Ali El Harti, président de la FENELEC


A quelques exceptions près, le produit marocain souffre d’ un important déficit d’image

Libé
Mercredi 9 Décembre 2020

L’industrie électrique et électronique fait partie intégrante du programme de renforcement du tissu industriel national.Aux côtés d’autres secteurs clés, la banque de projets que vient de lancer le ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Economie verte et numérique, accorde une place de choix à cette industrie. Pour le président de la Fédération nationale de l’électricité, de l’électronique et des énergies renouvelables (FENELEC),Ali El Harti, il s’agit d’une réelle opportunité que les entreprises et les acteurs du secteur sont invités à saisir. Dans une interview à la MAP, il jette aussi la lumière sur l’importance de s’inscrire dans cette initiative lancée par le ministère de tutelle et explique comment cette nouvelle orientation pourra aider le secteur à surmonter les contraintes auxquelles il est confronté.

Comment se porte le secteur électrique et électronique et comment il a été impacté par la crise liée à la pandémie?
Avant de répondre à votre question, je souhaite partager avec vous quelques constats. L’avenir de l’énergie est certainement électrique, en témoignent l’accélération du développement de la voiture électrique et d’une manière générale la mobilité électrique au cours des 5 dernières années. Le coût de l’énergie est un facteur de compétitivité majeur pour un industriel. Les enjeux environnementaux incitent les Etats à favoriser une réglementation encourageant des sources d’énergie vertes et aussi à pénaliser les sources d’énergie polluantes. Le renouvelable est, à ce titre, une chance pour notre planète mais aussi pour notre économie. Les produits décarbonés représentent certainement une grande opportunité pour notre secteur aussi. D’une manière encore plus générale, tout ce que nous pouvons dire sur l’avenir du secteur électrique ne pourra être que réducteur en vue de ses potentialités. Le secteur de l’électricité permettra certainement de créer le plus de valeur ajoutée dans le futur et nous sommes ravis de participer modestement à cela. La FENELEC inclut trois métiers : électricité, électronique et énergie renouvelable et est composée de 5 associations : installateurs, fabricants, distributeurs, énergie renouvelable et électronique. Comme tous les secteurs, le nôtre a été lourdement impacté par la pandémie de Covid-19. Toutefois, l’impact est différent d’un segment de marché à un autre. Certains secteurs ont connu une régression forte allant jusqu’à 50%. Ces secteurs ont été lourdement touchés par la baisse de la demande. D’autres secteurs ont montré une forme de résilience étonnante. A titre d’exemple, le segment du résidentiel a connu une croissance très forte à la suite du dé-confinement du mois de juin et a connu l’effet de calendrier. En effet, le chiffre d’affaires perdu pendant le deuxième trimestre a été reporté sur le troisième trimestre. Toutefois, le secteur dans sa globalité a connu une baisse significative de son chiffre d’affaires.

Selon vous, quelles sont les opportunités/menaces à l’export pour ce secteur, notamment dans ce nouveau contexte de crise?
Le Maroc a fait le choix de l’exportation comme un des axes de croissance. Notre secteur contribue fortement à cela. Pour nos entreprises, le mot clé est “compétitivité”. Avant de s’attaquer à l’export, nous devons être forts dans notre marché. Et pour cela, les entreprises marocaines doivent profiter de la commande publique et la taille du marché marocain afin d’atteindre une taille critique leur permettant de se positionner favorablement à l’export. En ce qui concerne les menaces, nous pouvons identifier une menace majeure, à savoir la taille accessible du marché qui ne favorise pas le développement d’une offre locale. En effet, nous sommes souvent confrontés au cas où la taille du marché est importante, mais en même temps inaccessible pour plusieurs raisons : contraintes réglementaires (autorisation, agrément, référence) ou concurrence déloyale de la part d’offres étrangères subventionnées par les Etats exportateurs.

Le secteur électrique et électronique est l’un des secteurs mis en avant par la banque de projets lancée par le ministère de l’Industrie. Quelles occasions à saisir par les opérateurs du secteur ?
Quels défis? Nous avons là une réelle opportunité que nos entreprises doivent saisir. Le marché national a atteint une certaine taille lui permettant de faire émerger davantage de produits électriques marocains. Il n’est certes pas judicieux de se lancer tous azimuts à vouloir tout fabriquer localement. Le tout dépendra de la taille critique permettant à l’entreprise d’être compétitive. La compétitivité dépend principalement du coût des intrants dans un produit, et c’est bien la raison pour laquelle le Maroc n’a pas la possibilité de tout produire localement. En lançant cette initiative de banque de projets, le ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie verte et numérique émet un signal très fort : “Le Maroc fait confiance à son industrie”. Nos fabricants et industriels électriques doivent saisir cette occasion, car le ministère les accompagnera pendant toutes les phases de lancement de leurs projets et leur assurera aussi un accompagnement chez les donneurs d’ordres pour faire agréer leurs produits. J’invite les acteurs de notre secteur à saisir cette opportunité.

Quel avenir y a-t-il pour les investissements locaux et le “Made in Morocco” dans le secteur électrique et électronique?
Quels sont les freins au développement d’une production locale? Le ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie verte et numérique a lancé une banque de projets afin de substituer une partie des importations par une production locale. Cette même production ira à la conquête des marchés africains et européens dans un deuxième temps. Nous avons devant nous une opportunité à ne pas rater. Subsistent toutefois plusieurs freins. Le premier réside dans l’image de marque du “Made in Morocco”. Le produit marocain, à quelques exceptions près, souffre d’un déficit d’image important. Cela prendra quelques années afin de rétablir une image plus favorable à notre industrie. Le deuxième facteur est lié aux coûts d’homologation des produits qui sont très élevés. Le troisième frein, et c’est certainement le plus difficile, est lié aux barrières à l’entrée exigées par les donneurs d’ordres marocains qui imposent des références que l’industriel marocain est dans l’incapacité de produire au début. Cela réduit considérablement la taille du marché accessible et compromet automatiquement le lancement d’une offre marocaine. D’où l’importance de s’inscrire dans cette initiative lancée par le ministère et qui permettra, entre autres, d’amener des propositions pour surmonter cette difficulté.


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