Nous sommes de plus en plus en transition car le monde évolue de plus en plus vite et multiplie les occasions de remise en question.
Les grandes transitions sont le passage de la scolarité à la vie active et de la vie active à la retraite. La vie s'articule autour de ces trois périodes de trente ans environ chacune. Mais il existe aussi des transitions majeures à l'intérieur même de la vie active comme, par exemple, lorsque l'on passe d'un poste technique à celui de management et ensuite à un poste de direction. Plus la vie avance, plus il est important de ne pas se tromper sur son génie. Chaque période de transition est une occasion idéale pour reprendre son travail de recherche et d'approfondissement de soi et utiliser ce moment de bifurcation pour se rapprocher de conditions idéales à l'épanouissement de nos talents.
Ce monde en transformation rapide a tendance à déclencher deux réactions de fuite: une qui consiste à gesticuler et à se perdre dans les détails afin de ne pas affronter les vraies questions; une autre qui consiste à s'effondrer dans la dépression par épuisement. La multiplication des choix qui nous sont offerts nous renvoie chacun à un besoin de sens. C'est la valeur paradoxale de cette société de consommation de nous renvoyer pour sortir de l'enlisement à des questions de sens fondamentales.
L'illusion du saut de l'ange : passer du formel au formel
Dans les périodes de transition, on a tendance à croire que l'on va pouvoir passer de la rationalité formelle de l'univers de sens que l'on est en train de quitter directement à une nouvelle rationalité formelle. En fait, on est obligé de passer par un moment profondément émotionnel où on lâche prise et à une période de blanc où l'on se sent perdu entre deux mondes et où l'on flotte dans un univers qui a perdu sa consistance. Ce passage par le niveau Turbulent et le niveau Vide est consubstantiel d'une courbe de changement.
La phase de vide est vécue un peu comme une traversée du désert, et c'est au fond de ce désert, quand on se sent complètement perdu que l'on peut trouver des idées originales pour remonter à la surface avec un nouveau projet. Il faut accepter de se perdre pour se trouver. Beaucoup de personnes ont du mal, dans ces périodes de transition, à lâcher prise et leur processus d'évolution est bloqué car elles ne veulent pas accepter que leur vie puisse pendant un certain temps flotter en leur donnant ainsi une certaine inconsistance.
Ce blocage, qui est très fréquent, peut être lié à une peur des émotions ou plus radicalement encore à une peur du vide. C'est à chacun de ces niveaux que se pose la question de la maturité affective et spirituelle de la personne. La meilleure manière de se préparer à ces transitions est de les aborder positivement et consiste en un travail de développement personnel à travers la culture artistique, philosophique et spirituelle. A travers l'art, nous apprenons à vivre par procuration toutes les formes d'émotion, nous apprenons à les transformer et à les sublimer. En un mot, nous apprenons à les vivre plutôt qu'à les refouler. A travers la philosophie et la spiritualité, nous nous entraînons à répondre aux 88 grandes questions de sens qui sont au coeur des crises que nous traversons dans les périodes de transition.
Les fantasmagories de la plongée dans l'affect : rentrer dans le turbulent
Quand nous quittons un univers que nous connaissons bien lors d'une transition, nous vivons symboliquement toutes les affres de la mort. C'est cette mort symbolique qui active toute notre souffrance émotionnelle accumulée à travers nos blessures affectives. Vivre une transition, c'est vivre la remontée à la surface de toutes les douleurs et de toutes les émotions sur lesquelles nous avions fait une croix et que nous avions rejeté au loin. La désintégration de sa propre identité peut être vécue de manière difficile par celui qui n'a pas intégré culturellement l'idée qu'une transition peut être l'occasion rêvée d'une renaissance dans un monde meilleur.
La transformation dans le vide : accepter de ne pas savoir dans la chrysalide
Il est important dans les périodes de transition d'apprendre à se relaxer en laissant remonter les émotions contradictoires mais sans se laisser emporter par elles. A partir du moment où le turbulent s'apaise et les émotions se calment, on peut alors connaître un moment tout à fait particulier où l'on est réellement au fond de la transition, entre deux mondes. On a quitté le monde ancien mais on n'est pas encore dans le monde nouveau. Ce moment de vide peut être d'autant plus angoissant que l'on en arrive à ne plus rien comprendre. On ne sait plus très bien où l'on est, où l'on va et compte tenu des moments de flottements, on a beaucoup de mal à être productif. En général, on a l'impression de perdre son temps et cela peut être un facteur d'énervement intense pour quelqu'un ayant intégré le devoir d'être constamment productif. Par contre, si l'on sait lâcher prise et accepter ces moments de flottements, ils peuvent être très agréables. Ce sont des moments de profonde liberté intérieure et de méditation où tout devient possible. Ce sont des moments de re-création où l'on peut tomber amoureux du monde à nouveau à travers un regard différent. Bien que, souvent, ils apparaissent au moment où on les vit comme des moments d'inaction, ces moments se révèlent rétrospectivement comme les moments les plus importants de notre vie. Ce sont les moments structurants pendant lesquels on décide en profondeur les grandes orientations de sa vie. Une vie où l'on ne laisse pas ces espaces devient comme une maison sans fenêtre car c'est bien à travers ces espaces que nous pouvons délimiter les parois essentielles sur lesquelles construire notre vie.