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«En fait, le PJD fait du PJD : il n’y a pas tromperie sur la marchandise. Ce sont les ministres islamistes du PJD qui ont très vite donné le «la». Ce sont eux qui mènent la danse aujourd’hui. Et la marque de fabrique made in PJD est très vite apparue, laissant loin derrière, voire sur le bord du quai les autres partis membres de la coalition gouvernementale», explique un politologue de la place.
Nommé le 3 janvier 2012 et investi 23 jours plus tard après le vote de confiance du Parlement, l’Exécutif ou plus exactement une partie de l’Exécutif s’est très vite employé à marquer sa différence. Cela a commencé par des déclarations à l’emporte-pièce mais annonciatrices de la suite du programme.
De l’art propre en passant par l’opprobre jeté sur le Festival Mawazine, les ministres appartenant à la famille politique d’Abdelilah Benkirane ont alimenté la polémique, mettant jour après jour le chef du gouvernement dans l’embarras, l’obligeant à chaque fois à corriger les déclarations impétueuses de ses islamistes de ministres.
Après l’épisode de la publication de la liste (brut de décoffrage) des bénéficiaires d’agréments de transport de voyageurs par le ministre PJD de l’Equipement et des Transports –un épisode qui a révélé au grand jour les dissonances au sein de la coalition gouvernementale puisque l’on apprendra très vite que la décision de publication de cette liste n’a pas été prise en Conseil de gouvernement pour la simple raison que le Parti de la lampe voulait en tirer à lui seul tout le bénéfice- c’est au Parlement que sera prise toute la mesure du gouvernement conservateur conduit par Benkirane.
«Mes réformes sinon je démissionne!»
«Les ministres estampillés PJD sont toujours en campagne électorale. En fait, on a le sentiment qu’ils agissent dans le cadre de la consommation électorale et non pas en tant que commis de l’Etat. Il ne faut pas oublier que des élections communales sont prévues dans quelques mois. Eux, en tout cas, s’y préparent et ne veulent pas perdre leur électorat à qui ils sont en train de signifier dans un populisme gras qu’ils ont gardé leur âme intacte même s’ils sont au pouvoir. Et au Parlement, à l’occasion du débat en commission sur le projet de loi de Finances, cette ambivalence, ce double discours du parti majoritaire sont patents», soupire ce député de l’Union socialiste des forces populaires tout en n’arrivant toujours pas à admettre que deux ministres du PJD, Mostafa Ramid et Mostafa
El Khalfi, aient, en pleine réunion de commission parlementaire, menacé de démissionner s’ils n’arrivaient pas à réformer les secteurs dont ils ont la charge. «On ne gouverne pas en faisant du chantage ou des pressions. Les hommes d’Etat s’y prennent autrement pour réussir leurs réformes!», s’exclame cet ancien ministre du premier gouvernement d’alternance d’Abderrahmane El Youssoufi.
Et c’est précisément ces deux ministres, Ramid et El Khalfi, qui semblent aux premières lignes du «combat» autoproclamé par les islamistes du PJD pour réformer selon leur référentiel, leurs valeurs et leurs principes. «Ils se réfugient derrière la stricte application de la constitution. C’est un faux prétexte. En fait, ils n’hésitent pas à prendre des mesures anticonstitutionnelles, comme celle d’arabiser les médias publics alors que la Constitution marocaine parle aussi de l’encouragement des langues étrangères et de l’ouverture du pays», s’insurge cet homme de télévision.
Véritable grille des programmes, le nouveau cahier des charges élaboré et préparé par le ministre PJD de la Communication catalyse à lui seul toute la problématique des islamistes aux commandes du pouvoir mais toujours en campagne. L’instrumentalisation politique des médias publics –le PJD a compris qu’à défaut de trouver des réponses aux problèmes du chômage, de l’enseignement, de la santé, de l’habitat, il aura de la visibilité en ayant la mainmise sur les télévisions et les radios publiques- met en danger l’indépendance des chaînes publiques. Il ne faut pas s’arrêter seulement à l’appel à la prière qui sera désormais diffusé, la transmission en direct de la prière du vendredi, l’arabisation des radios comme Chaîne Inter ou Radio 2M ou encore la suppression de la publicité des jeux de hasard sur 2M –autant de «nouveautés» qui sont révélatrices d’un projet de société bien déterminé, largement reprises ce week-end par une presse étrangère s’inquiétant de l’islamisation des télévisions et radios marocaines - car ici il est aussi et surtout question de médias publics sous le joug du gouvernement. Coup d’Etat dans les médias publics? Assurément, répondent ceux et celles qui n’en finissent pas de se battre pour l’indépendance de télévisions et de radios qui doivent être faites par les professionnels et non par les politiques.
«Des mesures anti-constitutionnelles»
Le ministre de la Justice et des Libertés est lui aussi monté au front, rappelant les «idéaux» et les priorités de la famille idéologique à laquelle il appartient. Il y a quelques jours, au Parlement, et toujours à l’occasion du débat en commission sur le budget de son département, Mostafa Ramid s’est prononcé sur l’abolition de la peine de mort en affirmant que la question n’est pas à l’ordre du jour du gouvernement Benkirane. «Pour un Exécutif qui s’est fixé comme feuille de route l’application de la Constitution, on est bien en droit de s’interroger. La nouvelle Constitution consacre bien le droit à la vie. Comment le ministre de la Justice peut-il se prononcer contre ce droit à la vie que stipule la Loi suprême si ce n’est parce que le PJD a toujours été contre l’abolition de la peine de mort? Ce qui confirme que nous sommes bien dans l’application d’une idéologie et non dans celle de la Constitution», analyse cet activiste membre de la Coalition marocaine contre la peine de mort.
En constante posture de communication –même l’épouse du chef du gouvernement est appelée à la rescousse en assumant un rôle inédit à travers l’organisation d’une réception à la résidence officielle du Premier ministre et au cours de laquelle, selon un site d’information, les épouses des ministres auraient été conviées – le PJD est encore dans la consommation électorale et travaille plus dans la perspective des prochaines élections que dans la gestion des affaires de l’Etat. «On a aussi l’impression que le PJD n’a pas encore assimilé les règles du passage au pouvoir. Les islamistes veulent absolument dire à la rue qu’ils ne sont pas prêts à perdre leur âme dans leur exercice de la ministrabilité. Il ne faut pas non plus oublier qu’ils veulent à tout prix incarner le changement. Et pour eux le changement se traduit d’abord par des déclarations et des comportements que nous risquons tous de payer cher. Quand M. Ramid se rend dans une école coranique de Maghraoui, celui-là même qui est le triste auteur d’une fatwa sur le mariage des petites filles de 9 ans, c’est bel et bien d’un acte politique dont il s’agit et non pas d’une visite privée de ministre!», tempête cette femme de gauche tout en s’inquiétant du sort qui sera fait à la réforme du Code pénal après l’affaire «Amina Filali».
Dans ce tumulte et alors que l’équipe gouvernementale s’apprête à fêter ses 100 jours au pouvoir, les ministres appartenant aux autres partis de la coalition gouvernementale, l’Istiqlal, le Mouvement populaire et le PPS, peinent à faire entendre leur voix et à communiquer sur leurs actions. Phagocytés par un PJD à la communication vorace et à la volonté farouche d’agir sur les mentalités, les alliés des islamistes au pouvoir font presque pâle figure. «Ce qui est loin d’être rassurant. Surtout que certains d’entre eux, comme le PPS par exemple avaient justifié leur participation dans un gouvernement conservateur par le fait qu’ils allaient veiller à sauvegarder les acquis du pays», conclut ce militant de gauche qui refuse de voir briser ses rêves de modernité et de progrès.