Avec l'Agriculture-Elevage, l'homme se libère de l'aliénation à la nature et conquiert une stabilité qui permet le développement de l'écriture. Mais cela s'est fait au prix du développement de l'esclavage à large échelle : une minorité se dégage des travaux physiques et profite des efforts fournis par une majorité. Sa survie assurée, cette minorité peut développer une plus grande activité culturelle.
Avec l'Industrie-Commerce, la technologie et les machines permettent de libérer l'ensemble de la population des travaux de force. L'esclavage est aboli et l'homme découvre la liberté de gérer sa vie indépendamment de castes rigides et d'un ordre hiérarchique strict. Mais parallèlement, la machine tend à instrumentaliser l'homme, à le découper rationnellement pour l'affecter à des tâches spécialisées.
L'homme, par la spécialisation, devient un rouage de la machine économique. La libération du corps de l'homme correspond à son aliénation au désir de consommation matérielle. Il est d'ailleurs symptomatique que c'est dans cette période que le sport et les loisirs se généralisent. En fait, le corps de l'homme se libère de sa charge de travail et conquiert le statut d'un espace hédoniste. Le "body-building" par exemple est l'archétype de ce corps devenu espace de réappropriation hédonique.
Avec l'âge de la Création-Communication, nous assistons une nouvelle fois à ce processus parallèle d'aliénation et de libération ; mais cette fois sur un fond d'aliénation-libération ultime puisque ce n'est plus le corps qui est en jeu mais le psychisme. Notre cerveau tend à être simultanément aliéné par la rationalisation digitale des processus d'informatisation et libéré de la nécessité de s'investir outre mesure dans cette dimension infiniment mieux prise en charge par les ordinateurs.
Du coup, l'homme qui s'était peu à peu réapproprié son corps, se réapproprie de plus en plus son cerveau pour un développement subjectif, hédonique, poétique et spirituel de la conscience. Ainsi, les formations au développement personnel où se mêlent développement de la créativité, de l'intuition et connaissance de soi ont connu un essor sans précédent. Nous passons du "body-building" au "brain building". Les sports sont eux-mêmes en train de se modifier : dans les nouveaux sports de glisse, surf en tout genre et autres deltaplanes, l'activité physique est avant tout le support, le prétexte de la recherche d'une sensation d'un "feeling" qui tend d'ailleurs à évacuer le côté compétition propre aux sports de la génération précédente.
C'est ici que commence une nouvelle civilisation. Le monde s'offre à nous comme un gigantesque chaos, chaos d'informations, chaos des monnaies, chaos des cultures. Nous ne survivrons que par l'ouverture empathique à ce gigantesque chaos mais aussi et surtout par notre capacité à nous recueillir sur notre intériorité qui seule, au-delà des différences formelles, peut donner du sens à l'altérité.
Dans ce sens-là, tout le courant de "psychologie transpersonnelle" offre un espace de rencontres, au-delà des sectarismes culturels, à une spiritualité vécue par chacun en toute liberté en tant qu'elle est ouverture à la question du sens.
Ce courant de psychologie, issu des travaux de Karl Jung, est présent dans la plupart des pays d'Europe et d'Amérique. Le yoga en ce qu'il est une spiritualité intégrative qui s'ouvre aux autres spiritualités et intègre le corps, l'âme et l'esprit, est un autre exemple intéressant de conjugaison transculturelle. Le travail sur l'intériorité et la subjectivité va devoir prendre, dans les années qui viennent, l'importance des sciences de la matière au cours des siècles précédents.
(A suivre)