Autres articles
-
Un univers DC réinventé : De The Batman à The Penguin, l’héritage d’un chef-d’œuvre
-
L'ère des incendies
-
Interdisons la géoingénierie solaire
-
La représentation du « Nouveau Maroc » dans le monde diplomatique
-
Les crises sociales et économiques au Maroc : Un manque de vision stratégique et l'urgence d'une refonte des modes de gestion
![Vrai sujet et faux débat ! : Des mosquées sans minarets ou des mosquées sans les Suisses ? Vrai sujet et faux débat ! : Des mosquées sans minarets ou des mosquées sans les Suisses ?](https://www.libe.ma/photo/art/default/1739077-2356467.jpg?v=1289555483)
Faut-il se fier à l’ampleur et à la densité de la propagande menée ces derniers jours par la presse helvétique, française et européenne quant à la question des constructions des minarets au dessus du socle d’une mosquée ? Faut-il faire des appels à la prière dans les mosquées ? Face à un non problème autrefois régler dans l’intimité de la tradition d’un village ou d’un hameau ou douar où on perçoit facilement des mosquées sans minarets, la question posée par la droite et l’extrême droite suisse sur la construction des minarets et l’interdiction de faire des appels à la prière, relève plutôt d’une légitimation de la logique de la table rase. Les opposants suisses qui sont contre une expression libre des musulmans et des hauts parleurs appelant les musulmans à la prière, cherchent plutôt à voir des musulmans sans voix et des mosquées sans minarets, sans identité prononcée. Selon le porte parole de l’opposition, l’implantation des mosquées à minarets, relève de l’emprise symbolique sur l’espace et donc une expression forte d’une domination de l’Islam en tant que seconde religion au sein de la confédération.
Les militants au sein l’UDC (la droite populiste) arguent que ces édifices n’ont pas un caractère religieux mais représentent “le symbole apparent d’une revendication politico-religieuse du pouvoir”. Tandis que le président de la confédération, Hans-Rudolf Merz, tente de calmer les citoyens en affirmant que jamais la voix du muezzin ne retentira au pays des «Swatch». Connu pour ses montres et ses positions neutres, la Suisse recule ou adopte la neutralisation quand il s’agit de camoufler des comptes ou taire les voix religieuses.
Il est normal que la plupart des mosquées dans les campagnes musulmanes et précisément maghrébine ne comportent pas de minarets. Mais il est aussi remarquable de voir que tous ces anciens villages commencent à ériger des minarets à l’image et aux dimensions qui flirtent avec le modèle des mosquées des capitales et des grandes villes.
Mais qu’est ce qui pousse les helvètes à organiser un référendum pour s’exprimer par un oui ou un non sur la construction des mosquées avec ou sans minarets tout en sachant que ce pays ne comporte que quatre mosquées avec minarets et dont aucun ne fait l’appel à la prière ?
La Suisse préfère-t-il des musulmans ramenant leurs richesses que des musulmans s’installant avec leurs mosquées-minarets ?
Devant un discours qui cache le jeu double, qui tranche entre l’économique et le religieux, l’Islam passager et l’Islam ancré et surtout qui distingue entre un minaret et une mosquée. La mosquée est féminin alors que le minaret et au masculin. Les affiches qui marquent l’espace public suisse ces derniers jours et d’ailleurs interdites, représentent la femme voilée avec des minarets sous forme de missiles. Le féminin drapé est cette fois-ci associé à la virilité désastreuse des missiles. Les minarets ne peuvent pas représenter autre chose de plus plaisant et sérieux. Pour le député cantonal de Genève et secrétaire général de l’UDC Eric Bertinat, tout lieu sanctionné par «un minaret et un lieu dangereux où pourrait se développer une religion agressive».
Mais revenons à nos «moutons noirs», c’est l’expression par laquelle quelques vaches suisses identifient les musulmans. Revenons donc aux vaches, qui selon les affiches anti-minarets, foncent sur la femme drapée à côté des minarets-missiles pour mesurer l’intensité de la représentation et de la répression. Ces affiches à elles seules expriment le taux de 37% des Suisses qui expriment une volonté de s’attaquer aux minarets, donc aux musulmans sans minarets et missiles et le taux de 53% des Suisses qui se déclarent favorables à l’interdiction de construire des mosquées avec minarets. La question qui se pose relève de la vraie intention des Suisses, ce premier coup de corne vise les minarets et sous tend que la confédération n’est pas hostile aux musulmans et aux mosquées ? Le débat est-il tronqué ou sent-il le faux ? Un emprunt d’un brin de la logique helvète nous permettra de croire que ce sont les minarets qui font une religion violente et agressive et que sans les minarets l’Islam est tout autre sauf ce que n’expriment pas les Suisses anti-minarets. Une campagne qui ne vise pas les mosquées mais seulement leurs aspects phallique et menaçant permet de s’attaquer à l’Islam et aux musulmans et donc de traiter des cornes tout en préservant la vache et le lait de la vache. Cette stratégie risque aussi d’assurer une union sacrée entre ceux qui sont contre les minarets et ceux qui sont contre les fondations qui s’érigent entre la terre et le ciel. Ceci dit qu’on est en face de la manipulation et de la provocation plus qu’on est dans le débat et l’échange. J’imagine mal comment on va s’attaquer aux minarets sans le socle des mosquées et aux minarets sans toucher aux musulmans. Cette logique manichéenne, perverse et désastreuse relève des campagnes qui visent les musulmans et avant les musulmans, les Suisses. Les affiches ne sont pas adressées aux musulmans mais plutôt aux Suisses : sur fond de neutralité qui est le drapeau suisse flanqué d’une croix surgit une femme drapée, qui risque d’être autre chose et des minarets qui sont des missiles. L’image est réussie mais elle a les défauts de ses qualités et de ses intentions. L’affiche représente cette logique du collage incarnant la liberté d’expression ou la fin de la liberté pour l’autre. Le jeu de miroir est dangereux, glissez doucement car les cornes et les missiles nous guettent tous.
Les événements qu’avait connu la ville de Casablanca en 2003 et auparavant celle d’Alger, montrent que l’Islam qui menace et fait peur est bien celui qui est sorti des lieux clandestins et des garages. Les musulmans, les chrétiens, les juifs dans des lieux de prières et en dehors représentent des minarets ou autres choses que les minarets. Le corps humain peut représenter le bien et le mal. Cela dépend de nos intentions et de nos désirs. A chacun son minaret à condition de ne pas en faire des missiles, des kamikazes ou des pédophiles récidivistes.
C’est pourquoi il faut se demander si on ne vise par la démocratie que les minarets où si c’est la démocratie, qui est déjà en crise, commence à se sacrifier sur son propre autel ? Le mot est fort s’il n’est pas suivi d’un appel au débat sur l’Islam au sein de la démocratie occidentale loin de toute dissociation entre flux spirituel et flux migratoire.
* Université Mohammed V, Agdal, professeur-visiteur, IEA, Nantes
Les militants au sein l’UDC (la droite populiste) arguent que ces édifices n’ont pas un caractère religieux mais représentent “le symbole apparent d’une revendication politico-religieuse du pouvoir”. Tandis que le président de la confédération, Hans-Rudolf Merz, tente de calmer les citoyens en affirmant que jamais la voix du muezzin ne retentira au pays des «Swatch». Connu pour ses montres et ses positions neutres, la Suisse recule ou adopte la neutralisation quand il s’agit de camoufler des comptes ou taire les voix religieuses.
Il est normal que la plupart des mosquées dans les campagnes musulmanes et précisément maghrébine ne comportent pas de minarets. Mais il est aussi remarquable de voir que tous ces anciens villages commencent à ériger des minarets à l’image et aux dimensions qui flirtent avec le modèle des mosquées des capitales et des grandes villes.
Mais qu’est ce qui pousse les helvètes à organiser un référendum pour s’exprimer par un oui ou un non sur la construction des mosquées avec ou sans minarets tout en sachant que ce pays ne comporte que quatre mosquées avec minarets et dont aucun ne fait l’appel à la prière ?
La Suisse préfère-t-il des musulmans ramenant leurs richesses que des musulmans s’installant avec leurs mosquées-minarets ?
Devant un discours qui cache le jeu double, qui tranche entre l’économique et le religieux, l’Islam passager et l’Islam ancré et surtout qui distingue entre un minaret et une mosquée. La mosquée est féminin alors que le minaret et au masculin. Les affiches qui marquent l’espace public suisse ces derniers jours et d’ailleurs interdites, représentent la femme voilée avec des minarets sous forme de missiles. Le féminin drapé est cette fois-ci associé à la virilité désastreuse des missiles. Les minarets ne peuvent pas représenter autre chose de plus plaisant et sérieux. Pour le député cantonal de Genève et secrétaire général de l’UDC Eric Bertinat, tout lieu sanctionné par «un minaret et un lieu dangereux où pourrait se développer une religion agressive».
Mais revenons à nos «moutons noirs», c’est l’expression par laquelle quelques vaches suisses identifient les musulmans. Revenons donc aux vaches, qui selon les affiches anti-minarets, foncent sur la femme drapée à côté des minarets-missiles pour mesurer l’intensité de la représentation et de la répression. Ces affiches à elles seules expriment le taux de 37% des Suisses qui expriment une volonté de s’attaquer aux minarets, donc aux musulmans sans minarets et missiles et le taux de 53% des Suisses qui se déclarent favorables à l’interdiction de construire des mosquées avec minarets. La question qui se pose relève de la vraie intention des Suisses, ce premier coup de corne vise les minarets et sous tend que la confédération n’est pas hostile aux musulmans et aux mosquées ? Le débat est-il tronqué ou sent-il le faux ? Un emprunt d’un brin de la logique helvète nous permettra de croire que ce sont les minarets qui font une religion violente et agressive et que sans les minarets l’Islam est tout autre sauf ce que n’expriment pas les Suisses anti-minarets. Une campagne qui ne vise pas les mosquées mais seulement leurs aspects phallique et menaçant permet de s’attaquer à l’Islam et aux musulmans et donc de traiter des cornes tout en préservant la vache et le lait de la vache. Cette stratégie risque aussi d’assurer une union sacrée entre ceux qui sont contre les minarets et ceux qui sont contre les fondations qui s’érigent entre la terre et le ciel. Ceci dit qu’on est en face de la manipulation et de la provocation plus qu’on est dans le débat et l’échange. J’imagine mal comment on va s’attaquer aux minarets sans le socle des mosquées et aux minarets sans toucher aux musulmans. Cette logique manichéenne, perverse et désastreuse relève des campagnes qui visent les musulmans et avant les musulmans, les Suisses. Les affiches ne sont pas adressées aux musulmans mais plutôt aux Suisses : sur fond de neutralité qui est le drapeau suisse flanqué d’une croix surgit une femme drapée, qui risque d’être autre chose et des minarets qui sont des missiles. L’image est réussie mais elle a les défauts de ses qualités et de ses intentions. L’affiche représente cette logique du collage incarnant la liberté d’expression ou la fin de la liberté pour l’autre. Le jeu de miroir est dangereux, glissez doucement car les cornes et les missiles nous guettent tous.
Les événements qu’avait connu la ville de Casablanca en 2003 et auparavant celle d’Alger, montrent que l’Islam qui menace et fait peur est bien celui qui est sorti des lieux clandestins et des garages. Les musulmans, les chrétiens, les juifs dans des lieux de prières et en dehors représentent des minarets ou autres choses que les minarets. Le corps humain peut représenter le bien et le mal. Cela dépend de nos intentions et de nos désirs. A chacun son minaret à condition de ne pas en faire des missiles, des kamikazes ou des pédophiles récidivistes.
C’est pourquoi il faut se demander si on ne vise par la démocratie que les minarets où si c’est la démocratie, qui est déjà en crise, commence à se sacrifier sur son propre autel ? Le mot est fort s’il n’est pas suivi d’un appel au débat sur l’Islam au sein de la démocratie occidentale loin de toute dissociation entre flux spirituel et flux migratoire.
* Université Mohammed V, Agdal, professeur-visiteur, IEA, Nantes