​A La Havane, les tribus urbaines peuvent exprimer leur sage rébellion


Samedi 18 Octobre 2014

​A La Havane, les tribus urbaines  peuvent exprimer leur sage rébellion
Chaque fin de semaine, les "Emos", "Punks", "Freaks", "Repas" et "Mikis" convergent sur une des principales avenues de La Havane, affichant leur anticonformisme sous l'oeil vigilant mais conciliant des autorités cubaines qui ont cessé de les voir comme des "déviants idéologiques".
Très éloignés de l'image de l'"homme nouveau" dont rêvaient Fidel Castro et Ernesto Che Guevara dans les années 1960, ces adolescents sont le produit de leur époque, dans une île communiste qui a fini par leur octroyer une sphère de liberté.
Ainsi, vers minuit les vendredis et samedis, quelques centaines de personnes, pour la plupart âgés de 12 à 20 ans, viennent exhiber leurs cheveux longs, tatouages et pantalons larges sur la rue G, au coeur de La Havane, sous le regard de la statue du libérateur latino-américain, Simon Bolivar.
A l'ombre des arbres du terre-plein central ou sous la lumière crue des lampadaires, les différents "clans" arpentent inlassablement le bitume sur fond de hard rock, de reggaeton ou de salsa crachés par les téléphones et petits lecteurs MP3. 
Les acteurs de ce défilé arborent des coupes de cheveux provocantes et colorées, de nombreux tatouages, piercings, habits sombres et bijoux voyants. 
Un paysage éloigné de l'image sensuelle du pays de la salsa, ses belles voitures américaines, ses bâtiments coloniaux et ses musiciens tout de blanc vêtus.
Mais cette rébellion reste bien sage, l'assistance est très jeune. Pas d'esclandres, de bagarres ni de musique assourdissante. On est à Cuba.
Une poignée d'agents de police en uniforme et en civil encadrent discrètement ce ballet, prêts à intervenir en cas de débordement ou de consommation ostentatoire de produits illicites. Face à eux, on devise tranquillement bouteille à la main autour des bancs publics. 
L'identité de ces tribus a été forgée autour de leurs goûts musicaux. On distingue ainsi les "Rockers", fans de métal et de hard rock aux cheveux longs, les "Repas", amateurs de reggaeton venus des faubourgs (ou "repartos"), les "Mikis", férus de musique pop bien mis, et les "Emos", androgynes amateurs de piercings et de vêtements sombres. A leurs côtés, on compte aussi quelques "Hippies", "Freaks" ou "Punks". La présence de cette troupe atypique attire les regards intrigués des passants, mais les marques d'hostilité sont rares et l'attitude des autorités s'est assouplie au fil des années. 
"Il y a plus de tolérance maintenant", reconnaît le "Punk" Ruben Gutierrez, couvert de tatouages et de piercings. 
Le "rockeur" Omar Padilla, 30 ans, se souvient du temps où sa "tribu" n'était pas bien vue des autorités. Ces dernières goûtaient peu leur passion pour cette musique née chez l'ennemi américain. En 2001, la police avait fini par fermer le Patio de Maria, un espace considéré pendant 15 ans comme le havre des amateurs de rock à Cuba.
Mais en 2007, le regard des dirigeants communistes a changé. Après avoir étudié de près les fans de rock, ils ont finalement jugé ce groupe compatible avec le projet socialiste cubain et lui ont cédé une espace d'expression.
"+G+ est devenu une forme de sanctuaire pour les rockeurs. Ici tu peux rencontrer de nombreuses personnes qui ont des points communs avec toi, et tu te sens un peu libre (...) A une autre époque, on ne pouvait pas se réunir ici", explique encore Omar, ingénieur mécanicien qui balade depuis de nombreuses années sa queue de cheval au rendez-vous de la "G".
Officiellement interdite sur l'île jusqu'en 1966, mais vraiment tolérée qu'à partir des années 1980, la musique rock et ses dérivés sont aujourd'hui disponibles dans les boutiques de CD piratés et sur internet, dont l'accès demeure toutefois très cher et strictement réglementé. 


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