​69.000 enfants travailleurs recensés en 2014

La lutte contre le travail des enfants reste d’actualité au Maroc


Alain Bouithy
Samedi 20 Juin 2015

​69.000 enfants travailleurs recensés en 2014
La bataille contre le travail des enfants au Maroc est loin d’être gagnée, si l’on en croit les données statistiques mises en avant par le Haut-commissariat au plan (HCP), à l’occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants. Celle-ci a été célébrée le 12 juin courant à travers le monde sous le thème «NON au travail des enfants, OUI à une éducation de qualité».
En effet, l’enquête nationale sur l’emploi a révélé des chiffres impressionnants au titre de l’année 2014 qui en disent long sur l’étendue du problème. Elle montre que 69.000 enfants marocains ont été concernés par ce phénomène en 2014. Selon cette étude, le travail des enfants âgés de 7 à moins de 15 ans a représenté au cours de cette année 1,5% de l’ensemble des enfants de cette tranche d’âge (soit 4.674.000) après avoir été de 9,7% en 1999. Ce qui traduit une baisse intéressante.
L’analyse détaillée des données recueillies dans le cadre de cette enquête indique que « ce phénomène reste en particulier récurrent dans le monde rural où, en 2014, résidaient 90% des enfants au travail. C’est ainsi que, par rapport à l’ensemble des enfants de la même tranche d’âge, ce phénomène concernait 3% ou 62.000 en milieu rural contre 0,3% ou 7.000 en milieu urbain. En 1999, ces données étaient respectivement de 16,2% et 452.000 en milieu rural contre 2,5% et 65.000 et en milieu urbain ». 
L’étude précise que les garçons sont particulièrement concernés par ce phénomène. Plus de la moitié des enfants au travail, soit 60,1%,  sont des garçons.  Bien que la proportion varie d’un milieu à l’autre, les garçons demeurent majoritaires aussi bien en milieu rural (56,7%) qu’en milieu urbain (90,1%).  
La majorité de ces enfants se trouvent dans quatre régions du Royaume : Doukkala Abda qui abrite 25,6% des enfants travailleurs, Marrakech-Tensift-Al Haouz (14,8%), Chaouia-Ouardigha (11,8%) et  El Gharb-Chrarda- Beni Hssen (11,2%).
L’enquête apporte aussi des précisions sur le niveau d’instruction de ces derniers.  A ce sujet, il est indiqué que « 76,8% des enfants au travail n’ont pas de diplôme, 26% pas de niveau scolaire, 24,2% parmi ceux âgés de 10 à 14 ans sont analphabètes alors que 35% travaillaient parallèlement à leur scolarité ».
Afin de comprendre les raisons qui les ont amenés à ne pas fréquenter ou abandonner l’école, l’enquête s’est particulièrement portée sur les 65% des enfants non scolarisés.
Il ressort des échanges avec ces derniers que  34,1% d’entre eux n’accordent aucun intérêt aux études et 23,1% résident dans des zones où il n’existe aucun établissement d’enseignement général sinon reste difficile d’accès à cause de la géographie et du climat. L’absence de moyens financiers pour couvrir les frais  liés à la scolarité et l’obligation d’aider le ménage dans ses activités professionnelles sont respectivement évoquées chez 13,8% et 7,5% des enfants interrogés.
Les experts du Haut-commissariat au plan notent, par ailleurs, que le travail des enfants reste concentré dans certains secteurs économiques. 
« Ainsi, en milieu rural, ils sont 90,2% à travailler dans l’"agriculture, forêt et pêche". En zones urbaines, les "services", avec 58,1%, et l’"industrie y compris l’artisanat", avec 26,8%, sont les principaux secteurs employeurs des enfants », indique-t-on.
La répartition selon le statut dans l’emploi fait ressortir que plus de 9 enfants actifs occupés sur 10 en milieu rural travaillaient en tant qu’aides familiales, soit environ 90,5%. S’agissant des autres statuts, on retiendra que 4,7% travaillent en tant qu’indépendants, 2,7% sont des apprentis et 1,8% des salariés. 
En milieu urbain, la répartition est on ne peut plus différente : 47,4% sont des apprentis, 30,9% travaillaient en tant qu’aides familiales, 17,5% sont des salariés et en tant qu’indépendants 4,2%.
En termes de nombre d’heures d’emploi, « les enfants travaillent en moyenne 32 heures par semaine, soit 14 heures en moins relativement aux personnes âgées de 15 ans et plus. Cet écart est d’environ 11 heures en milieu rural (30 contre 41 heures) alors qu’il n’est que de 5 heures en milieu urbain (45 contre 50 heures) », indique l’étude.
L’enquête qui s’est également intéressée au cadre familial des enfants au travail révèle que l’année dernière,  « le Maroc a comptabilisé 59.477 ménages dont au moins un enfant au travail, ce qui correspond à 0,8% de l'ensemble des ménages marocains, 53.441 résident en milieu rural et 6.036 en milieu urbain ». Cette proportion passe de 0,2% pour les ménages de trois personnes à 2,3% parmi les ménages de 6 personnes et plus, ajoute l’étude.
Parmi les ménages dont le chef possède un niveau d’instruction supérieur, cette proportion est quasi nulle et s’établit à 1,2% parmi ceux dont le chef n’a aucun niveau d’instruction. 
Selon le type d'activité du chef de ménage, cette proportion passe de 0,2% pour ceux qui sont inactifs à 0,3% pour les chômeurs pour atteindre 1,1% pour les actifs occupés.
A l’échelle mondiale, l’Organisation internationale du travail (OIT) note qu’un grand nombre d'enfants sont impliqués dans le travail domestique rémunéré ou non, chez un tiers ou un employeur. « Ces enfants sont particulièrement vulnérables à l'exploitation. Leur travail est souvent méconnu du grand public, ils peuvent se trouver isolés et travailler loin du foyer familial. Les mauvais traitements qui sont infligés aux enfants dans le travail domestique sont beaucoup trop courants », peut-on lire sur le site des Nations unies.
Cependant, malgré le vaste mouvement de réforme sociale qui s’est développé autour de cette question à travers le monde, on recense plus de 168 millions d’enfants travailleurs dans le monde, dont au moins 85 millions, chiffre alarmant, sont soumis aux pires formes de travail. 
Des chiffres et des constats qui rappellent l’urgence de prendre à bras-le-corps ce phénomène si l’on veut vraiment l’éradiquer.
Il est à souligner que dans le cadre de la Journée mondiale contre le travail des enfants-édition de 2015, instituée en 2002, l’OIT a émis un certain nombre de recommandations. Cette organisation plaide pour une éducation libre, obligatoire et de qualité pour tous les enfants au moins jusqu’à l’âge légal de travailler, ainsi que des actions permettant d’atteindre les enfants qui travaillent actuellement et pour des politiques qui assurent l’accès à une éducation de qualité et des investissements dans la profession d’enseignant.
L’OIT appelle aussi à redoubler d’efforts pour s’assurer que les politiques nationales contre le travail des enfants et pour leur éducation soient efficaces et appliquées. 


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