Une arme de guerre hideuse et barbare


Par Dr Famahan SAMAKÉ *
Vendredi 16 Décembre 2011

Il est, depuis près de deux décennies, une arme de guerre non conventionnelle qui fait des ravages en République Démocratique du Congo – RDC – et en Afrique du Sud.  Elle est proprement hideuse et barbare, cette arme, mais son nom est léger : le viol, comme un vol ; le vol de la dignité de l’autre.
La prolifération  de cette pratique hideuse en Afrique australe n’est pas seulement une honte à l’échelle continentale, mais surtout un retour de notre génération à l’âge de l’homme de la grotte.  Cet homme, un vrai rustre qui n’était pas civilisé, sortait de son antre et agrippait toute femelle qui s’aventurait alentour avant de l’entraîner dans son trou pour abuser d’elle.  Mais il avait l’excuse de mener une existence rudimentaire et pré-civilisatrice.  Les violeurs congolais et sud-africains eux, crachent sur la civilisation et retournent dans la grotte.  Les premiers ont réussi l’exploit de trucider la dignité de 48 femmes toutes les heures, soit un total effarant de 1152 femmes violentées chaque jour, selon des chiffres onusiens et corroborés par de nombreuses ONG.  Les seconds bafouent le corps et l’honneur d’une femme toutes les 26 secondes, soit plus de 120 femmes violées toutes les heures.
Mais le pire est que ces chiffres, quelque faramineux qu’ils soient, ne représentent que la partie visible de l’iceberg.  En effet, l’on sait que la grande majorité des victimes de viol en ont si honte qu’elles préfèrent ne pas porter plainte contre l’agresseur.  Ce serait d’ailleurs peine perdue dans la situation de guerre interminable qui prévaut depuis si longtemps en RDC.  En Afrique du Sud, les homicides qui sont tout aussi nombreux que les viols, nécessitent des enquêtes plus urgentes, semble-t-il.  En conséquence, les victimes se murent dans le silence et ruminent leur traumatisme.  Mais l’on feint d’ignorer que le traumatisme consécutif à un viol n’est pas que physique, mais surtout psychologique.  Le viol détruit la personne morale, détruit sa confiance en soi et dans les autres.  Il détruit ce que l’on a de plus précieux : la dignité de l’être humain.   Le plus souvent, le violeur est pourtant un parent, ou un ami de la famille, un dignitaire respectable au sein de la communauté locale.  Le président actuel de l’Afrique du Sud a même été jugé pour viol et blanchi pour insuffisance de preuves.  Mais dans la plupart des cas, la coutume se met alors au travers de la loi et un règlement à l’amiable est imposé à la victime, c’est-à-dire, une impunité accordée au criminel.
Certains mâles estiment qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat lorsque l’on rapporte un cas de viol.  Ils sont convaincus en effet que toutes les femmes aiment et ne demandent que ça, même si l’on s’introduit en elles avec effraction et violence !  Mais ils changeraient d’avis si leur épouse qu’ils aiment de tout leur cœur était violée par le boucher du coin alors qu’elle voulait tout simplement lui acheter de la viande de bœuf.  Ou si leur sœur cadette, ou leur maman, étaient victimes de ce crime de la grotte de la part d’un voisin.  Ils seraient nombreux alors à vouloir laver l’honneur sororal ou maternel dans le sang.  Ce serait sans doute une avancée civilisatrice pour l’Afrique si tous les hommes de ce continent avaient la même réaction devant toutes les victimes de viol.

 * Médecin congolais


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