Une dizaine de citoyens emportés par les eaux près de Taroudant : Oueds en crue et conscience en décrue

Faut-il charger le seul mektoub ?


Chady Chaabi
Vendredi 30 Août 2019

Le drame a été fulgurant. A Tizert, un village dans la région de Taroudant, la crue subite d'une rivière a fait au moins sept morts mercredi après-midi, apprend-on des autorités locales. Les opérations de recherche qui se poursuivaient ont réussi à retrouver un homme âgé blessé. Pour ce qui est des personnes décédées, il s’agissait d’un jeune de 17 ans et six hommes âgés.
Les images impressionnantes, filmées par téléphone portable et diffusées sur les réseaux sociaux, montrent que la rivière a débordé avant de submerger un terrain où se jouait un tournoi amateur de football, alors qu’un bulletin spécial de la Direction de la météorologie marocaine (DMN) avait alerté des risques d'averses orageuses "de niveau orange" dans plusieurs provinces du Royaume. Les huit hommes qui s'étaient réfugiés dans les vestiaires ont été emportés par les flots. Une photographie aérienne du terrain montre qu’il a été construit sur le lit de la rivière.   
Au Maroc, les catastrophes naturelles sont en augmentation. La preuve, en l’espace de quelques mois, un glissement de terrain a eu lieu dans la région de Marrakech faisant 15 morts et les inondations qui viennent d’endeuiller la province de Taroudant. Dans un cas comme dans l’autre, le bilan aurait été moins lourd si ces hommes et femmes décédés étaient mieux préparés aux catastrophes et sensibilisés à y faire face.
Pourtant, dès 2016, un rapport de la Banque mondiale alertait sur le fait que la population marocaine n'était pas suffisamment consciente de son exposition aux risques liés aux catastrophes naturelles et notamment « les populations les plus pauvres, moins éduquées et disposant de moyens limités pour se protéger », indique le document.
Afin de justifier ce constat, la Banque mondiale s’était basée sur une enquête relative à la perception collective des risques dans quatre communautés situées dans les provinces de Guelmim, El Hoceima, Taounate et Chaouen. L’enquête en question a montré que la population était généralement consciente des risques de catastrophes naturelles; en attestent les 84 % des personnes interrogées et propriétaires de leur habitation, souhaitant limiter d’éventuels dommages. Par contre, toujours selon l’enquête, cette population est mal informée des risques spécifiques auxquels elle est exposée, puisque 89 % des personnes interrogées considèrent les inondations comme le principal risque, même si elles habitaient dans des zones fortement sismiques.  
Afin d’y remédier, ledit rapport a souligné «la nécessité d’adopter une approche proactive de gestion des risques de catastrophes naturelles». Une nécessité qui devait se traduire par une sensibilisation de la population à l'existence de ces risques tout en lui donnant les clés pour atténuer les effets d'éventuelles catastrophes naturelles au niveau local. Et ceci n’a rien d’illusoire, surtout que le rapport explique que « toutes les personnes interrogées reconnaissent qu'elles pourraient jouer un rôle dans la gestion des risques de catastrophes naturelles, par des actions communautaires ». Sans oublier que 81 % d’entre elles pensent que la gestion des risques relève des pouvoirs publics, aux niveaux local et national. Ces recommandations étaient-elles prises au sérieux ? Rien n’est moins sure.
En écho à ce dernier point, on peut citer l’exemple du Japon. Les catastrophes naturelles ont marqué l'histoire du pays. Et les Japonais ont donc appris à les voir venir. Depuis plusieurs années, l’Etat nippon a pris des mesures dans ce sens. François Macé, professeur au Centre d'études japonaises de l'INALCO, assure que « dès le plus jeune âge, il y a un apprentissage de la catastrophe. Le pays est régulièrement sujet aux catastrophes naturelles, c'est une question de survie, c'est fondamental »
D’autres nations y ont elles aussi accordé une attention particulière, avec pour principal instrument, le Cadre d'action de Hyogo, du nom d’une préfecture japonaise dont la principale ville est Kobé, là où s'est tenue en 2005 la conférence. Une région qui a été touchée par un sévère tremblement de terre en 1995. Adopté par les Etats membres des Nations unies, le Cadre d'action de Hyogo a pour but d'instaurer la résilience des nations et des collectivités face aux catastrophes, par une réduction considérable des pertes dues aux catastrophes. Des pertes tant en vies humaines qu'au niveau du capital social, économique et environnemental des collectivités et des pays.
Les actions prioritaires de ce plan d’action sont aux nombres de cinq. A commencer par s'assurer que la réduction des risques de catastrophes est une priorité nationale et locale avec une base institutionnelle solide pour la mise en œuvre. Ensuite, il s’agit d’identifier, évaluer, surveiller les risques de catastrophes et renforcer les systèmes d’alerte rapide. Utiliser les connaissances, l'innovation et l'éducation pour créer une culture de la sécurité et de la résilience à tous les niveaux est également un pan capital pour la réussite du Cadre d'action de Hyogo, à l’instar de la réduction des facteurs de risque sous-jacents, et du renforcement de la préparation aux catastrophes pour une réponse efficace à tous les niveaux.  
A la lumière de ses éléments, il paraît évident que les Marocains qui ont récemment succombé sous l’effet dévastateur de catastrophes naturelles auraient pu en partie être sauvés. Qui plus est quand on sait que l’UNESCO avait organisé il y a quelques années une campagne mondiale pour l’éducation à la prévention des catastrophes. Elle avait deux objectifs principaux. Primo, promouvoir la prévention des catastrophes dans les cursus scolaires. Et deuxio, améliorer la sécurité des écoles en encourageant l’application de normes de construction capables de résister à n’importe quel type d’aléa naturel. Cette campagne avait d’ailleurs prouvé son efficacité lors du tsunami de décembre 2004, lors duquel la petite Tilly Smith a sauvé une centaine de vies grâce à une leçon de géographie consacrée aux tsunamis qu’elle avait suivie avant de partir en vacances en Thaïlande avec ses parents. 


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