​Quelques pistes de réforme pour la sécurité sociale au Cameroun


Par Collins Wanderi *
Mercredi 17 Juin 2015

​Quelques pistes de réforme pour la sécurité sociale au Cameroun
Plus de 10 ans que le gouvernement camerounais parle de la réforme de la sécurité sociale sans suite. Plus de 10 ans de projets, de réunions, de discours, de promesses sans effets. Plus de 10 ans que le dossier est au parlement, à la primature, à la présidence, toujours sans traces. 6 ans qu’un comité interministériel de réflexion avait été créé avec un délai de trois mois pour boucler le dossier. Mais, toujours rien. Où en est-on et que faut-il faire ?
On parle de sécurité sociale en référence à un système de ressources qui permettent de couvrir les besoins essentiels des citoyens victimes des « risques sociaux » (maladies, accidents de travail, retraite, vieillesse, famille, veuvage, maternité, etc.). Le système de sécurité sociale du Cameroun date de 1967. Il est basé sur les cotisations et sur les impôts. Deux structures publiques s’occupent de sa gestion : la Caisse Nationale de la Prévoyance Sociale (CNPS) pour le privé et la Direction des soldes et pensions du ministère des Finances pour le public. Le système présente deux faiblesses majeures : La non-couverture de 90% de la population active et la non-couverture du risque maladie et du risque chômage. Le projet de réforme abandonné se contente d’une solution politico-administrative (législation en faveur du social, création de trois entreprises de sécurité sociale) sans résoudre l’équation du financement. On comprend la difficulté de le sortir des tiroirs de l’administration probablement à cause des problèmes d’ordre budgétaire.
L’approche sociale qui se limite à conférer ou à revendiquer des droits sociaux bute sur les contraintes économiques et financières. Comment arrive-t-on à financer l’élargissement de la sécurité sociale? Comment intégrer les indépendants et le monde paysan ? Qui paie l’addition? Le projet se contente de prévoir la création d’une Caisse nationale des personnels de l’Etat, d’une Caisse nationale d’assurance maladie et d’une Caisse nationale de sécurité sociale. Par ailleurs, il maintient le monopole étatique sur la sécurité sociale. Dans l’incapacité de financer, l’Etat ne prévoyait que la couverture de 10 à 20% des travailleurs à l’horizon 2015.
Dans la logique de la bureaucratie, la sécurité sociale au Cameroun ne couvre que les « travailleurs » salariés. Selon les statistiques de l’Institut National de la Statistique (INS), seulement 10% de la population active est couverte (7% dans le public et 3% dans le privé). Les agriculteurs qui contribuent pour 65% à l’économie nationale sont exclus. Aussi, le promoteur d’une entreprise (propriétaire, associé) n’est pas couvert parce qu’il n’est pas lui-même titulaire d’un contrat de travail dans son entreprise. Le secteur informel, qui représente 90% du marché du travail, reste non-couvert. Ainsi, beaucoup de commerçants et « hommes d’affaires » gagnent confortablement leurs vies sans être déclarés à la sécurité sociale. Pis, les artistes et les sportifs ne sont pas couverts alors qu’ils comptent parmi les plus hauts revenus. Le système de cotisation a été bâti sur le secteur formel et non sur la capacité du citoyen à cotiser.
Le plus grand défi est celui de la redéfinition du statut de « travailleur » et de l’élargissement de la couverture sociale. Il convient de partir du système de l’assistanat vers une perspective de l’autonomisation de l’assuré en réformant le système actuel des fonds nationaux de prévoyance qui sont des régimes d’épargne obligatoire financés par des cotisations payées par les employeurs et les travailleurs.
L’erreur a été de penser que les « travailleurs » de l’informel finiront par rejoindre le formel où il existe la sécurité sociale. Pour augmenter la couverture des travailleurs indépendants et de ceux de l’informel, il convient d’adapter le système de sécurité sociale aux principes de l’assurance sociale avec des cotisations et des prestations liées aux revenus et non au secteur d’activité (formel). Certains exemples du continent sont encore perfectibles, mais méritent d’être cités. En Egypte, les travailleurs indépendants ont été divisés en deux catégories : les indépendants spécialisés (commerciaux et agriculteurs y-compris des employeurs) et les travailleurs occasionnels (ceux de la petite agriculture, les indépendants qui n’ont pas de poste fixe, les employés de maison et les transporteurs). L’amélioration de la capacité des travailleurs et des employeurs à cotiser nécessite une transformation structurelle de l'économie. En clair, les politiques économiques doivent être réformées et orientées vers le soutien à l'entreprise, l'investissement privé, la compétitivité et la productivité, pour augmenter les revenus. Par exemple, en matière de retraite, en vue de mettre fin à la perception de la retraite comme période d’inactivité nécessitant l’assistanat du titulaire et/ou de ses ayants-droits, les pensions-retraite peuvent être transformées en montants forfaitaires payables en une fois pour servir de capital à un nouvel investissement (recapitalisation de l’expérience des retraités). Au niveau institutionnel, il faudrait mettre fin à la rigidité et à la lourdeur des réglementations du marché de travail, du code du travail, des charges sociales pesant sur les entreprises, ce qui permettra de prévenir la sous-déclaration et le « noir ». Il faudrait poursuivre le désengagement de l’Etat et promouvoir le partenariat public-privé à travers par exemple la définition d’un statut pour les tontines et mutuelles qui assurent déjà la protection sociale de fait.
Aussi, pour assurer la couverture sanitaire universelle, il faudrait réformer la politique sanitaire afin de mutualiser les dépenses de santé. Par exemple, il existe un cloisonnement entre la prise en charge des maladies infantiles et la protection de la famille. Dans le financement public (44 milliards de FCFA par an), la priorisation de la femme rurale, motrice de l’économie locale, permettrait de couvrir la famille, noyau de la société et de s’attaquer en même temps aux problèmes de VIH-SIDA ou de décès d’enfants de 0 à 5 ans (144% avec des pointes à 186% et 205% dans certaines régions).
Enfin, le système ne peut marcher que si l’on renforce la bonne gouvernance en vue de sécuriser les recouvrements et de redonner confiance aux assurés qui doivent aussi être responsabilisés afin de limiter le gaspillage et l’augmentation des coûts des prestations.
Par Louis-Marie Kakdeu
PhD et MP
Suivant le Manuel de l’armée de terre des Etats-Unis (1996), « dans la guerre, l'information est la clé de la victoire ». Chaque bon soldat sait que les guerres conventionnelles et non-conventionnelles sont menées sur plusieurs fronts. Aujourd’hui, pour aboutir à la victoire, il ne suffit pas de gagner des batailles importantes sur le terrain, mais il faut également gagner les cœurs et les esprits des gens dans les pays ou territoires de l'assaut. L'exploitation stratégique des informations est essentielle dans toute guerre ou bataille et peut influer sur le résultat final du conflit. Même les putschistes militaires savent que pour déloger un régime politique existant ils doivent d'abord saisir les stations de radiodiffusion nationales pour contrôler la circulation de l'information, attiser les émotions contre le régime et garder le soutien du peuple.
Les organisations terroristes ont mené des campagnes d'information (ou désinformation) comme moyen de transmettre leur idéologie extrémiste et d’instiller un maximum de peur au sein des populations. Les groupes terroristes comme Al-Shabaab utilisent à la fois les médias grand-public et les réseaux sociaux pour impulser de nouvelles attaques et façonner l'opinion publique. Bien que Al-Shabaab ait sensiblement perdu la guerre sur le terrain, après avoir été délogé par les Forces de défense du Kenya (KDF) d'une grande partie du territoire qu'ils détenaient dans le sud de la Somalie, les militants semblent gagner la guerre psychologique au Kenya.
Le nouveau récit d'Al-Shabaab selon lequel le Kenya devrait retirer ses forces de la Somalie a été soutenu par des médias locaux qui mobilisent constamment des «experts» superficiels et l'opposition politique pour répandre la propagande de ces terroristes comme l'ultime panacée aux attaques terroristes répétées dans le pays. Ce que ces professionnels des médias et ces politiciens oublient est qu’Al-Shabaab capitalise sur la diffusion de la haine, la peur et l'indignation parmi les Kenyans ordinaires pour atteindre un objectif politique, le retrait de KDF de la Somalie. Et certains médias locaux, journalistes et politiciens sont pris au piège en exhortant le gouvernement à accéder aux demandes des terroristes.
Ils ne peuvent pas prospérer sans les médias. Ils adorent cette publicité qui permet de propager leur idéologie et leurs objectifs. L'exposition médiatique leur permet également de répandre la peur et le découragement parmi les victimes réelles et potentielles. La technologie a créé un espace virtuel sans limites et les médias sociaux qui ont donné aux organisations terroristes un moyen très utile et abordable pour répandre leur propagande, idéologie extrémiste, recruter de nouveaux adeptes et mobiliser des ressources.
Depuis novembre 2011, Al-Shabaab a créé et maintenu des comptes réels et fictifs dans les médias sociaux à cette fin. Les bloggeurs et les militants des médias sociaux font une  la propagande active. Les grands médias et les journalistes accrédités, aussi désireux de rivaliser avec les bloggeurs, sans le vouloir, relayent la même information au grand public qui la prennent invariablement pour une vérité évangélique. De même, la concurrence entre les maisons de presse locales pour obtenir et relayer les informations permettant de capter l’audience publique, booster leurs parts de marché et accroître leurs recettes, a donné à Al-Shabaab l’opportunité d’influencer l'opinion publique. En conséquence, Al-Shabaab devient de plus en plus impitoyable et expose sa cruauté pour attirer les médias et mobiliser l’attention et l’indignation. Les professionnels des médias doivent se rendre compte que les terroristes sont prêts à tout faire pour les manipuler et les utiliser. Certains reporters peuvent être soudoyés et certains éditorialistes crédules manipulés pour chercher des informations à partir de blogs et de faux comptes exploités par des groupes terroristes. Outil rêvé de propagande. Le Secrétaire de Cabinet Joseph Nkaissery a censuré les médias locaux pour avoir diffusé à plusieurs reprises des chiffres exagérés sur le nombre de victimes de la récente attaque d'Al-Shabaab au Yumbis à Garissa County.
Les premiers scoops diffusés par certains médias et certains journalistes sur les évènements du 26 mai 2015 les ont montrés comme des monstres prêts à tout pour répandre la guerre. Cette propagande reposait sur des sources peu fiables. Certains médias sont trop vulnérables à la manipulation par Al-Shabaab. A la recherche du scoop, ils ne se rendent pas compte qu’ils sont les principaux promoteurs des atrocités de ces groupes. Ces journalistes doivent se rappeler que Al-Shabaab est un groupe terroriste qui n'a aucune chance de vaincre sur le terrain le KDF ou les forces de l'Union africaine en Somalie. Raison pour laquelle la « crédibilité » du groupe ne repose que sur la guerre psychologique à travers la violence à l’égard des civils et sa volonté affichée de gagner de nouveaux territoires.

 * Analyste chez africanexecutives.com
Articles publiés en collaboration 
avec Libre Afrique


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