​Haro sur la fraude et la triche aux examens !

Les moyens utilisés deviennent de plus en plus sophistiqués et échappent parfois à la vigilance des surveillants


Par Mohamed Aabdouss *
Mercredi 10 Juin 2015

​Haro sur la fraude et la triche aux examens !
Chaque année lors des examens scolaires, les pratiques frauduleuses gagnent du terrain et prennent une ampleur de  plus en plus inquiétante à tel point que les  fondements des principes de l’égalité des chances et les exégèses théoriques de  la docimologie sont ébranlés.
Si les facteurs qui expliquent ce phénomène sont souvent le désir de réussir coûte  que coûte, les moyens utilisés deviennent de plus en plus sophistiqués et échappent parfois à la simple vigilance du  surveillant. Ainsi la nécessité de remédier à de telles pratiques s’avère urgente d’autant plus qu’elles mettent en danger la crédibilité des examens et la valeur des diplômes.
Il est certain  que la fraude a toujours existé dans  la société  depuis longtemps : le sport, l’économie, le commerce  en font figure de proue. Le milieu scolaire n’a été fortement affecté par ce fléau que lors des dernières années pour des raisons liées à la nature de la mission éducative qui véhicule des valeurs nobles loin de tout mercantilisme.  Mais ces derniers  temps, cet autel des grandes valeurs morales   commence à être infecté pour une multitude de raisons dont nous allons évoquer quelques-unes.
La fraude, la tricherie  ou la malhonnêteté scolaire  comme on l’appelle souvent dans le milieu éducatif  peut être définie comme  «le recours à des  moyens frauduleux, pour obtenir des réponses, en vue de réaliser de bons résultats  à l’examen».
Une simple observation des comportements des candidats lors des différents examens souligne indubitablement une montée en flèche de ce fléau qui devient systématique et se banalise en dépit de ses retombées néfastes sur l’avenir de l’école, surtout à partir du cycle secondaire : collège et lycée. Une diversité de facteurs pousse les candidats à recourir à la tricherie, l’un des principaux selon des témoignages de  lycéens est le désir de récolter de bons résultats aux examens et éviter l’échec.
Ainsi au lieu de se consacrer avec application et assiduité à la préparation  des cours pour passer les examens et garantir la réussite, nombreux sont les candidats  qui optent pour  la tricherie en inventant une kyrielle d’astuces parfois très ingénieuses dont les plus célèbres aux dires des élèves sont les «amulettes» : des écrits miniatures qui reproduisent le cours ou une partie du cours et que les élèves dissimulent dans leurs poches ou habits  et utilisent lors des épreuves. La technologie a rendu cette pratique facile et fréquente avec l’ordinateur et surtout  la photocopie  qui fleurit quelques jours avant les examens.
Un deuxième facteur souvent évoqué dans le milieu éducatif est la surcharge des programmes qui ne laisse aucune chance  de les appréhender totalement aux élèves  notamment dans certaines matières où la mémorisation est requise. Ainsi pour  pallier certains trous de mémoire ou des oublis, le candidat prépare des substituts illégaux  pour sauver ce qui peut l’être le jour de l’examen. S’ajoutent à cette surcharge, le contenu même du programme et les méthodes d’enseignement qui astreignent le contrôle à une simple restitution du cours inculqué qu’on peut résumer dans un petit papier.
L’introduction de la pédagogie des compétences, en dépit de certains de ses  bienfaits a malheureusement réduit l’apprentissage à une accumulation de compétences qui parfois freinent l’esprit de créativité chez l’apprenant y compris lors des examens.
Un autre facteur important reste l’intérêt accordé à la note aussi bien par les parents qui valorisent cette dernière aux dépens de la formation et exercent  une pression sur leurs enfants pour avoir des moyennes élevées et le système éducatif  qui considère la note  comme le seul critère qui permet de juger les acquis des élèves au détriment de l’épanouissement et de l’instruction. C’est le cas par exemple des seuils imposés pour accéder à certaines grandes écoles. 
Après le désir de réussite et les programmes, la responsabilité des surveillants qui  sont souvent des enseignants et de l’administration n’est  pas à écarter dans la prolifération de la fraude scolaire. En effet, nombre de surveillants considèrent cette tâche comme une corvée qui les met dans des situations embarrassantes «d’espions» et en face d’un public qui les considère comme des obstacles à sa réussite et qui n’hésite pas à user de toutes sortes de violence verbale et parfois physique. Chaque année, des centaines d’enseignants sont victimes de ces violences à cause de leur respect du règlement lors des examens. Ses maltraitances  peuvent se produire même après la période des examens dans des lieux publics par exemple et prennent  la forme d’une revanche. En l’absence d’une protection administrative du surveillant qui est souvent livré à lui-même car en cas d’agression, il doit porter plainte tout seul sans soutien de l’administration auprès des autorités, il  se contente d’être «fair-play» et  ne déclare que les cas extrêmes de fraude. Certains surveillants malheureusement par manque de conscience encouragent cette pratique   et ferment les yeux sur les cas  de fraude pour gagner la sympathie des candidats ou pour des raisons qu’eux seuls connaissent. Ces brebis galeuses du système portent atteinte à l’éthique du métier et sapent le principe de l’égalité des chances que l’enseignant doit  être le premier à défendre.  
L’administration, quant à elle,  n’exploite pas suffisamment les moyens modestes à sa disposition pour lutter contre la fraude dont l’un des premiers est la sensibilisation quasiment absente dans les établissements. Il va de même pour le contrôle des classes d’examen qui se limite à une visite éclair des responsables dont le nombre se limite à deux ou trois personnes. 
Le suivi et la sanction  des cas de fraude sont souvent reportés aux  calendes grecques ou tout simplement annulés après l’intervention de l’administration  pour concilier le candidat et le surveillant. Ainsi dans la plupart des cas, le nombre de rapports de fraude envoyés se compte sur le bout des doigts pour donner l’impression que les examens se sont déroulés dans de bonnes conditions avec presque pas de tentatives de fraude.
Tous ces facteurs susmentionnés sont à l’origine de la tricherie qui se banalise dans les établissements scolaires du primaire à l’université. Il n’est  pas étrange d’entendre des candidats scander des propos tels que tout le monde triche ; toute la société est corrompue, pourquoi voudrait-on que je sois honnête ?
Reste à examiner maintenant les nouveaux moyens utilisés dans la tromperie avec l’avènement de la technologie. Il s’agit bien entendu des portables et de l’Internet. Si auparavant l’utilisation des bouts de papier limitait les occasions de fraude, le recours à l’Internet et la création d’un réseau de hackers des examens offrent des chances de réussite même  à «des cancres» qui peuvent avoir toutes les réponses sur les écrans de leurs portables dissimulés astucieusement sous les manches où au bout du fil avec des kits ultramoderne dans les oreilles. Malgré l’interdiction du portable dans les centres d’examens, surveillants et candidats confondus, son utilisation est fréquente et personne ne fait rien pour appliquer le règlement. Certains réseaux sociaux encouragent ce phénomène en hébergeant des pages entières consacrées à la fraude. Ainsi il n’est pas  surprenant de trouver les énoncés des épreuves du bac sur ces sites quelques minutes après la distribution des copies dans les classes suivies des solutions aux questions, un  peu plus tard.
La photocopie, de son côté, facilite la tâche car elle offre la possibilité de réduire les dimensions des textes et constitue une aubaine pour les amateurs de la tricherie pour s’approvisionner en «amulettes» en nombre suffisant parfois en double ou en triple.
Après l’examen de certains facteurs qui engendrent la fraude dans le milieu scolaire et les moyens utilisés en la matière, il est nécessaire de proposer des solutions pour essayer dans la mesure du possible d’enrayer  la propagation de  ce fléau.
Nul doute  que l’école constitue  une société microscopique  et les pratiques frauduleuses dans le milieu scolaire reflètent en partie ce qui est fréquent  dans la société de façon générale. 
Mais cette vérité accablante ne doit en aucun cas servir de prétexte pour banaliser la tricherie scolaire et l’admettre lors des examens. 
De ce fait, une panoplie de mesures doivent être respectées pour garantir l’égalité des chances et donner aux diplômes une certaine crédibilité. Tous les acteurs de l’éducation doivent conjuguer leurs efforts pour inculquer des valeurs comme l’honnêteté et la loyauté  dans les esprits des jeunes à commencer par la famille. 
La société, de son côté, est tenue de lutter contre la fraude en général et scolaire en particulier par des mesures préventives de sensibilisation mais aussi par des actes, par exemple l’interdiction d’utiliser la photocopie à des fins malhonnêtes.
Les établissements sont également appelés à combattre  la fraude par tous les moyens mis à leur  disposition en commençant par une sensibilisation intense pendant les périodes qui précédent les examens, une présence effective en grand nombre lors des épreuves et une application rigoureuse des sanctions en cas de fraude.
Lors des examens, les surveillants doivent remplir leur mission avec responsabilité et veiller au respect du règlement sans hésiter à rédiger des rapports en cas de fraude, car l’indulgence engendre le laxisme. Encore faut-il leur assurer une protection suffisante, car certains candidats notamment dits libres croient tout se permettre  dans les salles y compris menacer les surveillants.
Pour conclure, quelles  que soient les raisons évoquées pour justifier la fraude,  cette dernière est une gangrène qui sape les fondements de la société. Il faut par conséquent conjuguer les efforts pour rendre aux examens leur crédibilité et construire une école basée sur des valeurs universelles de  démocratie et d’équité.
                                                                                               
 * Professeur de français au cycle 
secondaire qualifiant à Safi


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