrante des principes constitutionnels qui garantissent la pluralité politique et l'équilibre institutionnel. Il a, dans ce sens, mis en lumière l'affaiblissement des institutions démocratiques via une marginalisation délibérée de l'opposition, avant d’exprimer un profond regret quant à ce qu'il considère comme une restriction systématique et persistante de la part du gouvernement. «Ce qui est affligeant, c'est d'entendre des voix gouvernementales irresponsables, ici et là, qualifier l'opposition de faible pour masquer les dysfonctionnements de la gestion gouvernementale dans une tentative de fuite en avant» a-t-il souligné. «Affaiblir l'opposition politique revient en réalité à affaiblir les institutions et le travail parlementaire, et cela porte gravement atteinte aux droits de l'opposition garantis par la Constitution», a-t-il insisté dans son appel solennel à la préservation des fondements démocratiques de la nation. «L'opposition politique, loin d'être faible, est un pilier essentiel du débat démocratique et ne doit en aucun cas être marginalisée ou étouffée», a-t-il martelé.
Campagne électorale prématurée, soutenue par les finances publiques
Le président du Groupe socialiste-Opposition ittihadie a également dénoncé l'absence fréquente des ministres lors des sessions parlementaires, espace crucial pour le débat politique transparent et rationnel, pointant du doigt, non seulement, le manquement grave à leurs obligations constitutionnelles, mais également les méthodes singulières adoptées par le gouvernement pour contourner le débat institutionnel et ériger des barrières à un échange libre et constructif. «Vous inventez un style insolite en déplaçant le dialogue vers des « cercles » dans les régions et provinces, en dehors des institutions, ce que nous considérons comme une campagne électorale prématurée, soutenue par les finances publiques que vous ne devriez en aucun cas exploiter», a-t-il souligné.
Ce déplacement du débat se fait, selon lui, au détriment des procédures constitutionnelles et légales. «Des visites dans les villes de diverses régions avec des voitures de l'Etat, du carburant de l'État, tout en couvrant les frais de séjour et de nourriture des délégations ministérielles et en mobilisant les infrastructures administratives et territoriales», a-t-il dénoncé. «Comme par miracle, les ministres sont désormais prêts à endurer les difficultés des voyages, parcourant des centaines de kilomètres pour communiquer avec l'opinion publique, eux qui sont incapables de se déplacer de quelques mètres de leurs bureaux luxueux au Parlement pour accomplir leurs tâches constitutionnelles», s’est-il récrié. Et de se demander : «Qu’est-ce qui nous attend encore dans les jours à venir ? Allez-vous rassembler les gens dans les stades et les places publiques à l'instar du système des comités populaires ?».
Le député ittihadi n’a pas manqué d’insister sur le fait que la présence des ministres au Parlement n’est pas une option mais un devoir constitutionnel incontournable, nécessaire pour répondre aux attentes des citoyens marocains. «Votre présence et celle de vos ministres au Parlement constituent un devoir constitutionnel qui ne tolère ni négligence ni interprétation. Quant à votre obligation à répondre aux questions orales et écrites posées par les représentants de la nation démocratiquement élus, sachez qu’elle résonne jusqu'au point le plus reculé de notre pays car elle est censée apporter des éléments de réponse aux attentes des Marocains où qu'ils soient», a-t-il déclaré en s’adressant au chef du gouvernement, avant d’ajouter: «Vous avez abandonné l'obligatoire pour vous occuper du facultatif».
Paralyser les institutions et tuer la politique
La critique constructive émise par le Groupe socialiste à l’encontre de l’Exécutif ne s’arrête pas là. Abderrahim Chahid a également fustigé l’utilisation par le gouvernement des médias publics, devenus, selon lui, une extension de l'appareil gouvernemental, en violation des principes d'intégrité et de neutralité qui devraient régir les services publics. «Vous mobilisez les membres de votre gouvernement pour mener une campagne de communication en dehors des institutions, avec un budget important dont nous ne connaissons pas le cadre juridique, et en utilisant pleinement les médias publics qui sont devenus une annexe du gouvernement», a-t-il affirmé, tout en rappelant que «cela va à l'encontre des principes du service public, de l'intégrité et du professionnalisme qui exigent de maintenir la même distance avec toutes les composantes politiques, que ce soit dans la majorité ou dans l'opposition».
Abderrahim Chahid a tenu à mettre en garde contre les conséquences désastreuses de telles pratiques sur la démocratie marocaine, rappelant les efforts considérables déployés depuis l'indépendance pour bâtir un système démocratique solide et respectueux du pluralisme. «Avec ces positions et ces comportements, vous paralysez les institutions et tuez la politique dans notre pays», a-t-il estimé. Et d’interroger le chef du gouvernement : «De quelle démocratie parlerez-vous face à cet hégémonisme sans précédent ?». «Le Maroc a travaillé pendant soixante-dix ans d'indépendance à bâtir et à développer ses institutions démocratiques dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle, d'une démocratie parlementaire et sociale. Aujourd'hui, par vos pratiques, vous portez atteinte au pluralisme politique pour lequel toutes les forces vives de notre pays ont lutté avec acharnement», a-t-il précisé.
Transparence et reddition des comptes dans la gestion des affaires publiques
Lors de son intervention durant cette séance consacrée aux questions mensuelles sous le thème «Stimuler l'investissement et la dynamique de l'emploi», Abderrahim Chahid a soulevé, à juste titre, une préoccupation majeure. Celle d’une absence, qui s'apparente à un désengagement des affaires parlementaires, et contraste avec l'importance stratégique que revêt le secteur de l'investissement dans l'agenda gouvernemental.
«Nous souhaitons souligner l'absence du ministre en charge de l'investissement. Cela n'a rien de personnel; l'investissement est un sujet stratégique que Sa Majesté le Roi a mis en avant dans son discours au Parlement, et qui occupe une place importante dans le programme gouvernemental», a-t-il déclaré. Et de poursuivre : «Nous nous sommes, en plus, engagés en tant qu'opposition constructive à faciliter les différentes étapes de la procédure législative».
«Le ministre ne doit pas traiter la question de l'investissement dans notre pays comme une affaire exclusivement technique ou du ressort du gouvernement uniquement. Il aurait dû saisir toutes ces opportunités pour impliquer le Parlement et se soumettre à son contrôle, tout en complétant les autres mesures législatives ou réglementaires prévues par la loi-cadre, et en veillant à informer les représentants de la nation au sein de la commission permanente des développements de ce projet important», a-t-il fait savoir, insistant sur l'importance de la transparence et de la reddition des comptes dans la gestion des affaires publiques.
Ecart significatif entre objectifs fixés et résultats obtenus
Sur le plan économique, les critiques d’Abderrahim Chahid sont tout aussi justifiées. En mettant en lumière les lacunes dans la mise en œuvre des politiques d'investissement et d'emploi, il pointe du doigt l'incapacité du gouvernement à stimuler la croissance économique de manière durable et inclusive. Les chiffres qu’il a présentés ne laissent place à aucun doute : malgré les promesses et les engagements, l'écart entre les objectifs fixés et les résultats obtenus demeure significatif.
«Après plus de deux ans et demi de gestion des affaires publiques, votre gouvernement cherche toujours les modalités d'exécution des Directives Royales concernant la mobilisation de 550 milliards de dirhams d'investissements, destinés à créer 500 000 emplois pour la période allant de 2022 à 2026», a-t-il lancé au chef du gouvernement.
«A ce jour, vous n'avez pas été en mesure de présenter une feuille de route à même de mobiliser les secteurs bancaire et privé, censés représenter les deux tiers des investissements d'ici 2035. Nous ne percevons pas non plus dans votre politique les moyens de parvenir à l'équilibre que vous avez promis entre l'investissement public à 50% et l'investissement privé à 50% d'ici 2026», a-t-il indiqué. «Si l'investissement est le moteur de la croissance, nous constatons une situation unique parmi les pays à «revenu intermédiaire – tranche inférieure» ou des économies similaires, où l'effort d'investissement du Maroc représente 32,2% du PIB, contre une moyenne mondiale de 25,6%. En principe, cette proportion devrait suffir à réaliser des «miracles économiques» selon les termes de Bank Al-Maghrib», a ajouté l’élu ittihadi.
«En termes de chiffres, l'effort d'investissement en 2022 a été estimé à 245 milliards de dirhams, mais nous n'avons atteint qu'un taux de croissance de 1,3%. En 2023, cet effort a atteint 300 milliards de dirhams, avec une croissance de seulement 3,2%. Ces données démontrent, monsieur le chef du gouvernement, que vous êtes incapable d'augmenter la rentabilité de l'investissement, d'améliorer le coefficient marginal de capital et de réaliser le décollage économique souhaité pour notre pays, contrairement à toutes vos promesses», a-t-il expliqué.
«D'autre part, bien que le gouvernement ait adopté une nouvelle feuille de route stratégique pour améliorer le climat des affaires pour la période 2023-2026, il n'a pas réussi à entamer sa mise en œuvre correctement. Les données montrent à cet égard que les flux d'investissements directs étrangers vers le Maroc ont chuté de manière significative en 2023, avec une baisse de 53,3% par rapport à 2022. Les flux nets d'investissements étrangers ont également diminué de 11 milliards de dirhams, se stabilisant à 10,1 milliards de dirhams contre 21 milliards de dirhams enregistrés en 2022, comme l'a indiqué le dernier rapport mensuel de l'Office des changes sur les échanges extérieurs», a tenu à détailler le président du Groupe socialiste, avant de citer les résultats concluants d’autres pays dans le domaine : «Bien que notre économie nationale dispose d'un potentiel immense dans divers secteurs tels que la pêche maritime, l'agriculture et les énergies renouvelables, notre pays reçoit une part infime des flux d'investissements directs étrangers comparé à des pays similaires. En 2023, l'Égypte a attiré plus de 11 milliards de dollars d’investissements, l'Afrique du Sud 9 milliards de dollars, l'Éthiopie 3,7 milliards de dollars et le Sénégal 2,6 milliards de dollars, tandis que le Maroc n'a attiré que 1,1 milliard de dollars». «Ce sont des chiffres éloquents qui se passent de tout commentaire», a renchéri le responsable usfpéiste.
Un gouvernement créateur de chômage
La dynamique de l'emploi, un autre volet crucial de la politique économique du gouvernement, n'a pas été épargnée par les critiques de l'opposition. Abderrahim Chahid a souligné que malgré les promesses de création de centaines de milliers d'emplois, les résultats concrets tardent à se manifester.
Si l'investissement est supposé être le moteur de la croissance et de la création d'emplois, les chiffres actuels montrent une réalité bien différente et les mesures annoncées ne se traduisent pas par la création d'emplois. «Il est incompréhensible, que sous votre mandat, la trajectoire ascendante de l'investissement soit accompagnée d'une trajectoire ascendante du chômage, ainsi que d'une autre similaire pour la perte d'emplois dans l'économie nationale. Le chômage est passé de 11,8 % en 2022 à 13% en 2023, tandis qu’il a atteint 13,7% au premier trimestre de 2024, enregistrant ainsi une augmentation atteignant 35,9% chez les jeunes âgés entre 15 et 24 ans», a-t-il détaillé. «Le taux de chômage des personnes diplômées a également connu une augmentation significative, atteignant 20,3%. Le nombre de travailleurs sous-employés est, pour sa part, passé à 1 069.000 personnes, selon les données du Haut-Commissariat au plan», a-t-il ajouté.
«Sous votre gouvernement, le nombre de demandeurs d'emploi continue d'augmenter année après année. Les chiffres réels reflètent le véritable écho de votre politique économique qui fait de votre gouvernement le moins productif en termes d'opportunités d'emploi nettes, voire le plus créateur de chômage ces dernières années», a précisé le député ittihadi, tout en formulant une série de questions pertinentes au chef du gouvernement : «Comment, alors, comptez-vous lutter contre la pauvreté et la fragilité et traiter équitablement la classe moyenne, comme l'a annoncé la majorité gouvernementale dans ses programmes électoraux?», lui a-t-il demandé.
«Comment comptez-vous stopper l'élargissement des écarts sociaux face à l'expansion du chômage au sein des catégories sociales les plus importantes, notamment chez les femmes avec un taux de 18,3%? Quelles mesures avez-vous pris pour freiner l'effondrement des entreprises qui ont souffert de la pression fiscale? Et quelles décisions avez-vous adopté pour que les institutions publiques honorent leurs obligations envers les entreprises qui ont effectué des travaux conformément aux conditions spécifiées ?
«Encore une fois, nous vous rappelons en tant qu'opposition constructive, alors que nous nous apprêtons à élaborer le budget de l'année prochaine, de rattraper le temps perdu par le gouvernement et d'entamer de véritables mesures de réforme fiscale», a rappelé Abderrahim Chahid.
Disparités régionales, l’autre défi majeur
Les chiffres récemment publiés mettent en lumière un écart économique significatif entre les trois régions situées dans l'axe «Tanger–El Jadida» et le reste du pays. «Les données statistiques montrent que ces régions contribuent à elles seules à plus de 58% du PIB, contre 42% pour les autres régions. La principale raison de la persistance de cet écart réside essentiellement dans le maintien du contrôle centralisé, en particulier dans la répartition des investissements», explique Abderrahim Chahid. «En effet, les trois régions (Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Marrakech-Safi) concentrent 61% des investissements nationaux, tandis que les neuf autres régions se contentent de 39 %», précise-t-il.
Le député socialiste rappelle, à cet égard, que «l'effort d'investissement du gouvernement renforce les disparités régionales, car l'investissement au niveau des collectivités territoriales n'a pas dépassé 20 milliards de dirhams en 2024 et 19 milliards de dirhams en 2023».
«Comparés au budget d'investissement alloué aux comptes spéciaux du Trésor, aux institutions et aux entreprises publiques, ces indicateurs reflètent le faible niveau d'efficacité de l'investissement et ses résultats insuffisants pour réduire les écarts régionaux et les disparités territoriales», a-t-il indiqué. «Par conséquent, il est nécessaire d'accélérer la mise en œuvre effective du pacte de la décentralisation administrative et de renforcer l'orientation régionale. La solution n'est pas de revenir à la centralisation des décisions d'investissement, mais plutôt dans le transfert de ces compétences aux régions elles-mêmes, car la décentralisation avancée est un choix stratégique pour l'Etat marocain bien loin de toute considération partisane», a conclu le président du Groupe socialiste-Opposition ittihadie.
Mehdi Ouassat