Selon le New York Times : Le TGV, pas encore sur les rails


Traduit par Salim AYOUB
Mardi 24 Avril 2012

Selon le New York Times : Le TGV, pas encore sur les rails
Le projet de la Ligne à grande vitesse ayant pour objectif de relier les principaux pôles urbains du Maroc – en l’occurrence l’axe Casablanca-Rabat-Tanger, connaît quelques difficultés, a écrit le journal américain « The New York Times » dans un article publié le 19 avril dernier et dont voici la traduction.
Le projet de TGV, décrit comme pharaonique par certains, a suscité bon nombre de débats sur son utilité et son envergure. Il a aussi soulevé la question du type de développement qui doit être adopté dans un pays qui est loin d’être riche. Le Maroc doit-il opter pour les technologies avant-gardistes, ou doit-il s’en tenir à l’essentiel ? Autrement dit, construire des écoles et des hôpitaux.
Cette ligne de TGV sera construite avec, entre autres, une aide française. Elle reliera les capitales économiques et administratives du Royaume à son plus grand port, Tanger. Le coût de ce programme s’élève à  4 milliards de dollars et devrait être financé par des prêts venus de la France ainsi que l’aide du Koweït, des Emirats arabes unis et de l’Arabie Saoudite.
Alstom, le géant français de l’énergie et des transports, a été choisi pour construire et exploiter  ce système connu sous le nom de LGV ou Ligne à grande vitesse. Comme il est prévu, le TGV devrait parcourir la distance de 350 km séparant Tanger de Casablanca en 2 heures.
Cependant, certains critiquent ce projet et soulignent qu’il ne devrait pas faire office de priorité dans un pays appauvri qui est classé 130ième au développement humain des nations selon une étude conduite par les Nations unies.
« Vous n’avez qu’à jeter un œil sur les taux record d'analphabétisme dans notre pays, notre système de soins défectueux et l'isolement de certaines régions qui vivent encore au Moyen-âge, pour comprendre qu'il est préférable d'investir de toute urgence dans ces domaines-là pour assurer le développement durable du Maroc »,  a affirmé Salma Bouchiba, une analyste financière à la Société générale à Casablanca, avant d’ajouter : « Il est également tout à fait légitime d'exiger d'abord l'amélioration et la modernisation du réseau ferroviaire actuel, qui est en très mauvais état ».
Par ailleurs, les partisans de ce projet estiment que la LGV est un moyen de rallier les régions du Nord au reste du pays d’un point de vue économique. Cela dit, les critiques ne sont pas du même avis  et pensent que les conditions économiques actuelles sont beaucoup trop compliquées pour que le Maroc puisse se permettre le luxe de réaliser un projet aussi coûteux.
Omar Balafrej, co-fondateur et président de l’Association à vocation politique « Clarté-Ambition-Courage », est l’un des plus grands opposants à ce projet. En organisant des pétitions, des manifestations et des débats publics, il a réussi à attirer l’attention d’Abdelaziz Rebbah, ministre des Transports, qui a accepté de débattre de cette question à Rabat.
M. Balafrej qui juge que ce projet est non justifié, affirme que « chaque 10 m de la LGV est l'équivalent de la construction d'une école en zone rurale. Le Maroc occupe la deuxième avant-dernière place dans la région en termes de développement humain. Les défenseurs du TGV ont tendance à véhiculer l'idée que ce projet serait porté par les Français et les Saoudiens, mais cela est faux. Ces pays accordent des prêts, et non des subventions au Maroc. De toute évidence la dette du pays augmentera considérablement».
En revanche, les personnes favorables à la réalisation de ce projet soulignent qu’il créera des emplois et attirera les investisseurs.
L’ONCF a, pour sa part, annoncé que la Ligne à grande vitesse est nécessaire pour accueillir un nombre croissant de voyageurs ferroviaires. Quelque 34 millions de personnes devront  utiliser le système actuel cette année, comparativement à 14 millions en 2003. Le TGV est susceptible d'attirer 6 millions de clients, selon les promoteurs.  Mohamed Rabie Khlie, directeur général de l’ONCF, affirme que « le TGV va répondre à un réel besoin au Maroc ».
Les critiques soutiennent que  l’identification des lacunes du système actuel devraient se faire en premier. Najib Akesbi, économiste, à l'Institut d'agronomie à Rabat, a déclaré : « Au Maroc, 40% de la zone rurale est coupée, et il n'y a pas de routes. En  hiver, dans certains villages, les gens restent bloqués pendant des mois en raison du mauvais temps ».  Et d’ajouter : « Depuis l'indépendance, en 1956, « le système ferroviaire n'a pratiquement pas changé ».
Plusieurs financements sont accordés selon des conditions commerciales plutôt que comme aide. Cela imposera au Maroc de payer une dette de 100 millions de dollars par an, selon une étude réalisée par le groupe d'étudiants « Cap Démocratie Maroc ».
La campagne « Stop TGV » détient une liste interminable de ce qui pourrait être réalisé avec le même budget, dont 25.000 écoles dans les zones rurales, 25 grands centres hospitaliers universitaires  entièrement équipés  et 16.000 centres communautaires.
En octobre dernier, « Cap Démocratie Maroc » a publié un rapport de 30 pages analysant l'économie du projet pour permettre aux citoyens marocains de juger de ses mérites pour eux-mêmes. Le rapport a été établi par Ahmed Damghi, un étudiant en génie à Paris, qui a effectué une période d’apprentissage à Alstom et Veolia, deux grandes entreprises françaises. Il estime qu’il serait préférable pour le pays d’ajuster le système existant plutôt que d’avoir recours à une technologie avant-gardiste inutile.
M. Damghi a affirmé : « Personne ne peut prédire si ce projet va être rentable ou non », avant d’ajouter que « la décision devrait être prise après un débat public et  démocratique ».
Il a précisé que l'offre avait été attribuée à Alstom sans appel d'offres, même s’il y a d'autres sociétés ferroviaires à grande vitesse en Allemagne et au Japon. La raison, a-t-il soutenu, était de maintenir les relations avec la France. « Nous savons tous qu'il y a des motivations diplomatiques pour ce projet, a-t-il précisé, « mais ils ne suffisent pas à justifier l'exécution d'un projet qui profite à une petite minorité ».
En septembre dernier, à la cérémonie d’inauguration du TGV qui s’est tenu à Tanger, le président français Nicolas Sarkozy  a salué les récents changements politiques au Maroc. La nouvelle Constitution qui a obtenu  l'approbation des Marocains lors du référendum de juillet 2011, donne plus de pouvoirs exécutifs au gouvernement. Mais la décision d’initier le projet du TGV en 2007 a ​​été prise sans la participation de la société civile.
M. Balafrej,  président de « Courage-Ambition-Clarté », a déclaré : « Nous voulons tout simplement geler ce projet, qui est le symbole d'un Maroc que nous ne voulons pas  et où les décisions les plus importantes, celles qui ont un impact sur ​​la vie quotidienne de tous les citoyens et les générations à venir, sont prises sans consultation du peuple et sans débat démocratique».


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1.Posté par ali hak le 24/04/2012 10:57
Je ne vois pas où il est dit dans cet article que le projet de TGV peut ne pas se faire

L'article fait etat d'une opposition au projet mais nous le savions deja

L'article ne mentionne pas les compensations que recevra le Maroc (usine installée au Maroc par Alsthom; sous traitance de la fabrication de certaines pieces pour les rames)

2.Posté par futurbarbu le 25/04/2012 12:08
L'opposition au TGV envisagé relève de la démagogie populiste ,sa réalisation oblige le maroc à opter pour le développement dans tous les domaines technologiques .Les opposants oublient qu'on forme des spécialistes en médecine sans avoir formé suffisament de généralistes ,faut-il fermer les universités pour ne s'occuper que de l'alphabétisation d'abord ,faut-il ne pas voter parce qu'il y a manque de démocratie comme le pretend le mvt 20 F qui a raté son succès au profit des islamistes obscurantistes .Oui pour le progres ,oui pour le TGV!

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