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“L’infanticide est un degré extrême
du déséquilibre de la personnalité”
Après l’affaire Lhermitte,
des questions
se posent sur
l’amour maternel. Quels sont
les facteurs qui
peuvent pousser
une mère à tuer
ses enfants ? Aboubakr Harakat, psychologue nous explique ce geste.
Libé : Pour commencer, est-ce qu’un psychologue peut rompre le secret médical ?
Aboubakr Harakat : Je répondrai tout de suite oui, si le patient présente un danger pour lui-même ou pour autrui. Il est vrai que le psy n’est pas dans la même situation que l’avocat qui compte comme un auxiliaire de la justice. Toutefois, s’il y a menace, il est du devoir du psy d’alerter les services concernés ou les parents en charge du patient. Il m’est arrivé moi-même de demander au père qu’un psychopathe que je suivais d’intervenir quand mon patient s’est révélé un danger pour la sécurité de son entourage. Le long des séances, il a commencé à me révéler des choses graves qu’il s’attribuait comme des exploits. Il faillait donc mettre terme à ces consultations, jugeant que le malade était gravement atteint et qu’il devait être placé dans un hôpital sinon à la prison afin de limiter les dégâts et de freiner ses élans jugés préjudiciables.
L’infanticide de Nivelle défraie la chronique ces derniers jours. Comment expliquer cet acte ?
Je ne parlerai pas de l’affaire Lhermitte en particulier. Mais en général, l’infanticide comme le parricide, est un degré extrême du déséquilibre de la personnalité, qu’elle soit schizophrénique ou pas, à un instant donné. La personne peut paraître normale et sereine au moment même où elle prépare son acte fatal. L’infanticide est dûment prémédité et préparé.
Il s’agit donc d’un trouble permanant ou épisodique basculant la personnalité dans un déséquilibre profond qui lui fait voir son acte comme une libération ou un sacrifice.
L’acte de se débarrasser d’un enfant, une responsabilité dure à gérer, dans le cas des mère-célibataires, qui ne pouvant ni avorter ni garder le bébé dans une société soumise aux tabous et aux interdits, relève de la pathologie. L’arrivée de l’enfant constitue dès lors un tel bouleversement affectif et physique qu’il met à rude épreuve leurs capacités à s’occuper de l’enfant et elles sont alors dépassées n’ayant pour seule solution que de s’en dégager.
Je citerais à titre d’exemple, cette jeune femme de 26 ans, demeurant dans la région de Taounate, qui pour se débarrasser du fruit de ses relations extraconjugales, a étranglé son nouveau-né de trois jours à l’aide d’une corde et l’a ensuite enterré dans une fosse qu’elle avait creusée. Et les références ne manquent pas ! Mais ce geste même qui peut être interprété comme une tentative de se libérer du bébé sans reconnaissance paternelle, est acte morbide.
Que dire alors d’une mère qui avait cinq enfants, un mari, une reconnaissance sociale ? Quelles sont les raisons qui peuvent pousser une mère à l’infanticide ?
Les infanticides sont le fruit de mères ou de pères aux personnalités psychologiques atypiques. Il est vrai que l’on a du mal à imaginer une mère mettre terme à la vie de ses cinq enfants après les avoir conçu lors d’un mariage par amour et élevé dans une famille qui, a priori, ne manque pas de moyens. Ce qui donne à cet acte une dimension perverse.
Geneviève prétendait vivre dans un climat d’isolement et de frustration conjugale. Peut-on dire que les problèmes de couples peuvent pousser au meurtre ?
Si c’est le cas, l’espèce humaine aurait disparu ! Les couples rencontrent des problèmes au quotidien. Que ce soit par leur divergence d’idée, d’humeur ou par leur différence dans la conception de l’éducation des enfants… Mais ce ne sont pas ces brouilles qui poussent au meurtre. Pour moi, des couples qui ont un problème ont de nombreuses solutions pour mettre fin à la souffrance de l’un ou de l’autre. Je ne prône pas le mais dans des cas, la séparation est salvatrice. Rester dans un couple où l’on souffre relève du masochisme. Par ailleurs, il y a des femmes qui supportent des drames et qui sont fortes pour ne pas commettre l’inéluctable.
Il y a d’autres qui sont fragiles et qui peuvent traverser un épisode dépressif grave, qu’elles ne veulent pas l’enfant, que le mari devient un ennemi, qu’elles agissent par vengeance, par peur de l’avenir ou des réactions de l’entourage pour des raisons morales ou religieuses…
Il arrive aussi à des pères de devenir meurtriers de leurs enfants.
Absolument. On se rappelle tous un suicide et un double infanticide perpétré par un homme à Rabat. Avant de se donner lui-même la mort, en se tranchant la gorge, le père a monté un scénario étalé sur 3 jours, puis il a choisi et acheté un couteau, et attendu d’être seul avec ses enfants pour les égorger jusqu’à la décollation, leur tête ne tenant plus au corps que par des lambeaux de chair. Pour conclure, les troubles de personnalité ou psychotiques ne sont pas toujours faciles à déceler pour l’entourage du malade.
o Différents types d’infanticides
Le filicide qui vient du latin filius (fils), est le meurtre par un père ou une mère de son propre enfant. Il peut également désigner le meurtrier. Dans certaines cultures, il arrive souvent à un parent d’assassiner sa fille lorsque l’on considère qu’elle a déshonoré sa famille.
Le néonaticide désigne l’homicide d’un enfant né depuis moins de 24 heures. Ce crime est commis presque exclusivement par la mère de l’enfant.