“Ce phénomène prend de l’ampleur”, admet sous couvert d’anonymat un policier. “Si rien n’est fait, ils prendront des quartiers entiers en otages”, prévientil, dénonçant le “laxisme des autorités”. Au moins quatre quartiers de la ville ont été attaqués en octobre, dont le carrefour Ndokoti, un quartier populaire de la ville. “Lorsque les gangs ont attaqué ici, ils ont tapé les commerçants, arraché les marchandises et les biens des gens”, témoigne un vendeur. “C’était la débandade. En fuyant comme tout le monde, je me suis blessé”, rapporte un autre commerçant, Prince, qui craint que ces attaques “ne se reproduisent”. Peu après Ndokoti, la célèbre rue de la joie de Deido, autre quartier populaire de Douala, a été attaquée à deux reprises. La première attaque a été perpétrée par 25 jeunes, armés notamment de couteaux, rapporte Nicolas Njoh, secrétaire général de la chefferie de ce canton, constitué de plusieurs villages. “Ils ont cassé des magasins. Ils ont arraché des sacs de femmes”, affirme-t-il.
Lors de la deuxième attaque, la population s’est organisée. “Dès que le signal a été donné, tous les enfants et les mamans sont sortis. Les membres du gang ont été pourchassés”, assure M. Njoh, brandissant la photo d’un conducteur de moto interpellé. Ce canton était déjà doté d’un comité d’auto-défense pour faire face à la délinquance urbaine ordinaire, mais, avec la recrudescence des attaques en bandes, “nous sommes en train de voir avec chaque chef de village comment installer (...) un comité de vigilance dans chaque village pour faire une bonne riposte”, explique M. Njoh. Après cette série d’agressions, trente-neuf délinquants présumés impliqués dans les récentes attaques ont été arrêtés puis écroués à la prison de Douala, affirme Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, gouverneur de la région administrative du Littoral dont Douala est le chef-lieu.
Mais certains critiquent la réponse uniquement sécuritaire des autorités. Les agresseurs qui opèrent en bandes “sont essentiellement des jeunes. Ils sont issus d’une génération délinquante, désœuvrée, abandonnée, maltraitée d’une certaine façon”, explique Erero Njiengwé, psychologue et enseignant-chercheur à l’Université de Douala, qui appelle “les autorités à les identifier pour les reconvertir dans des activités productives plutôt que de privilégier la répression”.