Trois compagnies ciblées pour fusion-absorption : Après le secteur bancaire, les Marocains s’intéressent aux sociétés sénagalaises d’assurance


Par Pape NDIAYE
Mardi 25 Décembre 2012

Trois compagnies ciblées pour fusion-absorption : Après le secteur bancaire, les Marocains s’intéressent aux sociétés sénagalaises d’assurance
C’est une véritable ligne Maginot que les assureurs sénégalais viennent de dresser contre les assauts des compagnies maghrébines qui visent à mettre le grappin sur eux.
En septembre 2006, « Le Témoin » avait révélé le rachat de la Compagnie bancaire de l’Afrique de l’Ouest (Cbao) par le groupe Attijariwafa bank. A l’époque, personne ne nous avait cru puisque les deux parties s’étaient donné rendez-vous dans un hôtel situé au bout du monde, c’est-à-dire en Australie, pour des négociations ultrasecrètes.
Aujourd’hui, « Le Témoin » est encore en mesure de vous révéler que des Marocains s’intéressent au secteur sénégalais de l’assurance. Disposant de capitaux importants, ils ont ciblé discrètement trois compagnies locales d’assurance pour les racheter. Dans l’espoir de protéger le peu de parts de marché qui leur reste, des assureurs sénégalais comptent aller en guerre contre ces entreprises maghrébines.
Pour s’implanter au Sénégal comme « hub » bancaire afin de s’étendre dans la sous-région, les experts marocains  du groupe  Attijariwafa Bank avaient d’abord ouvert une succursale de leur banque. Ensuite, histoire de se mettre en appétit, ils avaient racheté la petite Banque sénégalo-tunisienne (BST) qui appartenait alors majoritairement à Alioune Sadio Sow, patron de la Compagnie sahélienne d’entreprises (CSE) et à l’actuel Premier ministre, Abdoul Mbaye. Puis, les Mimran désirant vendre leur établissement pour se concentrer sur leur cœur de métier, ils avaient sauté sur l’occasion pour réaliser le coup du siècle en Afrique de l’Ouest, en rachetant la CBAO, qui était devenue la première banque sénégalaise. En effet, sous la direction de M. Mestrallet, la CBAO avait mis fin à un demi-siècle de règne sans partage de la Société générale de banques au Sénégal (Sgbs) sur la place de Dakar. Auparavant, la banque des Mimran avait réussi à brûler la politesse à la Bicis (Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Sénégal), filiale de la BNP-Paribas française, laquelle occupait jusque-là une éternelle deuxième place derrière la SGBS. Et qui, à partir de ce moment-là, était reléguée à la troisième place du classement annuel des banques et établissements financiers du Sénégal. Si nous nous amusons à parler de ces multinationales de banque, c’est juste pour montrer leur position dominante dans un secteur aussi stratégique au détriment des nationales. C’est exactement la même situation qui prévaut au niveau des assurances où les  compagnies françaises et allemandes, à savoir  Axa  et Allianz-Sénégal, dictent leur loi aux entreprises sénégalaises.
Rien que ces deux multinationales détiennent, à elles seules, les 60 % des parts du marché national des assurances. Les sociétés sénégalaises comme la Sonam, Cnart-Assurances, Prévoyance-Assurances, Cga,  Nsia-Sen, Amsa etc. se disputent les miettes.  On se demande dans ces conditions ce qu’elles deviendront avec l’arrivée des mammouths marocains dans le secteur sénégalais de l’assurance. Sans doute que les petites et moyennes entreprises de l’assurance vont disparaître, même si elles s’engagent dans un processus de restructuration visant à améliorer la qualité de leurs produits ou diversifier leurs activités. Car le marché national de l’assurance semble être trop petit pour héberger des éléphants marocains connus pour leur agressivité commerciale et leur force de frappe financière. Fortement encouragés par le Code sénégalais des investissements qui renferme des dispositions trop hospitalières à l’endroit des étrangers, les groupes marocains rôdent aux alentours des maisons sénégalaises d’assurances. Ils ne comptent pas passer par les fenêtres, mais plutôt par les grandes portes avec d’immenses valises pleines de dollars.
D’ailleurs, « Le Témoin » est en mesure de vous révéler que des experts marocains ont déjà ciblé trois compagnies à 100% nationales dont nous préférons taire volontairement les noms. Toujours est-il que ces trois sociétés sénégalaises d’assurance intéressent les Marocains pour une option de « rachat » ou fusion-absorption. Après avoir prospecté le marché, les envoyés marocains sont tombés sous le charme de ces trois entreprises de la place aux activités florissantes.
A en croire une source proche des négociations, ils ont eu à contacter un administrateur clé d’une de ces trois sociétés. Une opération de charme qui a avorté du fait que l’administrateur sénégalais leur avait fait comprendre que sa société n’était pas intéressée bien que l’offre était très alléchante. Les Marocains ne sont pas les seuls en voyage d’affaires au Sénégal puisque des assureurs tunisiens  ont profité de cet « échec » pour venir à la charge avec d’autres plans de restructuration et  propositions de fusion-absorption.
Comme les Marocains, les investisseurs tunisiens n’ont pas réussi à convaincre cet administrateur sénégalais malgré plusieurs propositions qui s’adressent aussi au reste de l’actionnariat. Evidemment, tous les assauts maghrébins ne sont pas vains puisque, parmi ces trois sociétés, une d’entre elles au moins risque de tomber dans l’escarcelle des Marocains.
En effet, l’un des principaux administrateurs et actionnaires majoritaires, séduit par le jackpot qu’il allait réaliser, n’a pas craché sur l’offre d’une fusion. Selon certaines indiscrétions, un accord de principe serait intervenu.
La transaction ne serait pas trop défavorable à la partie sénégalaise qui compte investir d’autres segments comme le transport avec des bus ultramodernes reliant Dakar à Banjul, Casa, Nouakchott, etc. Elle compte  surtout mettre ses billes dans un projet de transport maritime avec  des bateaux de passagers sur l’axe Dakar-Casablanca. Les deux parties se sont donné rendez-vous après l’évolution de l’exercice 2012 pour pouvoir pousser leurs discussions.
En tout cas, une éventuelle arrivée des Marocains dans le secteur de l’assurance ne fait pas l’unanimité dans le petit monde sénégalais des assureurs. Car, la plupart des administrateurs et directeurs de compagnies sénégalaises contactés disent qu’ils comptent utiliser tous les voies et moyens en leur possession pour barrer la route aux repreneurs maghrébins. Lesquels ne vont sans doute pas manquer de revoir à la hausse leurs offres…


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