Adam Schiff, discret élu démocrate devenu visage des efforts pour destituer Trump


Jeudi 3 Octobre 2019

De nombreux Américains se sont dits profondément inquiets que
des puissances étrangères aient
pu entretenir ou disposer de leviers de pression
financiers ou d'une influence sur
le président Trump
et ses associés


Adam Schiff, l'élu démocrate qui supervise l'enquête visant à destituer Donald Trump, avait lancé sa carrière de procureur il y a trente ans en poursuivant le premier agent du FBI incarcéré pour espionnage à la solde de Moscou.
L'Américain avait été séduit par une femme russe. Une liaison qui avait offert aux Soviétiques les moyens de le faire chanter et de lui soutirer des informations sensibles sur les Etats-Unis.
Aujourd'hui M. Schiff, 59 ans, veut savoir si l'Ukraine, ou d'autres forces étrangères, ont pu obtenir leur propre levier de pression sur le président américain.
Par exemple parce qu'elles savaient que Donald Trump avait discrètement sollicité l'aide de Kiev pour trouver des éléments embarrassants contre son possible grand rival démocrate à la présidentielle de 2020: Joe Biden... puis tenté de dissimuler ces efforts.
Ce diplômé d'Harvard a forgé sa vision des menaces potentielles contre la sécurité américaine lors de ses débuts en tant que procureur fédéral, à la fin des années 1980.
Une perspective qui le guide aujourd'hui encore dans ses fonctions de président de la puissante commission du Renseignement de la Chambre des représentants et, depuis la semaine dernière, de responsable de l'enquête en vue de présenter, au Congrès, un dossier de mise en accusation ("impeachment") de Donald Trump dans l'affaire ukrainienne.
Ne levant jamais la voix, donnant rarement dans l'hyperbole, peu auraient cité cet homme au visage pâle et lisse comme candidat évident pour incarner le "chien d'attaque" des démocrates du Congrès contre le batailleur président républicain.
Ce qui a donné un écho particulièrement fort aux mots choisis par Adam Schiff pour réagir à la transcription des échanges entre Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, lorsque le milliardaire lui a demandé qu'il lui fasse une "faveur".
C'est "encore plus accablant que ce que j'avais, ou ce que beaucoup d'autres avaient, imaginé", a lancé l'élu californien, originaire d'une circonscription près de Los Angeles où sont installés de nombreux studios de cinéma.
"C'est comme cela qu'un chef mafieux parle: +qu'avez-vous fait pour nous? Nous en avons tellement fait pour vous mais cela n'est pas très réciproque. J'ai un service à vous demander+", a-t-il paraphrasé.
Furieux, Donald Trump multiplie les pointes acérées contre l'élu, l'affublant de surnoms moqueurs et l'accusant même d'avoir fait, en le paraphrasant, une "fausse" déclaration illégale.
"Doit-il être arrêté pour trahison?", a même lancé le républicain lundi matin.
Aussi réservé qu'il apparaisse, Adam Schiff a déjà fait ses preuves d'enquêteur déterminé.
La présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, l'a décrit comme "logique (...) mesuré mais percutant".
"Je compte mener une enquête minutieuse", a-t-il promis dimanche sur ABC.
Ce cycliste passionné, qui avait à 50 ans accompli un triathlon de distance olympique, aime à rappeler qu'il a fait ses premières armes dans son enquête de jeune procureur contre l'agent du FBI.
"J'en ai beaucoup appris sur les techniques russes: la façon d'opérer des Russes, qui ils ciblent, les vulnérabilités qu'ils recherchent", avait-il raconté plus tôt cette année à Zach Dorfman, du centre de réflexion Aspen Institute Cyber and Technology program.
Au-delà de l'ingérence russe dans les élections de 2016, qui a assombri les deux premières années du mandat Trump, secoué par la vaste enquête du procureur Mueller, Adam Schiff se concentre sur ce qu'il perçoit comme le coeur de la menace: un gouvernement étranger dispose-t-il d'un moyen de faire chanter un haut responsable américain?
"De nombreux Américains se sont dits profondément inquiets que des puissances étrangères, surtout la Russie, aient pu entretenir ou disposer de leviers de pression financiers ou d'une influence sur le président Trump et ses associés", avait-il écrit dans une tribune publiée par le Washington Post en avril.
"Il revient au Congrès de s'assurer que le président et ses associés travaillent pour les Américains et non pour de mystérieux intérêts personnels ou étrangers".


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