Le créateur de la société est un ingénieur en mécanique de 35 ans, Bas Lansdorp, qui a longtemps travaillé dans l'éolien et a confié à l'AFP que, pour lui, "la conquête de Mars est l'étape la plus importante de l'histoire de l'humanité". Aussi, malgré le scepticisme des experts, M. Lansdorp prévoit d'organiser un voyage vers Mars pour quatre astronautes en l'an 2023, soit 7 ans avant les plans dévoilés par la NASA. Mais ce voyage serait un aller simple car le retour serait trop difficile techniquement pour avoir lieu, selon lui. De plus, rien que l'aller coûterait la somme astronomique de 6 milliards de dollars, soit 4,8 milliards d'euros. Il s'agit de plus du double du montant dépensé pour mettre au point la mission du rover Curiosity, atterri sur Mars il y a quelques jours.
C'est afin de payer ce coût que l'ingénieur a eu l'idée d'utiliser les médias, notamment la télé-réalité. Pas étonnant puisque l'inventeur du concept est l'un de ses compatriotes, le Néerlandais Paul Römer, papa de l'émission Big Brother. C'est d'ailleurs en discutant avec ce dernier que Lansdorp a pensé à filmer l'épopée martienne et à la diffuser. La sélection des astronautes, leur voyage de sept mois, puis leur vie quotidienne sur la planète rouge seraient alors suivis par les Terriens grâce à la télévision. Un autre compatriote, le prix Nobel de physique 1999 Gerard 't Hooft, a déjà soutenu l'opération : "De tout temps, il y a eu des aventuriers pour se lancer dans des voyages vers l'inconnu, pensez aux vikings qui sont allés en Amérique, à Christophe Colomb".
L'équipe de Lansdorp travaillant sur le projet est constituée d'un physicien, d'un graphiste industriel et d'une spécialiste en communication d'entreprise. Ceux-ci souhaitent contrôler la "coordination générale" de l'opération mais laisseraient la réalisation technique à des sociétés privées spécialisées. Ils déclarent être en mesure de faire atterrir sur Mars quatre cosmonautes en avril 2023, rejoints un peu plus tard par d'autres. Les premiers astronautes auraient ainsi pour mission d'installer la colonie et de mener des recherches scientifiques, notamment sur d'éventuelles traces de vie.
Leur oxygène serait produit à partir d'eau présente sous forme de glace dans le sous-sol. Puis en 2033, vingt astronautes seraient officiellement martiens. Pourtant, plusieurs experts s'interrogent sur l'éthique du projet et sur sa faisabilité technique. Chris Welch, professeur d’ingénierie spatiale à l'Université internationale pour l'espace (ISU) de Strasbourg, s'inquiète : "Je pense qu'il y a de nombreuses questions qu'ils n'ont pas examinées assez en profondeur. D'un point de vue technique, je dirais que c'est du 50/50, en tout cas c'est un essai courageux". M. Lansdorp lui-même reconnaît que de nombreux aspects restent encore à déterminer pour réussir l'opération.
Jusqu'à aujourd'hui et depuis 1960, seules 50% des missions des grandes agences spatiales visant à l'atterrissage d'un robot sur Mars ont atteint leur but. D'ailleurs, le président américain Barack Obama avait déjà étonné par son optimisme en prévoyant l'envoi d'hommes sur la planète rouge en 2030. La colonie de Lansdorp annoncée pour 2023 semble donc à beaucoup totalement utopique. Surtout lorsque l'on sait que la température martienne tourne autour de -55°C et que son atmosphère est composée à 95% de dioxyde de carbone.
Pour Chris Welch : "Faire atterrir une personne à la surface de Mars... pourquoi pas. Mais faire atterrir quatre personnes et les garder en vie sur place, c'est beaucoup plus difficile". D'après Jorge Vago, expert d'un programme d'exploration de Mars de l'ESA (Agence spatiale européenne), les turbulences à la surface de la planète rouge rendraient presque impossible la pose de deux engins spatiaux au même endroit comme le prévoit Mars One. Il explique : "Si un véhicule robotisé doit préparer l'aménagement d'un module habitable ayant atterri à 20 ou 100 kilomètres, il lui sera très difficile de l'atteindre".
Autre problème sous-évalué selon Vago : les éruptions solaires projettent dans l'espace de la matière ionisée qui peut brûler les astronautes et endommager gravement leurs vaisseaux. Le président de la Société spatiale néerlandaise, Gerard Blaauw, émet lui aussi des doutes. Mais il encourage "l'idée visionnaire de combiner les médias et l'aérospatial". Même si dates et moyens techniques pourraient faire défaut à la start-up néerlandaise Mars One, il ne semble donc pas exclu qu'une télé-réalité martienne vienne un jour accompagner nos soirées.