Dans une courbe du rio Guadiana qui trace paresseusement la frontière entre l’Algarve portugaise et l’Andalousie espagnole, la commune de 3.000 âmes est pratiquement déserte, terrassée par un soleil de plomb. A l’intérieur de l’unique pharmacie du village, Daniela et Nuno Silva font des achats pour Santiago, leur nourrisson de six mois.
Une pommade ophtalmique, un mobile musical et un parc à jouets: un total de 228 euros, pris en charge par la mairie. “Ce sont des choses qui coûtent cher”, explique la maman de 29 ans, au chômage, rapporte l’AFP.
“Nous vivons chez mes beaux-parents avec 800 euros par mois. L’aide de la mairie est très importante pour nous”, ajoute Nuno, 37 ans, salarié d’une maison de retraite en arrêt maladie.
Attirer les jeunes
Le maire socialiste, Osvaldo Gonçalves, estime qu’il faut “attirer les jeunes, car sans les jeunes, il n’y a pas d’enfants”. Alcoutim a perdu un tiers de sa population en 20 ans et le taux de fécondité de 0,9 enfant par femme y est l’un des plus faibles du Portugal.
Six familles bénéficient de la mesure, mise en place en août dernier sur le modèle de ce qui se fait déjà dans au moins une vingtaine d’autres communes rurales un peu partout dans le pays. Mais à Alcoutim, l’aide est plus généreuse, selon l’édile.
Le nombre de naissances pourrait ainsi grimper à huit ou neuf en 2015, contre six l’an dernier. Une progression, même si le chiffre est encore loin des 23 nouveau-nés recensés en 1995.
Sur les hauteurs du village, Antonio Valerio, 34 ans, vient rendre visite à sa compagne Jessica, 22 ans, qui travaille à la crèche municipale. Elle tient Martim dans ses bras, leur bébé de neuf mois, les yeux encore lourds de sommeil après la sieste.
Le couple a été le premier à bénéficier du programme. “Le lait en poudre, les couches et même la crèche: je n’ai pratiquement rien payé de ma poche”, énumère le jeune père, qui travaille à l’auberge de jeunesse d’Alcoutim.
Mais selon lui, la prime de 5.000 euros, qui permet de se faire rembourser les frais pour l’enfant pendant les trois premières années de sa vie, “ne serait pas suffisante pour quelqu’un qui n’a vraiment rien”.
Crise et austérité
“Certaines régions du pays, notamment de l’intérieur des terres, sont devenues très inhospitalières pour les jeunes qui veulent travailler et fonder une famille”, explique Vanessa Cunha, chercheuse à l’Observatoire portugais des familles.
Le problème est national, ajoute-t-elle: “Un climat défavorable à la natalité s’est installé dans la société portugaise avec la crise et les mesures d’austérité” mises en place en 2011 en échange d’un programme d’aide internationale de 78 milliards d’euros. “Les conditions de vie plus précaires ont conduit les couples à suspendre leurs projets de parentalité”.
Selon l’office européen des statistiques (Eurostat), cette évolution est relativement récente: il y a dix ans, le Portugal se trouvait encore en milieu de tableau en matière de fécondité par rapport aux autres pays d’Europe, avec 1,41 enfant par femme.
A Lisbonne, le gouvernement veut lui aussi encourager la natalité et a déposé en avril plusieurs projets de lois au Parlement pour aider les jeunes parents, prévoyant notamment des congés parentaux élargis, des avantages fiscaux ou encore des allocations familiales plus généreuses.
“L’Etat a entendu les cris d’alerte des communes de l’intérieur”, se réjouit le maire d’Alcoutim, Osvaldo Gonçalves, qui estime que les mesures nationales vont renforcer les initiatives prises localement par les municipalités.
La spécialiste de la famille Vanessa Cunha est plus prudente. “Tant que le marché du travail restera fermé et précaire”, les incitations à la natalité “ne seront pas efficaces”, estime-t-elle. Or le chômage au Portugal touche 13,7% des actifs et particulièrement les jeunes: un sur trois est sans emploi.
Si rien ne change, selon l’Institut portugais des statistiques, le pays pourrait perdre d’ici 2060 près de 20% de sa population et passer de 10,5 à 8,6 millions d’habitants.