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Derrière chaque enseigne nouvellement accrochée, chaque entreprise déclarée, se dessine une volonté collective : celle de construire un tissu économique plus moderne et résilient.
Selon les récentes statistiques de l'Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), 95.256 nouvelles entreprises ont vu le jour au Maroc en 2024. Un chiffre révélateur de l'élan national où l'esprit d'initiative s'affirme comme un moteur stratégique de développement.
Mais au-delà des statistiques, c'est une véritable transformation structurelle qui est à l'œuvre, portée notamment par la digitalisation des démarches administratives, à l'image de la généralisation nationale de la plateforme de création d'entreprises en ligne.
Contacté par la MAP, Adil Khalis, économiste et expert en développement économique et en secteur privé, a souligné qu'il est essentiel d'analyser ces chiffres avec nuance, estimant que la hausse du nombre de cessations d'activité devrait être relativisée en la mettant en perspective avec la dynamique entrepreneuriale globale.
"Pour ce faire, deux indicateurs clés sont à considérer: le taux de défaillance des entreprises, qui mesure le nombre de cessations d'activité par rapport au stock total d'entreprises actives, et le ratio de création/défaillance, qui compare le nombre d'entreprises en faillite à celui des entreprises nouvellement créées. A cet égard, le Maroc affiche des niveaux globalement acceptables", précise-t-il.
En effet, si la création d'entreprise marque un départ, le défi reste celui de la viabilité dans le temps.
Une interface unique pour l'acte de création
La plateforme électronique, désormais déployée sur l'ensemble du territoire, offre un point d'entrée unique pour toutes les démarches liées à la création d'entreprises.
Elle connecte les futurs entrepreneurs aux différentes institutions concernées, à savoir l'OMPIC, les tribunaux de commerce, la Direction générale des impôts (DGI), la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et l'Imprimerie officielle. Cette réforme structurelle contribue à raccourcir les délais, réduire les coûts et limiter les erreurs administratives.
Cette dématérialisation s'inscrit dans une logique plus large d'amélioration du climat des affaires, mais selon M.Khalis, elle ne suffit pas à elle seule. "Des efforts restent nécessaires pour endiguer les causes sous-jacentes de ce phénomène de défaillance d'entreprises, qui sont multiples et complexes", affirme-t-il.
Et de poursuivre : "En l'absence d'une étude approfondie segmentée par type et taille d'entreprises, il demeure difficile d'en avoir une compréhension exhaustive. Néanmoins, plusieurs facteurs majeurs sont régulièrement pointés du doigt, notamment les difficultés d'accès au financement, une gestion interne insuffisante, des retards de paiement persistants et un environnement économique fluctuant".
Les services de proximité, comme les Centres régionaux d'investissement (CRI), ont aussi accompagné cette dynamique. Désormais interconnectés à la plateforme, ces services jouent un rôle d'accompagnement, de conseil et d'orientation stratégique, permettant de sécuriser davantage les démarches des porteurs de projets.
Un tissu économique dominé par les services et le commerce
Les données sectorielles dévoilées par l'OMPIC indiquent que le commerce continue de dominer le paysage entrepreneurial marocain, représentant 35,13% des créations. Viennent ensuite le BTP et les activités immobilières (19,21%), les services divers (18,20%), les transports (8,10%) et l'industrie (7,31%).
Cette prédominance des services soulève des questions de fond sur la diversification économique du Maroc.
Pour M. Khalis, le problème est plus profond et concerne l'ensemble de l'écosystème.
"L'écosystème des startups au Maroc est encore dans sa phase initiale, la phase d'activation dans le cycle de développement des écosystèmes entrepreneuriaux", explique-t-il, considérant que malgré les avancées notables qui ont été réalisées ces dernières années, notamment en matière de financement et d'accompagnement, il reste encore du chemin à parcourir pour atteindre un niveau de maturité suffisant afin d'attirer des investissements significatifs, en particulier étrangers.
L'expert souligne également que la faible part occupée par des secteurs clés comme l'agriculture et la pêche (1,68%) ou les TIC (2,79%), interroge la capacité du système entrepreneurial national à répondre pleinement aux priorités stratégiques du Royaume et appelle à davantage de mobilisation, notamment en matière de souveraineté alimentaire et de transformation digitale.
Personnes morales vs physiques: un dualisme révélateur
Sur les 95.256 entreprises créées en 2024, 67.546 sont des personnes morales, contre 27.710 personnes physiques. Ce déséquilibre témoigne d'un changement dans la culture entrepreneuriale, mais aussi des défis structurels auxquels font face les entrepreneurs individuels.
Le financement reste un obstacle majeur, observe Adil Khalis, précisant que pour renforcer l'accès au financement des TPME, plusieurs leviers peuvent être actionnés.
"En plus de l'amélioration de la liquidité des banques, il est crucial de favoriser des dispositifs de garantie plus accessibles, renforcer la transparence et la gouvernance des entreprises pour améliorer leur attractivité aux yeux des institutions financières, et éventuellement encourager une meilleure communication entre les banques et les entreprises afin d'ajuster les critères de financement aux réalités des petites entreprises", préconise-t-il.
Mais cette mutation reste fragile car plusieurs micro-entreprises disparaissent avant leur troisième année d'activité. "Il est important de comprendre que la demande de crédit bancaire par les TPME n'est pas nécessairement très sensible aux variations des taux d'intérêt", explique l'expert.
Et de soutenir: "Ce qui influe davantage sur l'accès au crédit, c'est l'offre des banques, qui dépend des conditions et exigences relatives à la solvabilité des entreprises et à la viabilité de leurs projets d'investissement. Un exemple concret peut être tiré du programme Inteleka, dans lequel le taux de rejet des demandes de financement a atteint près de 40%, malgré la mise en place d'un dispositif de garantie visant à réduire les risques".
Vers un entrepreneuriat de qualité et durable
Pour que cet élan entrepreneurial ne soit pas un feu de paille, plusieurs conditions doivent être réunies. D'abord, un meilleur accès au financement, notamment pour les jeunes, les femmes et les auto-entrepreneurs. Ensuite, une formation continue adaptée, axée sur les compétences de gestion, de marketing et d'innovation.
La question des startups et de l'innovation est aussi cruciale pour l'avenir économique du pays.
A défaut d'une stratégie structurante, "l'écosystème marocain risque de stagner, maintenant les startups dans un cercle où elles peinent à se développer à grande échelle, limitant ainsi leur attractivité auprès des investisseurs internationaux", prévient M.Khalis, ajoutant qu’il est essentiel d'adopter une approche structurante et intégrée pour accélérer la transition vers un environnement plus favorable à l'émergence et à la pérennisation des startups à fort potentiel.
L'Etat, de son côté, semble engagé dans cette direction. L'Agence Maroc PME, les CRI, Tamwilcom et les mécanismes de garantie bancaire multiplient les programmes d'appui.
Un miroir de la société marocaine
La dynamique entrepreneuriale marocaine est à la fois un thermomètre économique et un révélateur sociétal. Elle exprime une aspiration croissante à l'autonomie, à la reconnaissance sociale et à la contribution à la transformation du Maroc.
Cette dynamique interpelle ainsi sur les disparités territoriales, les freins culturels à la prise de risque et la nécessité de mieux valoriser l'échec entrepreneurial.
En somme, la création d'entreprise ne devrait plus être abordée comme un acte administratif isolé, mais comme un processus intégré, stratégique et porteur de transformation surtout.