​Sosies en série pour les studios de l'histoire officielle de la Chine


AFP
Mercredi 11 Février 2015

​Sosies en série pour les studios  de l'histoire officielle de la Chine
Ni féru d'histoire, ni fanatique du régime, Xu Ruilin s'entraîne pourtant avec constance à parler, écrire, marcher et même penser comme Mao Tsé-toung. Comme lui, les sosies des grands hommes du panthéon communiste sont sollicités comme jamais depuis l'arrivée au pouvoir du président Xi Jinping.
A 58 ans, ce comédien possède effectivement une ressemblance frappante avec le fondateur de la Chine populaire: c'est un "acteur spécial", un "texing yanyuan".
"Depuis des années, des acteurs et des réalisateurs me conseillaient de jouer Mao, mais je ne les écoutais pas", raconte Xu, qui a passé l'essentiel de sa carrière au théâtre.
"Mais en ce moment, il y a tellement d'occasions de jouer Mao !", dit-il, qu'il n'y a pas résisté: sur les planches, dans les entreprises, ou pour les plus chanceux, à la télévision, ils sont des dizaines de "sosies" à interpréter les "grands hommes" de l'histoire du régime.
Car depuis l'arrivée au pouvoir du président Xi Jinping en 2012 et la sévère censure qui s'en est suivie, les réalisateurs de télévision ont été invités à se réfugier sur des émissions et des films strictement alignés sur la vision officielle --et censurée-- de l'histoire récente.
Outre le personnage de Mao, son bras droit, Zhou Enlai, ou encore Deng Xiaoping, le réformateur des années 1980, sont aussi très en vogue dans les studios.
Du "Grand timonier", Xu Ruilin en a les traits, la chevelure et la stature. Devant les caméras, les maquilleuses lui rajoutent le grain de beauté au menton, tandis qu'il s'astreint à fumer cigarette sur cigarette comme son personnage, habillé de son légendaire costume gris, le pantalon porté haut sur la bedaine.
 Exercice supplémentaire, la pratique du dialecte du Hunan, la province d'origine de Mao, à l'accent si prononcé qu'il rendait ses discours difficilement compréhensibles par ses pairs.
Touche finale de l'acteur, une calligraphie soigneusement étudiée, "à la Mao".
Le résultat est tel qu'il lui a valu, dit-il à l'AFP, les félicitations du petit-fils de son personnage, le général Mao Xinyu.
Au point que dans ses tournées en entreprises, "ça commence toujours par un discours enflammé, puis on me traite comme un haut-dignitaire, comme le vrai Mao", raconte-t-il.
Les fictions historiques se déroulent pour la plupart après la prise de pouvoir des communistes en 1949. Et ont immanquablement pour héros des cadres du parti.
Sous le président Xi Jinping, ces programmes se sont multipliés pour atteindre 44% des fictions produites en 2013, selon les derniers chiffres disponibles de l'Administration de la presse, des publications, de la radio, des films et de la télévision (APPRFT).
Sur 127 "programmes télévisés recommandés" l'an dernier par l'APPRFT, la plupart étaient des oeuvres de propagande, telles "Nous sommes membres du Parti", "Deng Xiaoping à la croisée historique des chemins" ou (le maréchal de Mao) "Zhu De, un père fondateur", avait révélé la presse chinoise.
Le reste des fictions doit passer l'examen sourcilleux des censeurs. Les ciseaux claquent systématiquement sur les aventures amoureuses d'un soir, le sexe dans l'espionnage, les femmes éprises de plus d'un homme, les voyages imaginaires dans le temps, et même les jeux de mots et calembours à la chinoise.
Début janvier, "L'impératrice de Chine", une série historique à gros budget, a dû refaire un coûteux passage en postproduction pour cause de décolletés trop plongeants, quoiqu’historiquement conformes.
"A cause de toutes ces contraintes, la plupart des sujets sont difficiles à produire. Mais chacun est complètement libre de réaliser des films antijaponais ou historiques", explique Zhu Dake, professeur à l'université Tongji de Shanghai.
"Pour éviter de dépenser beaucoup et de voir sa production finalement censurée, tout le monde s'est mis à produire des séries soi-disant historiques".
Le concept d'"acteur spécial" a été emprunté à l'Union soviétique peu après la mort de Mao. Au début, seul un ou deux acteurs étaient habilités à jouer ces rôles d'exception. 
Mais depuis, le bouleversement du paysage médiatique et cinématographique chinois a fait le bonheur des sosies. 


Lu 313 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.

Dans la même rubrique :
< >

Dossiers du weekend | Actualité | Spécial élections | Les cancres de la campagne | Libé + Eté | Spécial Eté | Rétrospective 2010 | Monde | Société | Régions | Horizons | Economie | Culture | Sport | Ecume du jour | Entretien | Archives | Vidéo | Expresso | En toute Libé | USFP | People | Editorial | Post Scriptum | Billet | Rebonds | Vu d'ici | Scalpel | Chronique littéraire | Chronique | Portrait | Au jour le jour | Edito | Sur le vif | RETROSPECTIVE 2020 | RETROSPECTIVE ECO 2020 | RETROSPECTIVE USFP 2020 | RETROSPECTIVE SPORT 2020 | RETROSPECTIVE CULTURE 2020 | RETROSPECTIVE SOCIETE 2020 | RETROSPECTIVE MONDE 2020 | Videos USFP | Economie_Zoom | Economie_Automobile | TVLibe









L M M J V S D
  1 2 3 4 5 6
7 8 9 10 11 12 13
14 15 16 17 18 19 20
21 22 23 24 25 26 27
28 29 30 31      





Flux RSS
p