​Les prisons de Pologne ouvrent leurs portes au grand public


Jeudi 12 Mars 2015

​Les prisons de Pologne ouvrent leurs portes au grand public
En temps normal, Grazyna Dubiel, responsable dans une agence bancaire à Varsovie, ne passe pas son dimanche derrière les barreaux d’une prison.
“Je vais plutôt me promener quelque part”, reconnaît cette femme de 57 ans, suivant les uniformes bleus des gardiens dans les couloirs sans fenêtres d’une grande prison de la capitale polonaise.
Mme Dubiel et son mari font partie de la soixantaine de curieux qui ont répondu à l’invitation de visiter la prison de Bialoleka, en banlieue de Varsovie, un des dix établissements pénitenciers du pays à ouvrir, le temps d’une journée, leurs portes au grand public.
“On nous imagine comme un endroit où on tient des prisonniers en détention, et c’est tout”, regrette Dorota Alame, la psychologue en fonction à Bialoleka. Le clic-clac de ses talons aiguilles impressionnants tranche avec les intérieurs carcéraux austères.
“Nous voulons montrer que nous travaillons vraiment avec les détenus (...) pour qu’ils apprennent à se prendre en charge” une fois qu’ils auront quitté la prison, explique-t-elle, lit-on sur une dépêche de l’agence AFP.
Entouré d’un mur de béton et de barbelés, parsemé de miradors et de caméras de surveillance, Bialoleka est la plus grande prison de Pologne et l’une des plus grandes d’Europe. Elle abrite environ 1.400 hommes adultes détenus pour des infractions allant de la conduite en état d’ivresse, du vol à la violence familiale et au meurtre en série.
Le chef de l’Etat polonais l’a connu de l’intérieur. Bronislaw Komorowski y fut enfermé dans les années 1981-82 avec des centaines d’autres prisonniers politiques, membres de l’opposition anticommuniste à l’époque de la loi martiale du général Jaruzelski.
Après la vérification des identités, les gardiens conduisent les visiteurs vers un centre de loisirs où les détenus pratiquent peinture, origami, ou masques de théâtre.
Ensuite, ils ouvrent la cellule numéro 18, où se trouvent deux lits superposés, une table, des couverts en plastique vert et des bols, une douche avec du shampooing et une fenêtre à barreaux.
Deux prisonniers sélectionnés par la direction représentent les codétenus devant les visiteurs. Ils ont été exceptionnellement autorisés à remettre leurs vêtements civils.
Robert, un grand gaillard de 38 ans, est en prison depuis cinq ans. C’est déjà sa “maison”, qu’il retrouve pour la quatrième fois pour possession de drogues et vol. Cet ancien dur a encore huit ans à y purger. Mais ce séjour a élargi son horizon: “J’ai une chance de changer, d’essayer de devenir meilleur”, déclare-t-il, montrant les livres et les pinceaux grâce auxquels il n’est pas réduit à végéter.
“La majeure partie de ma vie, j’ai été enfermé dans mon propre monde. Je ne m’intéressais pas à ce qui se passait autour. J’en avais peur”, raconte-t-il.
Au départ, il s’est fait tatouer - pour s’intégrer au nouveau milieu. Depuis, il a tenté d’enlever ces marques. Il a pris la décision de s’ouvrir aux gens. “Je n’ai plus peur de mes sentiments. Je peux même pleurer pendant un film”, assure-t-il.  Selon l’avocat Piotr Kladoczny, du Comité d’Helsinki, qui veille au respect des droits de l’Homme, les prisons polonaises sont parmi les plus surpeuplées d’Europe, avec 80.000 détenus dans un pays de 38 millions d’habitants.
“C’est plus ou moins autant qu’en Allemagne alors que la population y est double de la nôtre”, précise-t-il.
“Heureusement, vous n’allez plus en prison pour conduite de vélo en état d’ivresse”, sourit-il en référence à une loi en vigueur jusqu’en 2013.
40.000 condamnés pour diverses infractions restent sur une liste d’attente pour purger leur peine car les prisons manquent de place pour eux.
“Je ne dirais pas que c’est un endroit super”, constate le visiteur Marek Sznajder, 26 ans, employé d’une agence de relations publiques, qui se dit toutefois “impressionné” par les programmes de resocialisation mis en oeuvre. 
Serait-ce trop beau ? Kasia, originaire de Torun (nord) est surprise de voir de nouveaux ordinateurs et des salles de cours toutes propres.
“Je suis épouvantée de voir que les enfants des orphelinats vivent moins bien que les détenus. Ils devraient vraiment purger la peine et non pas la vivre comme une récompense”, s’énerve-t-elle.
Mais Grazyna Dubiel ne veut pas y rester plus longtemps. “Ma curiosité est satisfaite. Ça me suffit”, déclare-t-elle. “J’irais bien prendre l’air ailleurs”.


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