​Aux Pays-Bas, étudiants et aînés colocs en maison de retraite


AFP
Mercredi 10 Décembre 2014

​Aux Pays-Bas, étudiants et aînés colocs en maison de retraite
"Bonjour Jurriën, je suis contente de te voir!", s'exclame Johanna, 92 ans, en voyant entrer dans sa chambre un jeune homme de 20 ans : Jurriën n'est pas son petit-fils, il n'est autre que son voisin de palier en maison de retraite.
Il est en fait l'un des six étudiants ayant élu domicile dans cette maison de retraite de Deventer, dans l'est des Pays-Bas, pour une cohabitation des plus improbables rendue possible par un concept unique.
Les étudiants ne payent pas de loyer mais travaillent 30 heures par mois chacun auprès des 160 pensionnaires et font ce que le personnel soignant et autres employés ne peuvent pas toujours accomplir : prendre le temps.
"Ils rendent visite aux pensionnaires pour papoter, ils jouent à des petits jeux avec eux, ils les accompagnent au centre commercial, ou vont faire les courses pour ceux qui ne le peuvent pas", explique Arjen Meihuizen, qui coordonne les activités au sein de l'établissement.
Alors que les maisons de retraite de nombreux pays européens n'ont pas assez de places pour répondre au vieillissement de la population, celles des Pays-Bas souffrent au contraire de surcapacité : dans le cadre de mesures d'austérité, le gouvernement a durci les conditions d'accès en maison de retraite.
Certaines d'entre elles peinent donc à rentrer dans leurs frais, et louer des chambres vides en échange d'un loyer est une option. Mais Humanitas assure ne pas être dans ce cas et insiste : la présence des étudiants en ses murs est une solution imaginée pour ouvrir la maison de retraite vers le monde extérieur et lutter, donc, contre l'isolement des aînés.
Le pays étant friand de volontariat, le concept a fait mouche, et quelques établissements projettent d'instaurer l'idée sous des formes adaptées. Cela contribue à résoudre plusieurs problèmes d'un coup: le logement et le manque de moyens financiers des jeunes, la solitude des aînés.
Ailleurs en Europe, les logements intergénérationnels ont aussi le vent en poupe, même si, sous-capacité oblige, les initiatives ont souvent lieu en dehors des maisons de retraite.
Des projets mettent par exemple en contact étudiants à la recherche d'un logement et personnes âgées ayant une chambre de libre à leur domicile. Des complexes immobiliers "intergénérationnels" voient aussi le jour.
Mais les exceptions expérimentales existent : en France, une idée similaire a été mise en place notamment à Lyon, mais les étudiants y payent un loyer et la discipline y est beaucoup plus stricte qu'à Deventer. Pas question, par exemple, d'inviter des amis. A Asnières, un étudiant vit gratuitement dans une maison de retraite en échange d'une semaine de gardes de nuit par mois. Gea Sijpkes, directrice de l'établissement Humanitas, défend le concept qu'elle a lancé deux ans plus tôt.
"Lorsqu'on a 96 ans et qu'on souffre d'un genou, le genou ne va pas aller en s'améliorant, les docteurs ne pourront pas y faire grand-chose. Mais ce qu'on peut faire, c'est créer un cadre de vie tel qu'on y oublie ce genou douloureux". Les étudiants organisent un petit repas chaque soir et proposent des activités selon leurs centres d'intérêts ou compétences. Jordi, par exemple, a emmené un groupe dans le jardin et leur a appris à peindre des graffitis avec des aérosol, sur des cartons. Jurriën, lui, donne une fois par semaine des cours d'informatique à Anton Groot Koerkamp, 85 ans. "Maintenant, je sais envoyer des courriels, surfer sur internet, chercher des vidéos ou aller sur Facebook", dit-il fièrement.
La voisine de Jurriën, Johanna, est elle aussi conquise : "Je suis vieille, il est jeune, mais on s'entend bien".
"On fait des petites choses, pas grand-chose, mais cela peut les mettre de bonne humeur", dit Jurriën.
La présence des étudiants n'est pas pour autant imposée aux pensionnaires, qui participent aux activités uniquement si ils le souhaitent.
"D'un côté, je ne paye pas de loyer, et de l'autre, j'aime bien travailler avec les personnes âgées", soutient Denise, 22 ans, étudiante en journalisme : "Vu que les chambres d'étudiant sont trop petites, trop sales et trop chères, ceci est une alternative fantastique". "Pour 400 euros, j'aurais eu à peine 10 mètres carrés et j'aurais dû partager la cuisine et la salle de bain", renchérit Jurriën : "ici, j'ai plus du double de place et j'ai ma propre cuisine et ma propre salle de bain". 


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