Sur l'oralité et la tradition orale


Par Hicham Belhaj*
Lundi 21 Janvier 2013

Sur l'oralité et la tradition orale
Existe-t-il une théorie globale de l’oralité et aussi de la littérature orale ? Telle est la question à laquelle tente de répondre l’écrivain algérien Mouloud Mammeri dans son étude « Y a-t-il des caractères spécifiques de l’oralité ? » En fait, toutes les études qui ont travaillé sur l’oralité n’ont jamais été détaillées et circonstanciées dans la mesure où, étant descriptives, limitées à un aspect particulier ou superficielles tout court, elles l’ont, peu ou prou, marginalisée.
Quels sont les points de convergence, de divergence et de confluence entre « littérature orale » et « littérature écrite » ? La réponse à cette question a conduit Mammeri à une aporie dans la mesure où elle l’a placé non face à des problèmes, mais face à des mystères.  La dichotomie oral/ écrit, qui  constitue la problématique majeure de l’écrivain et qui a été largement élucidée par lui, inscrit les deux littératures dans une relation purement antagoniste, qui nous fait penser à la dichotomie « culture savante » (celle de la littérature écrite) / « culture populaire » (celle de littérature orale). Esotérique, connotative, la langue de la littérature écrite n’est pas la langue courante car « la littérature, dit l’auteur, commence quand on est par delà les mots ».
Quant à la littérature orale, si étudiée soit-elle, elle n’a jamais été une fin en soi, mais pour satisfaire à d’autres desseins. Si pour la littérature écrite, les critères de « littérarité » sont manifestement apparents, ceux de la littérature orale sont, en revanche, difficiles à relever dans la mesure où cette fonction distinctive (la littérarité) est tributaire de sa fixité. Or, seule la poésie est munie de ce pouvoir d’ordre « pérenne», puisque sa fonction constitue un trait distinctif entre deux traditions : « scripturaire » et orale.
Cependant, alors que dans la première tradition, le moyen ordinaire d’expression est indubitablement la prose, dans la seconde, c’est la poésie. Connotative, cette dernière, vis-à-vis des sociétés à tradition orale est un moyen efficace pour garder/sauvegarder leurs évènements capitaux voire leur patrimoine, ce que pour la bonne raison que le vers est, bel et bien, reproductible, sans pour autant inscrire cette pratique dans telle ou telle prétention « poétique » au sens stricte du terme. Sans aucun doute, la pérennité de la culture d’une société est assurée, entre autres, soit par voie orale soit écrite.
Or, la déficience de la tradition orale doit, en grande partie, à sa fragilité devant le facteur de l’oubli qui la menace d’être perdue à jamais. Celle de la tradition écrite provient justement de la relation intime qu’elle entreprend avec tout qui est étatique et institutionnel. La poésie, étant tant estimée, est semblable à la prophétie car elle possède un caractère immuable/ « figé » et elle n’accepte pas d’être modifiée. Ainsi, offre-t-elle les garanties les plus grandes de fidélité et de conservation.
Dans cette optique, c’est la littérature orale qui demeure en fin de compte car elle est plus authentique et plus liée à la vie.

*Université Sidi Mohammed Ben Abdellah


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